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mercredi 8 août 2001

Serge Ouakine n’évite pas tous les pièges

Serge Ouaknine ne s'attarde pas au bonheur de la description dans «Café Prague», l'un des onze récits qui donne le titre à cet ouvrage. Il nous emporte au-delà des mers et des océans, dans plusieurs pays d'Europe, en Amérique du Sud ou, plus simplement, dans un café de Montréal. Pour Ouaknine, le voyage n'est pas qu'un déplacement dans l'espace, une frontière que l'on franchit passeport à la main.
«Le récit de voyage ne peut pas se contenter du portrait du lieu. Le «être là » est un ailleurs indicible qui réclame sa parole. Il renvoie le témoin à lire, comme l'autoportrait, ce que l'altérité opère en lui, l'intervalle entre le désir d'énoncer le propre du miroir, sans le confondre à un épanchement de soi. D'où le piège constant dans lequel se risque le voyageur, entre l'information trop didactique et la confession trop personnelle.» (p.11)
Ouaknine oscille tout au long de ses récits entre ces deux «pièges» et il ne sait pas toujours contourner les dangers. Il plonge aux sources de son peuple, fait jaillir des langues qui reviennent comme des mantras et le font vibrer. Une entreprise qui n'est pas toujours facile pour le lecteur qui ne partage pas son érudition ou ses connaissances.
Ouaknine réussit cependant à nous questionner, à nous faire frémir devant une synagogue, un camp de concentration trop bien pensé. Oui, il y a des lieux magiques, vibratoires, comme des points d'acupuncture sur cette planète. Comme si le temps se superposait et que toutes les époques arrivaient à se confondre. Partout, ici, là, dans une rue de Los Angeles, dans un marché de Jérusalem, dans un avion en route vers Zurich, l'histoire de l'humanité surgit et il faut tendre l'oreille.

Fascinant

Serge Ouaknine devient fascinant quand il s'attarde dans un désert qui évoque un autre espace tout près du mont Sinaï. Et quels moments que cette poussée vers les «grandes salines» de l'Argentine. Dans un vol au-dessus de la vallée de la mort, le voyage devient recueillement, méditation.
«Il fait silence. Je n'avais pas écouté la pulsion sourde, sereine de la paix depuis longtemps. Je « l'enregistre » sur mon walkman pour ma fille. Quinze secondes de silence de la Vallée de la Mort, sur piste, pour qu'elle en reçoive la bénédiction, comme un morceau de Judée. Nous vivons dans l'infortune des bruits. Le désert nous conduit aux murmures de la parole. Peut-être est-ce pour cela que j'ai tant de plaisir dans les cimetières où tout repose, même les sons.» (p.59)
Quand Ouaknine se fait humble, quand il est juste là dans son recueillement, nous connaissons l'enchantement. Dommage que l'écrivain cède trop souvent à la tentation du cérébral.

«Café Prague» de Serge Ouakine est publié aux Éditions Humanitas.