
Le lecteur qui va s’aventurer dans «La mer de la tranquillité» ne sortira guère rassuré sur l’avenir du monde. Dans ces nouvelles dures, aiguisées comme des lames de rasoir, l’écrivain s’attarde aux largués de la société, à ceux et celles qui hantent les rues de Montréal, n’ont pas de lieu pour s’arrêter, se reposer et sourire tout simplement.
Ces itinérants tentent de trouver l’espoir au bout de la ruelle, une manière de se rassurer. Ils hésitent entre l’utopie, le désir de convertir et de changer la société, de se sacrifier pour le meilleur des mondes ou encore ils fixent une tache sombre sur le ciment, près du pont Jacques-Cartier d’où un désespéré s’est jeté. Un garçon qui en plongeant vers la mort, est devenu quelqu’un qu’on regardait, qu’on voyait. Il s’est peut-être senti exister alors.
Un errant, dans un parc, écoute un homme qui a toute sa vie derrière et qui ne trouve plus de raison de continuer. Une nouvelle troublante que celle de «La mer de la tranquillité» qui coiffe l’ensemble du recueil. Comme si l’incertitude, la peur, l’angoisse de vivre se rejoignaient dans la vieillesse et la jeunesse.
Troublant

Ce petit livre pourrait servir d’introduction à bien des discussions dans les collèges, motiver des jeunes à discuter et à tenter de repenser le monde. Ils sont dix millions semblent-ils à le faire dans des ONG, à se parler, à discuter, à inventer des manières de faire du commerce équitable, à croire avec Laure Waridel que mettre un sac de café dans son panier est un geste politique.
Les personnages de Sylvain Trudel n’en sont pas là. Ils cherchent une direction dans la vie, un trottoir où ils peuvent avancer sans se heurter à des murs. C’est peut-être ce qu’il y a de pire : la perte de sens, de croyances, cette douleur de vivre et la hantise de la mort. Parce que se gaver de marchandises fabriquées au plus bas prix en exploitant les enfants, est aussi une forme de mort et de suicide.
Des nouvelles écrites dans une langue superbe. Sylvain Trudel reste incroyablement efficace et pertinent.
«La mer de la tranquillité» de Sylvain Trudel est publié chez Les Allusifs.