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dimanche 9 janvier 2011

Anne Tremblay met fin à la saga des Gagné et des Rousseau

Anne Tremblay, avec «Au pied de l’oubli», termine sa saga historique. L’aventure s’amorçait en 1900, à l’aube du nouveau siècle avec «La colère du lac». Elle se termine avec ce quatrième ouvrage qui nous laisse au début des années 60.


Les Gagné et les Rousseau ont connu bien des épreuves depuis leur enfance dans le village de Jeanne-D’Arc, au Lac-Saint-Jean. La municipalité est disparue avec la montée des eaux et la construction des barrages. Le territoire est devenu le parc de Pointe-Taillon, le rendez-vous des cyclistes. Des plaquettes signalent encore la présence de ces colonisateurs du côté de la rivière Péribonka. Il suffit d’un peu d’attention pour retrouver les lieux de la fameuse fromagerie de François-Xavier. C’était à pointe Chevrette. Les habitués connaissent bien le secteur.
Les Rousseau ont migré à Roberval, Montréal, Saint-Ambroise avant de s’installer à Chicoutimi. Les Gagné ont suivi sensiblement le même parcours en plus de vivre un drame qui a disséminé toute la famille. L’incendie de la maison de Saint-Ambroise a laissé des marques indélébiles, en particulier chez Georges qui a sombré dans l’alcool. Il mettra des années à refaire surface et à pardonner à son fils Jean-Marie qu’il tient responsable de cette tragédie.
Julianna et François-Xavier ont connu leur part d’épreuves. Ce qui ne les empêche pas de relever la tête après les coups durs qui se multiplient.

Le couple

François-Xavier travaille dans une fromagerie pour un salaire de misère et Julianna tient le courrier du cœur au Progrès du Saguenay. Les frustrations quotidiennes deviennent des tragédies. Julianna a toujours eu de l’ambition pour dix et ne cesse d’inventer des tragédies. François-Xavier est plutôt le genre à baisser la tête et à encaisser les coups en serrant les dents.
Julianna est courtisée par le propriétaire du journal et il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’elle réponde aux avances de cet homme charmant. Heureusement pour François-Xavier, les tabous sont les plus forts et elle n’ose commettre l’irréparable. Parce que Yves lui fait miroiter tout ce dont elle rêve depuis toujours.
Julianna, malgré ses humeurs, a des principes et ne peut se résoudre à tromper son mari. Le pauvre François-Xavier tente de suivre sa femme qui possède un courage qui lui fait défaut et une énergie inépuisable. Elle revendique la liberté, l’égalité entre les hommes et les femmes, souhaite ouvrir une maison qui s’occupera des épouses violentées et des mères célibataires. Elle se heurtera à l’indifférence du monde politique, même si la Révolution tranquille est là.
Familles

Georges a épousé une grenouille de bénitier en troisième noces. Yvette a du mal à se remettre de son aventure en France où elle a abandonné son fils. Henry a été élu député et se retrouve dans l’équipe du tonnerre de Jean Lesage. Il rêve de changer le monde.
Hélène relève la tête après une agression, mais n’a pas pour autant mis toutes les difficultés derrière elle. Son amour pour Chapeau, un Innu, fait prendre conscience des barrières qui séparent les deux peuples. Jean-Baptiste connaît le succès avec son entreprise de construction et Pierre trouve sa voie après un séjour difficile en Gaspésie. Un héritage lui permettra de prendre sa vie par le cou.
À la fin, le lecteur aimerait savoir si Hélène et Chapeau vont assumer leur amour. Le refus de Georges de dire oui au mariage de sa fille va-t-il résister au temps? Yvette, qui amorce une nouvelle étape dans sa carrière de chanteuse, semble apprivoiser le bonheur. Anne Tremblay est loin de nouer toutes les ficelles et laisse beaucoup de place au lecteur. À lui d'inventer la suite.
Les fidèles qui ont suivi la romancière depuis des années vivent un véritable deuil en refermant «Au pied de l’oubli». Quelle direction va prendre l’écrivaine maintenant? Son sens du dialogue et de l’action nous réserve certainement des surprises. 

