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jeudi 21 avril 2022

ROBERT JOHNSON VIENT HANTER HERVÉ GAGNON

ÇA FAIT UN CERTAIN TEMPS que je n’ai pas lu un roman d’Hervé Gagnon. Pas qu’il se laisse oublier. Cet écrivain publie à un rythme qui donne le vertige, comme s’il avait passé un contrat avec le diable pour connaître la célébrité. Je l’ai croisé lors d’un événement du Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean en septembre, au lancement de son ouvrage. Crossroads, la dernière chanson de Robert Johnson. Avec en prime, ce soir-là, un concert de Steve Hill qui a interprété plusieurs succès de ce musicien légendaire. Hill, survolté, est un magicien avec sa guitare. Il nous a entraînés aux États-Unis, dans le delta du Mississippi, dans une nuit chaude où ça levait le coude et dansait jusqu’aux premières lueurs du jour. C’est là que j’ai découvert que Gagnon aime le blues depuis toujours et touche la guitare à ses heures. Oui, la littérature nous pousse dans des sentiers étonnants.


 

J’étais un peu en terrain connu avec Robert Johnson. J’ai lu la biographie de Jonathan Gaudette, un ouvrage bien étoffé de 344 pages avec grand plaisir. J’en ai parlé dans une chronique en 2020. J’écoute souvent les compositions et le jeu fascinant de ce guitariste, et ce depuis des années. Ce musicien est décédé trop jeune, après avoir enregistré 29 chansons en deux sessions. Cela se faisait rapidement alors et le chanteur était payé une centaine de dollars. Pas question de toucher des droits d’auteur comme maintenant. 

On sait peu de choses de lui, sauf des légendes et des mythes qui entourent sa vie. Ces troubadours allaient d’une ville à l’autre, jouant, buvant et faisant danser les gens après une semaine de travaux quasi forcés dans les plantations de coton. Nous sortions à peine de la terrible période de l’esclavage au début du siècle dernier. L’une des fables veut que Johnson ait signé un pacte avec le diable. Il semble que c’était souvent le cas avec ces musiciens qui cherchaient la plus grande dextérité et la célébrité. D’autant plus que tous interprétaient un genre musical honni par les prédicateurs et la bonne société blanche. Ce contrat se concluait toujours pendant une nuit noire, à la croisée des chemins, un lieu où Belzébuth lui-même tenait ses quartiers et effectuait le commerce des âmes. Les pasteurs parlaient de la musique du diable à toutes les rencontres du dimanche et contribuaient peut-être à populariser ces chansons destinées à faire danser les gens avant tout. 

Il n’y a pas à pavoiser. Le curé de mon village a longtemps interdit la musique et la danse lors des fêtes familiales. Et ceux qui faisaient fi de ces directives étaient pointés du doigt par le curé Gaudiose, à la grand-messe. Danser, c’était ouvrir la porte de l’enfer et les rebelles devaient tout avouer dans le confessionnal pour échapper à la géhenne. Ils risquaient même de se voir refuser l’absolution par un prêtre toujours vindicatif, s’ils récidivaient.

J’aime le blues et écoute la radio de Radio-Canada tous les vendredis soir où on donne un peu d’espace à ces voix si envoûtantes et parfois lointaines. J’y ai vécu des moments fabuleux où le démon marquait le rythme en tapant des mains. 

Pourtant je n’attendais pas l’écrivain dans ces parages, même si Hervé Gagnon s’est souvent intéressé aux mythes et aux légendes dans ses sagas. Avec Robert Johnson, il ne pouvait qu’étonner. Bien des rumeurs ont circulé concernant une trentième chanson du musicien. Et son commerce avec le diable, les chants, son penchant pour l’alcool, ses multiples conquêtes féminines font aussi fantasmer.

 

HISTOIRE

 

Donald Kane est historien, passionné de blues, guitariste amateur. On dirait le double d’Hervé Gagnon. Et Virginia Craft, une anthropologue, est descendante des esclaves afro-américains, spécialiste de la culture populaire du Sud des États-Unis. Une centenaire lègue une étrange boîte aux deux enseignants, des objets qui auraient appartenu à Robert Johnson.

