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lundi 2 décembre 2013

Samuel Archibald bouscule sa génération

Il est rare qu’un raconteur d’histoires se lance dans une réflexion où il tente de cerner la réalité et nos façons de vivre. Que dire de la famille, de l’avenir et de l’héritage légué par les parents? Secouer nos valeurs, nos obsessions et peut-être aussi le futur de moins en moins certain qui est réservé à nos enfants? Nous vivons un déclin, semble-t-il, une crise des valeurs, un effritement de la société de consommation et des profits gonflables. Samuel Archibald , l'auteur d’Arvida tente de voir clair dans ce fouillis.

Samuel Archibald est né à Arvida, on le sait. Ses grands-pères ont travaillé en usine et ont réussi à gravir les échelons en besognant comme des forcenés et à bien vivre. Mieux que leurs parents. Sa famille a connu des hauts et des bas, sans se démarquer particulièrement.
«Je suis né gosse de riche dans une famille d’extraction ouvrière. Juste à temps pour mon adolescence, ma famille en est redevenue une de classe moyenne, mais de classe moyenne très inférieure. Et monoparentale.» (p.18)
Une strate sociale qui se faufile entre les très riches et les indigents. Une partie de la population qui a pris de l’expansion à partir des années soixante-dix en misant sur l’éducation, le militantisme syndical et la formation continue pour améliorer son sort. Des volontaires qui pensaient surtout aux conditions de vie qu’auraient leurs enfants.
«Au Québec, on l’a vu, la classe moyenne s’est formée hors d’une dynamique spécifique de classes. Elle a emprunté ses valeurs aux groupes qui lui ont prêté ses effectifs. Elle est une classe ouvrière qui a réussi. Et qui entretient jalousement l’humilité de ses ancêtres cultivateurs.» (p.28)

Réalité

Résultat : une génération ayant des capacités financières plus grandes que celles des générations précédentes, mais aussi particulièrement endettée. Surtout. Des couples qui consomment pour consommer, se donner du prestige peut-être, sans pouvoir se raisonner. Une génération impulsive, à l’affût des dernières tendances et des nouveaux gadgets. Influençable donc, la cible des spécialistes en marketing. Ces gens votent, paient des taxes et les gouvernements pensent à eux quand ils prennent des mesures fiscales ou formulent des projets de loi. Ils peuvent faire et défaire les gouvernements. Ce qui n’empêche pas ces agités de la consommation de ressentir un malaise devant leurs façons de faire. Souvent, ils cherchent un sens à leur vie tout en continuant à s’étourdir.
«La classe moyenne a une double personnalité, il me semble. Elle travaille fort, quoi qu’on en dise. Mais je pense qu’elle s’ennuie. Elle passe son temps au centre d’achats. Elle achète des affaires sans arrêt et se console en se comparant avec d’autres qui sont plus dépensiers qu’elle.» (p.44)
Des hommes et des femmes qui pensaient trouver le bonheur dans l’achat d’une maison, d’un chalet, de deux ou trois autos et de tous les jouets qui permettent de gazouiller et communiquer. Une consommation frénétique qui ne satisfait pas et qui les pousse vers des recommencements et les mêmes déceptions. Une génération qui a peut-être inventé la dépression et le burn-out. Il en est ainsi de l’amour et de la vie de couple. Le ou la partenaire devenant interchangeable.

Danger

Une société qui a peut-être conscience aussi que sa gloutonnerie insatiable a mis la planète en danger. Que faire alors?  Tout ce sur quoi ils ont misé leur glisse entre les doigts avec la mondialisation, la maximisation des profits, la production qui se déplace vers l’Asie. Les États-Unis vivent sous respirateur artificiel, l’Europe vacille. Ce qui peut expliquer la fascination pour les films à catastrophes. Peut-être que nous avons là la clef du succès de La route de Cormac McCarthy où l’humanité retourne à la barbarie après un drame nucléaire.
«Peut-être que ces étranges divertissements apocalyptiques sont une façon pour la classe moyenne d’apprivoiser, sur le mode du feu d’artifice, son extinction annoncée.» (p.72)
Samuel Archibald y va de nombreux exemples qu’il puise dans son expérience, sa vie à Arvida et sa famille. Sans être une réflexion qui étourdit avec des chiffres et des statistiques, ce court pamphlet dresse un portrait juste de la société de maintenant. L’écrivain lance des pistes de discussions fort pertinentes. Peut-être qu’il y a là l’amorce d’un changement qui a connu une forme d’embellie dans la contestation étudiante et le mouvement des carrés rouges le printemps dernier. Un témoignage qui se lit comme un récit.