« Au pied de l’oubli» d’Anne Tremblay est publié chez Guy Saint-Jean Éditeur. 
http://www.saint-jeanediteur.com/Default.aspx#auteur/ID/120/page/1

dimanche 9 novembre 2008

Les Gagné et les Rousseau sont de retour

Anne Tremblay récidive avec «Les porteuses d’espoir», le troisième tome du «Château à Noé». Les Gagné et les Rousseau vivent difficilement les années qui s’étirent entre 1938 et 1960. De grandes épreuves ne cessent de secouer ces familles depuis la hausse des eaux du lac Saint-Jean qui a noyé leurs terres de Pointe-Taillon et emporté une partie de leurs rêves. Le malheur ne peut être plus spectaculaire que l’incendie de la maison qui a disséminé la famille Gagné. Sept enfants sont morts en plus de Rolande, la mère. Le drame a traumatisé tout le monde. Georges, le père, n’aura pas assez d’une vie pour se redresser. Jean-Marie, le fils aîné, cherche à expier en se faisant moine à Mistassini. Mathieu n’arrive pas à oublier la mort de ses cousins. Hélène, la survivante, se sentira toujours un peu coupable d’être du côté des vivants.
Les Rousseau vivotent à Saint-Ambroise. Julianna doit ravaler ses ambitions qui lui permettraient de mettre le monde à sa main. Yvette, sa fille aînée, se débat avec des rêves de départ. Rien n’arrive en ces temps difficiles. La guerre a rejoint tout le monde. Pierre, le fils de François-Xavier et Julianna, se cache dans un chantier au nord de Normandin pour échapper à la conscription. Elzéar, son cousin, s’enrôle pour défier la mort en sifflotant sur les champs de bataille de l’Italie. Le souvenir du sinistre qui a ravagé la maison familiale le pousse en avant. Il mourra le sourire aux lèvres.

Autre rêve

Les Rousseau déménagent à Chicoutimi pour inventer un autre rêve et une autre déception. Julianna s’occupera du courrier du coeur dans le journal de Chicoutimi et découvrira des secrets que l’on évite lors des repas du temps des Fêtes. Elle sauvera sa famille de l’indigence en quelque sorte. Parce que le malheur ne s’éloigne jamais chez les Rousseau. Il se faufile par une porte mal fermée ou une fenêtre. Il est toujours là à mettre ses doigts partout. Nous filons ainsi jusqu’au début de la Révolution tranquille où le Québec découvre la modernité. 

Conteuse

Anne Tremblay est une formidable conteuse. Encore une fois, «Les porteuses d’espoir» nous attache à une histoire familière et des dizaines de personnages aux prises avec leur quotidien. Un secret, un rebondissement fait que nous lisons cette tranche en gourmand. Un membre de la tribu vit le meilleur ou le pire, effleure la mort, mais arrive toujours à relever la tête. Toujours l’amour, l’espoir, la certitude d’arriver à mettre un doigt sur des jours ensoleillés.
Anne Tremblay possède cet art délicat de retenir son lecteur. Impossible de ne pas se laisser étourdir par cette saga du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quatre cents pages bien tassées qui nous font plonger dans des drames qui s’étalent sur un fond historique. Une forme de magie.
Que ce soit chez les Gagné ou les Rousseau, tous possèdent un don d’empathie, une énergie qui fait que les pires difficultés sont surmontées. Même Yvette qui connaît la faim et la misère à Paris sera rescapée par sa petite sœur Laura. Le rêve lui aura rogné les ailes cependant. Oui, il y a toujours une main, un regard, une parole qui permet de s’arracher à la misère. Comment ne pas prendre plaisir à le croire et à le lire.
Une écriture directe, sans artifices, beaucoup de dialogues, des rappels pour nous remettre en mémoire certains événements un peu oubliés. Le lecteur prend les virages de ces aventures croisées en retenant son souffle, s’attache à des personnages qui ont la grande qualité d’avoir du cœur malgré des maladresses et les difficultés à manier les mots.
Le lecteur a à peine refermé ce gros roman qu’il rêve déjà du quatrième tome qui promet de nous pousser vers le déluge qui a secoué la région en 1996. Mélange de fiction et de réalité, cette saga est à l’image de la vie toujours folle de soubresauts, de grandes et petites tribulations qui laissent des cicatrices profondes. C’est pourquoi on s’attache à ces héros de la vie ordinaire. Des pages pleines d’espoir, de forces et de santé malgré les pires facéties de la vie. Il suffit de s’abandonner à son plaisir.