 

Puis, sans prévenir, Simone Jackson était entrée dans sa vie. Dans sa lettre, la vieille dame affirmait qu’elle détenait des effets personnels de Robert Johnson, et qu’elle souhaitait les confier à quelqu’un avant de quitter ce monde. Elle prenait la peine d’ajouter qu’il ne devait parler à personne de cette rencontre, et qu’il devait s’adjoindre la collaboration de Miss Virginia Craft, professeure d’anthropologie à l’Université de Memphis. (p.27)

 

La suite du roman de Gagnon devient une véritable épopée. La bête rôde. Le guitariste et le diable ont signé un pacte. Ce dernier attend son dû même si Robert Johnson a réussi à retarder la livraison de son âme. Et si la trentième chanson existait. Le démon ne lâche pas le morceau et l’héritage de Simone Jackson entraîne toute une série d’incidents étranges. Des musiciens de blues connaissent des morts affreuses. La malédiction opère et le Malin œuvre dans l’ombre, peu pressé parce que le temps ne pèse guère pour lui. Il possède l’éternité dans les poches de son grand manteau qui sent le soufre, toujours selon les rumeurs. Ce qui compte c’est que le pacte soit respecté. 

 

RELIQUES

 

Bien sûr, les deux enseignants mettent la main sur des reliques et le texte de la trentième chanson. Une fortune pour les collectionneurs et les spécialistes. Des objets étranges : deux pics du musicien, un bout de doigt desséché, des talismans et le plus important, un carnet.

 

Tandis qu’il admirait ses trouvailles, Virginia extirpa le dernier élément enveloppé dans la boîte. Cette fois, le mouchoir protégeait un calepin noir d’environ huit pouces sur six, à la couverture de carton épais usée, tachée et écornée, qui avait manifestement beaucoup vécu. Elle caressa doucement le nom tracé à la mine de plomb et encore bien visible. Robert L. Johnson. Ils échangèrent un regard ému. Avec révérence, elle ouvrit la couverture. (p.87)

 

Ce legs déclenche une suite d’événements imprévisibles. Certains veulent ces objets et ne reculeront devant rien pour se les approprier. 

Oui, il y a des morts, des retournements, des rencontres étourdissantes et des malédictions. Des moments d’amour aussi malgré les maléfices et la magie du hoodoo. J’en ai eu le vertige. L’écrivain ne nous laisse jamais un instant de répit. Il a toutes les audaces et nous plonge dans la sorcellerie, les sorts jetés et les anathèmes qui se transmettent de génération en génération. 

 

FASCINATION

 

Gagnon multiplie les fausses pistes jusqu’à la fin de cette aventure étrange qui s’appuie sur les paroles des chansons de Johnson et les idées de l’époque. Tout devient plausible. C’est particulièrement documenté et solide. C’est ce qui importe. Et avec la musique en plus, toujours là. Elle vient vous posséder et vous emporter, avec les chants du guitariste qui arrivent comme des mantras. 

Des personnages qui sortent de l’ordinaire comme Cornélia Craft, née Wilson, qui en sait long sur le diable et ses manœuvres. Elle est de la famille de Virginia, bien sûr. Nous voilà dans les hantises de l’humain qui a souvent pactisé avec le côté obscur de son âme tout comme avec la lumière que l’on associe à Dieu. 

Hervé Gagnon garde le tempo, comme un grand bluesman qui envoûte et nous entraîne là où il le veut bien. C’est à couper le souffle et il est impossible de résister à Craft et Kane. 

Enfin, cet infatigable vient de publier un autre roman qui risque de retenir mon attention. Il se faufile cette fois dans le monde de la Corriveau, un personnage célèbre du Québec, propre encore une fois à toutes les légendes et les mythes. Oui, Hervé Gagnon est un diable d’écrivain. 

 

GAGNON HERVÉCrossroads, la dernière chanson de Robert Johnson, Éditions Hugo, 536 pages, 32,95 $.

lundi 24 juin 2013

Hervé Gagnon peut provoquer la dépendance



Quatre mois après la parution du «Glaive de Dieu», premier tome de «Vengeance», Hervé Gagnon publie «Le grand œuvre», la suite. Cet écrivain écrit à un rythme étourdissant. Son héros, Pierre Moreau, se débat entre des factions qui sont prêtes à tout pour mettre la main sur l’Argumentum. Celui qui percera le secret de ce document pourra faire s’écrouler les assises de la civilisation occidentale.

