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jeudi 31 mai 2007

Nelson-Martin Dawson présente son Saguenay

Nous oublions souvent qu’il a fallu moins de deux cents ans, depuis l’installation des premiers défricheurs à Grande-Baie, pour quasi raser les immenses forêts du Saguenay-Lac-Saint-Jean et construire des barrages qui ont modifié tout le bassin hydrographique de la région. Heureusement, les négociations de l’Approche commune rappellent que des peuples vivaient dans ce vaste territoire avant la «Société des Vingt et un». Les activités alors s’articulaient autour de la chasse et de la pêche. La traite des fourrures devait modifier bien des habitudes et l’installation des premiers colons a été un point de non-retour pour ces nomades.
Nelson-Martin Dawson, historien, garde cette conscience du passé. «Les Battures», sa première tentative romanesque, nous pousse dans une époque où les Blancs convoitaient les fourrures des Autochtones, créant des remous en offrant de produits nouveaux, des outils de métal et des poisons comme l’eau-de-vie. L’autre volet nous ramène à la période contemporaine.

Deux points de vue

Pierre, journaliste, s’installe au Saguenay. Il entraîne dans cette aventure sa fille Élyse et sa femme Lily, une pianiste qui joue régulièrement avec les orchestres symphoniques de Montréal et Québec. Ils trouvent une maison de rêve sur les battures, un véritable paradis qui semble avoir été abandonné par les anciens propriétaires. Ils apprendront rapidement qu’un halo de mystère entoure le «ruisseau maudit». Il existe bel et bien une malédiction. Plusieurs tragédies ont frappé les différents propriétaires et les ont fait fuir.
Dans un autre temps, une jeune ilnue, à peine sortie de l’adolescence. Oucheiashte s’initie aux tâches quotidiennes auprès de sa mère. Sa tribu vit des jours paisibles dans le secteur de La Baie depuis des générations.
«L’esprit du Fjord, qui conserve la mémoire de la terre et des eaux du Royaume de Saguenay, se souvient de, petite eau claire jaillissante. Son nom rappelait aux siens qu’elle était née aux jours chauds et doux, près d’un lac aux eaux transparentes qui coulaient des entrailles de la montagne, où son père, Ekhennabamate, avait établi son tentement.» (p.28)
On se croirait au cœur de «La Fabuleuse histoire d’un Royaume» où «l’esprit planait sur les eaux». Une toponymie différente, un pays nouveau surgit alors. Le lecteur vit un parfait dépaysement. La vieille Kurtness agit comme lien entre les deux époques et hante le territoire comme ses ancêtres autochtones auparavant. Pierre n’aura qu’à l’écouter et à suivre ses conseils pour contrer le mauvais sort.

Le Saguenay

Le véritable personnage de ce roman, qu’importe les époques du récit, demeure le fjord, les humeurs du Saguenay, les vents, ses colères et les fortes marées d’automne, le silence aussi quand viennent la neige et les glaces.
«Les grands vents étaient tombés et le Saguenay les avait emportés. N’en restait qu’un souffle porteur d’un air tendre. Une chanson d’amour, c’est sûr. Le clapotis des vagues berçait nos premiers rêves éveillés. Le bruissement des feuilles chuchotait des mots que nous ne comprenions pas, pas plus que nous ne saisissions ceux coassés par les grenouilles qui bénissaient le congé du soleil. Dans le boisé, des ombres s’agitaient. Tout à notre bonheur, nous tournions le dos, et au boisé, et aux ombres, et au vent. Nous fermions nos oreilles, et au chuchotement  des feuilles, et au susurrement de l’eau, et au murmure du vent. Le nez planté dans les étoiles qui perçaient entre les nuages, nous contemplions un ciel qui se laissait saisir par la noirceur.» (p.41)
Nelson-Martin Dawson aurait cependant avantage à retenir ses élans lyriques. Il en met trop quand il veut atteindre une forme de poésie. Quand on trébuche sur une phrase comme «Je risquai un regard vers la fenêtre qui frissonnait du rideau», on perd son élan. Et que dire devant cette argutie: « Pas une boîte. Trop légère pour être une boîte. Quelqu’un d’autre aurait dit qu’elle était vide. Trop légère pour contenir quelque chose, aurait dit quelqu’un comme Solange. Mais pas Lily. Sa légèreté n’indiquait pas le vide. Elle démasquait son contenu. Ce n’était pas parce qu’elle était légère, qu’elle était vide…» (p.169)
Un roman sympathique malgré tout qui fait découvrir un Saguenay porteur de mythes et de légendes, une nature éblouissante.