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vendredi 11 décembre 2020

L’ART EN QUESTION AVEC KOKIS

SERGIO KOKIS, EN PLUS d’être un écrivain prolifique (il a publié vingt-cinq titres depuis 1994) est aussi peintre. C’est toujours l’une de ses toiles qui illustre la page frontispice de ses ouvrages depuis Le pavillon des miroirs, son premier roman, son entrée fracassante en littérature. Je m’ennuyais de lui. Il s’est un tantinet attardé cette fois. Il a pris deux ans avant de nous offrir Le dessinateur. Je lui pardonne parce qu’une histoire de 414 pages, ça demande du temps à rendre «dans ses grosseurs» comme le répète Victor-Lévy Beaulieu. Le dessinateur m’a entraîné en Sibérie, à la fin du régime de Staline, dans un camp de concentration ou de travail comme on disait pour masquer cette horrible réalité. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’on utilise les mots pour édulcorer certains faits. Les mots servent encore et toujours à faire accepter des situations odieuses et des conditions honteuses.


Sergio Kokis a souvent parlé de l’art dans ses ouvrages, tenant des propos tranchés, semant la controverse et provoquant des réactions virulentes de certains apôtres de la modernité. Pour lui, l’œuvre d’art n’est pas qu'une vague idée de l’esprit ou un texte conceptuel qui explique une démarche et une installation. Il lui faut du concret, du tangible, de quoi regarder et toucher, secouer le monde et les étranges agissements de certains humains qui finissent toujours par exploiter les autres. Un questionnement particulièrement important dans la période actuelle.

Des prisonniers politiques et de droit commun se retrouvent aux confins de la Sibérie. Tous doivent participer aux efforts collectifs. Certains meurent dans les mines et d’autres luttent contre le froid, la faim, les moustiques dans la forêt. Bien sûr, on comprend rapidement qu’il y a des finfinauds qui s’en tirent plutôt bien. Les pires crapules imposent leur loi dans le camp avec la complaisance des gardiens et de la direction. Ces fripouilles réussissent à vivre dans un confort relatif. Kokis n’a jamais eu une vision idyllique de la société et ceux qui ne reculent jamais, prennent le pouvoir et se permettent tous les excès. Prisonniers de droits communs, intellectuels, dissidents ou considérés comme tels, tous cohabitent dans des conditions inhumaines, connaissent la faim et des sévices. 

 

PORTRAIT

 

Bien sûr, la plupart des forçats sont là parce qu’ils n’étaient pas du bon côté du pouvoir. Beaucoup sont victimes d’intrigues de leurs proches, de dénonciations et de luttes pour s’infiltrer dans les méandres de l’appareil étatique. Le meilleur moyen d’y arriver est la diffamation, les rumeurs et toutes les manœuvres qui permettent de s’attribuer des privilèges aux dépens des autres. 

Oleg Boulatov a été condamné au bagne parce qu’il a refusé de faire le portrait de Staline. Une demande du conseil suprême qu’on ne peut discuter. Il a préféré peindre la maison natale du dictateur, une toute petite habitation située à Gori en Géorgie. C’est assez pour être accusé de haute trahison. 

Peu de détenus survivent à de telles conditions, surtout ceux qui participent à la coupe du bois ou s’épuisent dans les mines. Les forçats meurent de faim après de longues journées d’efforts. Mauvais traitements, nourriture infecte et des lieux insalubres à peine imaginables. À peu près personne ne réussit à purger sa peine et à s’en sortir vivant. 

 

Alors, son bête refus de peindre un portrait de Staline — même pas un réel refus, mais plutôt un contournement de cet ordre — lui avait valu le titre de traître à la patrie et la condamnation à quinze années de travaux forcés. (p.19)

 

Pour survivre, il faut trouver une façon d’éviter les corvées qui sont ni plus ni moins qu’une mort annoncée. Oleg se fait discret avec les voyous, des gens bornés et dangereux, discute avec Maxime, un botaniste de renom, un éternel optimiste. Son talent de peintre ou de dessinateur lui permet de se soustraire aux travaux forcés lorsque le chef des truands le prend sous son aile. Il doit accepter des compromis pour avoir accès à une existence plus facile. Sa vie s’améliorera quand le responsable de la prison (un passionné de la flore sibérienne) le mobilise pour illustrer un livre que son ami Maxime va écrire. Ils vivront en paix, dans un pavillon isolé, sans avoir à s’épuiser dans la forêt, mangeant à leur faim, véritable luxe. Ils auront même droit à une secrétaire pour taper les textes. Oleg dessine les spécimens qu’il trouve dans les environs en plus d’effectuer ses propres travaux. 