Pierre Moreau, fils de Jean-Baptiste-Michel Leclair, modeste professeur d’histoire, est entraîné chez les francs-maçons par son futur beau-père, Émile Fontaine. C’est le début d’une aventure époustouflante où les assassinats se multiplient autour du jeune homme. Il se retrouve au centre d’une guerre qui oppose l’Église catholique par le biais du Gladius Dei et l’Opus Magnum des francs-maçons qui tentent de respecter les promesses des Templiers qui ont juré de protéger le précieux document retracé à l’époque des Croisades. Cette tablette remet en question l’existence de l’Église, de Dieu même. Nous savons que l'Argumentum se retrouve en Amérique du Nord, quelque part dans la ville de Montréal. C’était à peu près la trame du premier volet.

Héritier

Pierre, dernier d’une lignée de gardiens, est le seul à pouvoir trouver l’endroit où a été dissimulé le document. Il est l’héritier que l’Opus Dei cherche à éliminer pour que personne ne mette la main sur l’Argumentum et l’utilise. Les francs-maçons n’entendent pas abandonner si facilement. Les opposants s’affrontent dans une guerre où tous les coups sont permis. Et voilà qu’un autre groupe joue du coude dans l’ombre. Des Juifs, des descendants de la tribu de Levi, convoitent cet écrit afin de faire des pressions sur la communauté internationale, pour parvenir enfin à créer l’État d’Israël. Nous voilà dans l’actualité.
Les attentats se multiplient, les tromperies, les trahisons, les meurtres et les surprises. Tous ont besoin de Pierre Moreau pour mettre la main sur le secret tant convoité. Le jeune homme a des raisons personnelles de chercher ce document. Il veut à tout prix libérer Julie Fontaine, sa promise, qui a été enlevée par la faction juive.

Amour et actions

Des morts reviennent à la vie mystérieusement, des disparus surgissent. Peu à peu, le lecteur plonge dans un monde parallèle. Il faut arriver les premiers dans cette course où chaque seconde compte. Le professeur d’histoire déchiffre certaines énigmes à partir d’un tableau de Nicolas Poussin: «Les bergers d’Arcadie». Il est convaincu que l’Argumentum se retrouve dans la tombe de Jeanne-Mance, la fondatrice de Montréal avec Paul Chomedey de Maisonneuve.
Poursuites effrénées dans les rues de Montréal, recherches pour retrouver le tombeau de Jeanne-Mance qui n’est pas situé à l’endroit que les historiens ont prévu.

Là, je suis devenu frénétique, lisant sur le bout de ma chaise, tournant les pages à un rythme inhabituel, moi qui aime m’attarder sur les phrases. Je voulais savoir et même si j’avais un peu la prétention de percer deux ou trois mystères, je dois avouer qu’Hervé Gagnon a réussi à me mystifier et à multiplier les fausses pistes. Et cela jusqu’à la toute fin où la course semble vouloir trouver un second souffle quelque part dans l’Ouest canadien.

La Bible

J’ai eu un peu de mal avec la partie biblique du roman au début, comprenant mal ce long détour. Rapidement pourtant, j’ai vu que c’était de ce côté des choses que viendraient les explications. Hervé Gagnon réussit à donner une couleur contemporaine aux longs exils des Juifs relatés dans la Bible et à leurs revendications millénaires. La volonté de créer un état israélien domine le cours de l’histoire de ce peuple de nomades et n’a pas été sans provoquer nombre de frictions et de guerres. Un rêve qui a connu son aboutissement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’auteur se sert habilement de ces faits historiques pour nous bousculer.
Que dire? Hervé Gagnon multiplie les traquenards, les indices, nous plonge au cœur d’une aventure fascinante. Ce marathon ne prend fin qu’à la page 439 d’un récit étonnant. Et même là, on en voudrait encore parce que cet écrivain nous rend insatiable, accroc aux aventures qu’il déploie avec les aisances d’un prestidigitateur. La lecture des romans d’Hervé Gagnon peut provoquer la dépendance, j’en suis convaincu.

«Le grand œuvre» d’Hervé Gagnon est paru aux Éditions Hurtubise.

dimanche 17 février 2013

Hervé Gagnon est un véritable magicien


Hervé Gagnon est un conteur terrible qui vous mène par le bout du nez dans «Le glaive de Dieu», jonglant avec le vrai et le faux. Ceux et celles qui aiment les romans d’action seront comblés, l’auteur réussissant même à faire revivre les morts. Les scènes sanglantes se multiplient pour corser le tout et Pierre Moreau n’est pas dépourvu, tout professeur d’histoire qu’il soit.