«Les porteuses d’espoir» d’Anne Tremblay est paru chez Guy Saint-Jean Éditeur.

jeudi 18 janvier 2007

Une fresque pour raconter l’histoire régionale

Si je souffre d’insomnie, maintenant, c’est la faute d’Anne Tremblay. J’ai lu «La chapelle du Diable», un roman de plus de 400 pages, en deux nuits. Julianna, François-Xavier, Léonie, Ti-Georges, Marie-Ange et Paul-Émile ne m’ont laissé aucun moment de répit. Et retrouver les Rousseau et les Gagné, ces familles qui luttent farouchement pour garder leurs terres, était un véritable plaisir.
Anne Tremblay, originaire d’Alma, sillonne l’histoire de la région dans «Le château à Noé», une saga qui comprendra quatre volets. La trame romanesque traverse le siècle dernier, de 1900 à l’époque contemporaine. «La colère du lac», une première tranche parue en 2005, couvrait les années 1900 à 1925. «La chapelle du Diable», la suite, mène le lecteur jusqu’en 1943.
Le premier volet se terminait avec la mort d’Ernest, le père de François-Xavier. Le fils a du mal à oublier cette tragédie, mais la vie ne lui laisse guère le temps de s’apitoyer sur son sort. La construction des barrages défait ses rêves et le village du secteur de Pointe-Taillon doit être évacué. Les terres sont inondées.
La fin du régime Taschereau approche, la crise économique, la Deuxième Guerre mondiale, Duplessis est à la porte du pouvoir à Québec. La construction des barrages sur la Grande Décharge va bon train et la montée des eaux du lac Saint-Jean surprend tout le monde.
Fiction et histoire se mélangent. Des personnages réels, tel Onésime Tremblay, et des êtres plus vrais que vrais, tissent cette «histoire de famille» époustouflante.

La résistance

Les naissances, les maladies, les épreuves et les échecs ne cessent de hanter les Rousseau et les Gagné. Ils s’accrochent. La compagnie finira bien par les dédommager pour la perte de leurs terres. La justice triomphera un jour… Nous connaissons l’histoire. François-Xavier doit se résoudre à habiter Roberval avant de s’exiler à Montréal. Il ne s’habituera jamais à la ville, mais n’ose imaginer un retour au lac. Julianna, sa femme, se plaît dans la Métropole. Elle s’adonne au chant, joue du piano et brille lors des concerts.
Le quotidien d’une foule de personnages devient un véritable thriller. Les intrigues se multiplient. Julianna est attirée par Henry, son prétendant de Montréal, un ami de la famille. Il incarne la vie qu’elle a abandonnée en épousant François-Xavier. Marguerite, l’épouse de Ti-Georges, a été violée par son père. Albert Morin, l’homme de confiance de Léonie, est capable des pires vilenies. Surtout, il préfère les jeunes garçons aux femmes. Paul-Émile est amoureux fou de Rolande, la jeune épouse de son père.
Et quels personnages attachants! Surtout les femmes qui trouvent, la plupart du temps, des solutions aux problèmes qui semblent insurmontables. Julianna, Léonie, Marguerite et Marie-Ange sont des femmes modernes qui rêvent de s’affirmer et de ne plus être «rien qu’un ventre pour faire pousser les bébés, pis des seins pour les nourrir».

Problématiques

Sur une trame historique fertile en rebondissements, Anne Tremblay aborde des problématiques qui font les manchettes de l’actualité. Le rôle des femmes dans la société, la pédophilie, l’exploitation des enfants, le silence des victimes d’agressions, l’exil, la violence, les responsabilités des élus et le pouvoir de l’argent.
«À Montréal, elle pouvait être Julianna la cantatrice, elle existait. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, elle ne redeviendrait rien qu’une madame François-Xavier Rousseau. C’était comme pour Rolande, sa nouvelle belle-sœur. Elle était passée de madame Paul-Émile Belley à madame Georges Gagné. Voilà, comme ça, comme si Marguerite n’avait jamais vécu. Quand on était une femme mariée, on mourait et on pouvait se faire remplacer. Julianna se dit qu’elle aurait pu être une Catherine ou une Marie, quelle importance, on se souviendrait seulement qu’il y avait eu une madame François-Xavier Rousseau. Son mari avait été fromager, il serait fermier, elle, ne serait que madame François-Xavier Rousseau.» (p.227)
Anne Tremblay a remporté le prix des lecteurs au dernier Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean avec «La colère du lac». «La chapelle du Diable» ne décevra pas ses admirateurs. Cette écrivaine, qui vient du monde du théâtre, a trouvé une belle manière de ranimer l’histoire du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la montrer sous un nouvel éclairage.
L’écriture directe, efficace, laisse toute la place à l’action et aux personnages. Ce n’est pas le lecteur qui va s’en plaindre.

«La chapelle du Diable» d’Anne Tremblay est publié chez Guy Saint-Jean Éditeur.