Le sel de la terre de Samuel Archibald est paru aux Éditions Atelier 10.

lundi 24 octobre 2011

Samuel Archibald subjugue son lecteur

«Arvida» de Samuel Archibald a créé une vague lors de sa parution en septembre. On parlait d’une découverte, de l’événement de la rentrée peut-être.
Je me méfie toujours de ces entrées fracassantes. À la lecture, peut-être que je m’attends à trop, je suis déçu. Souvent.
Ce n’est pas le cas avec «Arvida». Voici un roman étonnant de fraîcheur et d’originalité. Je suis passé par toutes les émotions en lisant ces histoires qui tournent autour de la ville de l’aluminium et de la famille Archibald. L’auteur explique parfaitement ses intentions à la dernière page de son récit.
«Des histoires d’Arvida et d’ailleurs. Des histoires épouvantables et des histoires drôles et des histoires épouvantables et drôles. Des histoires de roadtrip, de petits bandits et de débiles légers. Des histoires de monstres et de maisons hantées. Des histoires d’hommes mauvais comme le sont souvent les hommes et de femmes énigmatiques et terrifiantes comme le sont toutes les femmes. Des histoires vraies que j’écrivais sans demander la permission ni changer les noms, en donnait les dates et le nom des rues.» (p.315)
On ne saurait mieux définir son parcours. Archibald nous entraîne d’un bout à l’autre de la ville pour suivre sa famille et quelques originaux. Nous nous échappons aussi sur les monts Valin pour plonger dans des aventures que les hommes se racontent le soir après avoir suivi les traces d’un orignal et malmené sérieusement une bouteille.

Faits vécus

Samuel Archibald a glané ici et là des histoires, des faits vécus pour créer des moments époustouflants. Je songe à «Foyer des loisirs et de l’oubli», un match épique de hockey entre les anciens joueurs du Canadien et une équipe locale. Cette histoire aussi, ma favorite, celle de «L’animal» qui met en scène un ours apprivoisé et des jeunes filles qui découvrent la vie. Un texte magnifique.
«Il marcha pendant des jours et des jours. Il y avait dans son âme d’ours une connaissance ancestrale des points cardinaux et des exigences de la nourriture et du cycle des saisons et d’une certaine violence mais dans sa tête d’ours il ne connaissait pas la solitude et surtout il ignorait qu’il était normal pour un ours de ne pas avoir de maison.» (p.147)
Le contraire aussi. L’horrible avec «Jigai». Je me suis demandé ce que ce texte faisait dans l’ensemble. Une fausse note, un faux pas je crois. Impensable ces femmes qui se mutilent et finissent en pièces détachées. L’horreur!
Heureusement, la volonté de transcender le quotidien et de le mettre à sa main prend le dessus. C’est souvent truculent et étonnant. Archibald est un conteur imaginatif et un menteur incroyable comme disait ma mère. Le genre à pouvoir transformer un souvenir d’enfance en véritable épopée.
Petits truands qui ratent tout, demeurés qui planifient un meurtre qui tourne à la farce. Victime et agresseur deviendront des inséparables dans «Les derniers-nés».
«La soirée était douce et tranquille et on entendait les estomacs de Raisin et de Martial gargouiller dans l’air du soir. Au début, ils tétèrent tous les trois leur bière en silence, puis la conversation trouva son rythme. Ils parlèrent de la météo, des résultats des matchs et du décolleté émouvant d’une barmaid de la brasserie. Autant de sujets qui semblaient avoir été inventés, ce soir-là, tout spécialement pour eux, tous spécialement pour que les gens comme eux puissent parler de quelque chose.» (p.251)
L’impression de me retrouver dans un texte de John Steinbeck.

L’art de dire

Bien sûr, les résidents d’Arvida chercheront à démêler le vrai du faux. J’ai croisé deux ou trois lecteurs qui s’amusaient à ce jeu. Pas nécessaire pourtant d’avoir parcouru les rues et les parcs de cette ville pour apprécier le roman d’Archibald. L’auteur évoque des histoires qui se répètent lors de ces rencontres familiales où le ton monte après un verre ou deux. Tout cela avec une écriture sentie et belle de vigueur. Un savant mélange qui couvre toute une époque et la transcende.
Samuel Archibald sera certainement un sérieux candidat aux prix littéraires du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean l’an prochain. Vraiment une belle découverte et un écrivain plein de ressources. Un premier roman remarquable.

«Arvida» de Samuel Archibald est paru aux Éditions du Quartanier.
http://www.lequartanier.com/auteurs/archibald.htm