 

DISCUSSIONS

 

Comme nous l’avons souvent vu dans les romans de Kokis, les dialogues prennent beaucoup d’importance. Les personnages de cet écrivain discutent, réfléchissent, argumentent, soupèsent des questions d’éthiques et sociétales, tentent de comprendre la place et le rôle des humains dans leur milieu. Mathieu-Bock Côté y serait à l’aise. Le beau, le bon, la vie, la mort, l’art, la littérature qui hantent les penseurs depuis Socrate et Platon sont toujours d’actualité chez Kokis. Les gens lucides, peu importe les époques, jonglent avec ces questions sans nécessairement trouver les réponses. D’autant plus que les concepts évoluent avec les connaissances.

 

— Ce n’est pas que je crois que l’art soit un domaine supérieur à celui des sciences, mon cher Maxime, insista Oleg. Dans les sciences, il y a une réalité objective, à laquelle vous vous référez. Un géologue peut ainsi fort bien exercer ici sa passion de la géologie comme il le faisait dans sa vie d’homme libre. Il n’y aurait rien de changé pour lui en ce qui a trait à la science géologique. Mais un artiste doit impliquer son âme dans son travail, son identité, pour pouvoir créer des choses authentiques. Il y a un côté moral dans son activité. (p.29)

 

L’écrivain aime bousculer l’art, la vie, le bien et le mal tout en savourant un verre d’alcool et en goûtant des tabacs fins. Il a même convoqué Dieu ou le diable dans Le maître de jeu, histoire de mettre les points sur les i et de fouiller derrière les apparences. Ce qui donne des pages uniques dans notre littérature.

 

RELEXION

 

Le dessinateur provoque une formidable réflexion sur l’art visuel ou la peinture pour utiliser un terme moins à la mode. Plus, Kokis nous permet de méditer sur ce qui pousse un individu à vouloir représenter l’univers qui l’entoure et ses concitoyens. Parce que toute forme artistique est une lecture du monde qui en décrypte les aspects les plus repoussants comme les plus séduisants. Il faut que le créateur se mette en danger devant son sujet, les agissements de ses proches, la société qui ne fait jamais de faveurs, l’exploitation, la misère, le politique qui bascule souvent dans les pires excès. Tout comme le poète et l’écrivain doivent «voir» autour d’eux pour arracher les masques. Autrement dit, l’artiste doit être un témoin de la vie de ses semblables, de leurs grandes et petites dérives. C’est ce qu’Oleg entreprend au goulag en dessinant les bagnards, s’attardant aux corps épuisés, aux souffrances et aux douleurs que vivent ces survivants. Des travaux qu’il cache aux autorités, parce qu’interdits, on le comprend. 

En Russie, sous le régime de Staline, comme dans toutes les dictatures, l’art sert à la propagande des dirigeants et doit dissimuler la réalité pour faire illusion. On pourrait faire un parallèle avec la publicité qui nous gave d’images et de situations idéalisées qui n’ont rien à voir avec notre quotidien. L’art à l’époque de Staline est contrôlé par l’état et les créateurs font des courbettes devant l’autorité qui est prête à tout pour se maintenir au pouvoir et élimine ceux qui mettent des bâtons dans les roues.

 

STALINE

 

Les mesures s’assouplissent à la mort de Staline et Oleg, avec d’autres détenus, retrouve sa liberté. Il rentre à Moscou, dans la ville où il a vécu, croise sa femme qui a joué un rôle dans son arrestation et s’est acoquinée depuis avec le chef de la police. Il entreprend des démarches pour ravoir son espace, mais se rend vite compte qu’il n’existe plus dans les archives gouvernementales. Il a disparu, effacé et nié. Le régime l’a biffé et inutile de chercher à redevenir celui qu’il était. Oleg Boulatov n’a jamais vécu à Moscou.