Historien de formation, romancier à succès, Hervé Gagnon n’est pas sans connaître les légendes qui entourent nombre de sociétés secrètes. Des trésors seraient conservés dans les caves du Vatican et ceux des Templiers auraient échappé à toutes les recherches. Que de rumeurs autour des francs-maçons qui ont longtemps été vus par Rome comme une secte où Satan occupait le meilleur fauteuil lors de certaines «messes noires».
Plusieurs auteurs nous ont permis de nous faufiler dans les coulisses de l’Église pour nous révéler des «vérités» qui remettaient en question les dogmes des catholiques. «Au nom de la rose» d’Umberto Eco a connu un immense succès même si on peut qualifier cet ouvrage de savant. «Le code da Vinci» de Dan Brown est peut-être l’ouvrage qui a donné l’envie à nombre de romanciers de s’aventurer dans ce monde secret.
Dans «Le glaive de Dieu» Hervé Gagnon met en scène les francs-maçons et une ramification secrète de l’Église, le Gladius dei qui ne recule devant rien pour préserver la doctrine, le rôle du pape et de ses représentants. Tout remonterait en l’année 1290 où le frère Aigremont, un Templier, met la main sur un document singulier à Saint-Jean d’Acre.
«— Je ne suis pas certain des détails, mais en gros, que tout est faux, soupira-t-il avec une infinie lassitude. Tout ce qu’on nous a enseigné : toutes nos croyances; tous nos espoirs, tout ce pour quoi nous nous sommes battus; tous nos morts. Tout cela était vain. Ceux. Futile. Depuis le début, on nous a trompés.» (p.18)
Cette révélation peut faire tomber l’église et le pape, détruire les fondements de toute la culture chrétienne. L’Église a tout intérêt à s’approprier ce texte et les Templiers à le garder en leur possession pour l’utiliser comme outil de négociation ou faire du chantage si nécessaire. Les Templiers seront pourchassés et emprisonnés par le pape Clément V et le roi Philippe IV.
«Pour la première fois, il réalisait l’ampleur, jusque-là insoupçonnée de la puissance de l’ordre du Temple. Il lui suffisait de brandir un simple document pour faire chanter l’Église tout entière. Ou pire encore: de rendre public ce document pour lui porter un coup fatal. Il ne pouvait courir ce risque. Philippe pouvait accaparer toutes les richesses de l’ordre. Cela n’avait plus aucune importance. Le pape ne souhaitait désormais qu’une chose: récupérer la monstruosité sacrilège dont il venait de lire la transcription et la détruire.» (p.102)

Guerre sans merci

Cette guerre sans merci traverse les siècles et débouche dans le Montréal des années 1880. Un jeune professeur d’histoire possèderait la clef qui mènerait au fameux Argumentum. Les attentats se multiplient autour de Pierre Moreau qui n’y comprend rien. Il entend juste enseigner l’histoire et vivre son histoire d’amour avec Julie Fontaine. Son beau-père l’entraîne dans les rituels des francs-maçons où l’entraide semble une «vertu cardinale». Tous les organismes qui importent à Montréal sont infiltrés soit par les francs-maçons ou le Gladius dei. Certains prêtres travaillent comme agents secrets et manient le stylet quand la raison de l’Église l’exige.

Histoire

Nous arrivons à la toute fin avec plus de questions que de réponses. C’est pourquoi il y aura une suite. Le lecteur ne peut que souhaiter qu’elle vienne rapidement pour dénouer les nœuds de cette aventure qui prend des chemins étonnants.
«De là, en 1398, on l’emporta à Arcadie, pour le déposer dans une tour dont les ruines se trouvent toujours à Newport, Rhode Island. Mais Arcadie fut détruite et l’Argumentum fut abandonné là où on l’avait caché. Puis, en 1642, sous couvert de fonder Ville-Marie, l’Opus dépêcha Paul de Chomedey, Jeanne Mance et quelques autres dans le Nouveau Monde pour y récupérer l’Argumentum et le mettre de nouveau en sécurité.» (p.427)
Assez surprenant ce qu’Hervé Gagnon fait de Paul Chomedey de Maisonneuve et de Jeanne Mance, les fondateurs de Montréal. Qu’importe! Nous sommes dans un roman et le romancier a tous les droits. Une histoire passionnante et folle de rebondissements. Une belle magie.

«Le glaive de Dieu» d’Hervé Gagnon est paru chez Hurtubise.