mardi 12 juin 2007

Hélène Rioux nous convie au restaurant

Malgré tout ce que l’on peut dire, malgré toutes les modes et les chapelles, le genre romanesque a très peu évolué. Roman traditionnel avec une intrigue et dénouement dans l’extase, roman contre le roman, roman anti-roman où toutes les expériences sont à peu près permises n’y change rien.
Il faut parfois s’y prendre à deux mains pour réussir à suivre certains romanciers dans les méandres de leur écriture. Je songe à Marie-Claire Blais. Ses derniers ouvrages, même s’ils sont époustouflants, demandent des efforts terribles au lecteur. Une sorte de lave qui emporte tous les personnages, abolit les lieux, fait voyager dans une fresque à la vitesse de l’éclair.
Hélène Rioux dans «Mercredi soir au Bout du monde» nous entraîne dans une aventure particulière. Le roman s’amorce dans un restaurant où les habitués se retrouvent à peu près tous les jours. Marjolaine la serveuse, Doris, Denise et Laura. On retrouve aussi Raoul, Boris et Diderot Toussaint. Le «Bout du monde», c’est ce restaurant ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre qui est en quelque sorte le siège social des chauffeurs de taxi. Chacun de ces personnages nous embarque dans sa vie et nous mène dans son intimité, nous fait voyager dans ses obsessions et ses désirs.
Le lecteur se retrouve ainsi à faire son tour du monde, à passer par les Caraïbes et à faire escale en Europe en suivant chacun des personnages.

Fragments

Le processus est assez connu depuis la parution de Mrs Dalloway de Virginia Woolf qui a fait recette. Hélène Rioux sans plagier Madame Woolf emprunte un peu à cette formule et nous fait suivre les personnages indistinctement. Une sorte de lien se noue et se défait selon les chapitres qui sont autant de fragments du monde comme on l’écrit en surtitre de la page couverture. Des fragments ou des morceaux de vie qui nous désarçonne parce que nous ne comprenons pas tout de suite qui est qui dans cette histoire.
J’avoue que par moment, je me demandais bien à qui j’avais affaire et il m’a fallu revenir au début pour comprendre les liens de certains personnages entre eux.
La modernité veut cela. Au lecteur d’inventer son intrigue, de travailler et de construire si on veut la trame narrative du roman.
Hélène Rioux exige beaucoup de son lecteur. Je songe à ce chapitre sur le musicien qui a signé la trame sonore d’un film à succès et qui vient éclairer un peu le réalisateur. Parce que c’est aussi cela le roman de Rioux. Chacun des fragments nous permet de mettre l’éclairage sur un personnage et de faire progresser l’histoire.

Problèmes

Nous embarquons dans la vie d’un personnage et Rioux nous laisse en plan, sans tirer les fils. Je songe à cette jeune Fanny qui se sauve de sa famille sur un coup de tête et nous ne saurons jamais rien de ce qui lui arrive. A nous encore une fois d’imaginer le pire comme le meilleur. On la retrouvera dans la suite, j’imagine, parce qu’il y aura plusieurs volumes.
À la toute fin, quand on doit faire le point en quelque sorte, nous demeurons un peu perplexe. Une suite de personnage a fait son tour de piste sans trop en révéler, sans trop nous en dire. Une manière de nous attacher pour suivre Hélène Rioux au bout du monde.

«Mercredi soir au Bout du monde» d’Hélène Roux est paru chez XYZ-Éditeur.