lundi 10 septembre 2012

Frédérick Lavoie, l’aventurier des temps modernes


Frédérick Lavoie, journaliste, a fait les manchettes en 2006 en étant arrêté lors d’une manifestation à Minsk, en Biélorussie. Il est devenu une célébrité du monde journalistique en passant quinze jours derrière les barreaux. Dans «Allers simples, aventures journalistiques en Post-Soviétie», il raconte cette période mouvementée et ses pérégrinations dans l’ex-empire de l’Union soviétique.

Qu’est-ce qui pousse un homme ou une femme à partir au bout du monde pour plonger dans des guerres, des conflits qui précipitent les humains dans le plus terrible des drames?
Danielle Laurin, dans «Promets-moi que tu reviendras vivant», a questionné ces guerriers de l’information qui mettent souvent leur vie en danger pour être sur place, là où ça se passe.
Frédérick Lavoie raconte ses déplacements dans l’ex-empire de l’URSS, refusant tous les privilèges que peut lui accorder le statut de journaliste. Il préfère vivre avec les victimes, les déportés, des réfugiés qui subissent les révolutions ou qui s’accommodent de la dictature et de la répression.
Avec le démantèlement de l’URSS en 1991, une foule de républiques, après l’occupation russe qui a marqué profondément les mentalités, se sont retrouvées désorientées. L’occasion était trop belle pour les mégalomanes, tous issus de l’ancien appareil communiste étatique, de s’approprier le pouvoir et d’imposer une dictature aveugle. Il n’y a que les pays baltes, la Lettonie, l’Estonie et la Lituanie qui ont tourné le dos aux régimes totalitaires pour adopter le modèle européen.

Voyages

Frédérick Lavoie, après avoir étudié le russe à Moscou, voyage pendant quelques années dans un monde qui n’arrive pas à trouver la direction de la liberté. Il a dû repousser ses craintes et ses angoisses pour aller au-delà de soi et témoigner. De l’Europe jusqu’en Asie, partout sur ces territoires immenses, il a vu des potentats prendre leurs fantasmes pour la réalité, la misère et la soumission.
Le journaliste s’est attardé auprès des étudiants, des révolutionnaires, des chauffeurs de taxi et parfois des militaires. Rarement des représentants de l’appareil étatique. Il préfère les gens ordinaires, ceux qui luttent pour un morceau de pain tous les jours.
Voyage en Biélorussie, en Tchétchénie qui a connue une révolution et une répression sanglante, en Ossétie et jusqu’à la frontière de la Chine, à Vladivostok, où Russes et Chinois se côtoient pour le meilleur et le pire. Que dire de ce séjour au Kazakhstan, chez des martyrs radiés par les expériences nucléaires qui ont duré des années. Toute une population tenue dans l’ignorance. Une situation horrible et révoltante.
Le pire ennemi dans ces dictatures? Les fonctionnaires bêtes, têtus, ignorants, intransigeants, bornés et imbus de leur pouvoir. Heureusement, partout il y a des femmes et des hommes qui luttent pour la liberté, un certain répit dans leur quotidien. De quoi bousculer toutes les certitudes.

Délire

Le président du Turkménistan a fait ériger des statues en or le représentant partout sur le territoire qu’il contrôle pour faire de lui un héros national. Un mégalomane qui a écrit un livre que le peuple doit apprendre par cœur pour travailler, se procurer un permis de conduire ou un passeport. Le seul livre que l’on offre dans les librairies du pays. Le rêve de tout écrivain en mal de succès?
Tous ne sont pas aussi détraqués, heureusement, mais tous pourchassent l’opposition, truquent les élections, jouent le jeu de la démocratie pour soutirer de l’aide financière aux Occidentaux.
Vladimir Poutine et tous les potentats de son espèce se partagent les richesses d’un empire qui n’arrive pas à retrouver sa cohésion depuis une vingtaine d’années. D’autres dangers pointent avec la multiplication des croyances qui remplace les diktats du communisme. L’intégrisme islamiste surtout.
Frédérick Lavoie est un aventurier moderne qui montre la face cachée du monde. Un récit fascinant, vivant et dérangeant. J’ai lu cela comme un roman d’aventures. L’auteur se trouve une petite place dans des taxis, les trains pour de longues excursions dans des pays abandonnés à des illuminés, faisant face à des policiers qui ne répondent à aucune loi. Une façon nouvelle d’échapper aux formatages des médias pour nous montrer des gens qui vivent, souffrent, rêvent, se débattent pour un avenir meilleur même quand tous les horizons sont cousus de barbelés. Des récits touchants, souvent émouvants et fascinants.
Un style direct, alerte, parsemé de petites réflexions sur la vie, la liberté, le goût du risque qui le fait courir au-devant de tous les dangers. J’en suis sorti secoué et un peu troublé. Frédérick Lavoie m’a fait comprendre que je connais bien mal cette planète même si j’ai toujours le nez dans les journaux.

«Allers simples, aventures journalistiques en Post-Soviétie» de Frédéric Lavoie est paru aux Éditions La Peuplade.