Il lui reste à témoigner, à montrer la souffrance des hommes au bagne, cette misère qui le hante, l’exploitation qui tue les individus, écrase des populations pour que certains s’enrichissent sans être inquiétés. Tout cela dans une atmosphère de délation et de vengeance, de manœuvres qui nous font songer à certains aspects de notre société qui dérive lentement vers la pensée unique, la censure, les accusations et les dénonciations souvent gratuites sur les réseaux sociaux.

Le dessinateur est un roman formidable qui nous plonge dans un univers concentrationnaire qui ressemble étrangement à ces milieux où certains, par des manigances ou à cause de certains talents, finissent par acquérir des privilèges et à vivre dans un cocon pendant que les autres se débattent avec la réalité. 

Encore une fois, Kokis aborde ses thèmes de prédilection. L’amour, l’art, l’amitié, la fidélité, le rôle des individus dans la communauté et les devoirs de tous. Il ne se lasse pas de secouer ces questions parce qu’elles sont nécessaires pour celui qui cultive la liberté de dire et de se comporter selon certains principes et ses croyances. Une magnifique leçon d’humanisme et une réflexion importante dans cette époque où nous devons nous mobiliser pour combattre une pandémie, ses pulsions personnelles et vivre en fonction de tous, s'appuyer sur une pensée collective quand on nous a chanté les vertus de l’égoïsme depuis notre enfance. Un formidable roman qui m’a emporté dans un monde qu’il ne faut jamais oublier de bousculer pour en préserver les plus beaux aspects et empêcher les dérives de certains manipulateurs. L’écrivain ne cesse de sonner les cloches. L’art doit chercher une certaine vérité et lire la réalité pour montrer les faux pas des exploiteurs et les discours qui servent à dominer les autres. Sergio Kokis est plus pertinent que jamais.

 

KOKIS SERGIOLe dessinateurLÉVESQUE ÉDITEUR, 414 pages, 36,95 $.

https://levesqueediteur.com/livre/143/le-dessinateur

vendredi 7 décembre 2018

SERGIO KOKIS DÉRANGE ENCORE

JE FAIS TOUJOURS la même chose quand je reçois une nouvelle publication de Sergio Kokis. Je mets de côté tous mes projets de lecture et me penche sur le nouveau livre de cet écrivain que je lis depuis ses débuts en 1994. Désolé pour ceux qui doivent attendre leur tour. J’aime secouer de grandes questions ontologiques avec lui, discuter tout en dégustant une liqueur ambrée. Et je dois souvent arrêter ma lecture pour ne pas être « enfirouapé » par ce formidable conteur.

 Sergio Kokis est demeuré plutôt fidèle au genre romanesque depuis Le pavillon des miroirs, sa façon privilégiée d’aborder l’écriture après vingt-cinq publications. Bien sûr, il a fait des excursions du côté du récit où il s’est permis de raconter ses longues déambulations sur le chemin de Compostelle dans Le sortilège des chemins ou encore dans des nouvelles. Et voilà L’innocent, une autre publication qui vient toucher ceux et celles qui aiment les questionnements existentiels.
Mon ami Sergio Kokis ne rate que rarement son coup avec moi. J’écris ami, parce que je connais l’écrivain depuis presque sa première publication et pour l’avoir côtoyé à plusieurs reprises dans certaines manifestations littéraires. Même que j’ai eu le plaisir d’être son chauffeur lors de l’une de ses visites au Saguenay. Nous avons même dû affronter ensemble un certain matamore qui voulait nous « casser la gueule » parce que nous étions tous les deux dans le stand de XYZ Éditeur, au Salon du livre de Montréal et que nous occupions prétendument sa place.
Pas que nous nous fréquentions, non. C’est un ami au même titre que tous les écrivains que je lis depuis des années.
J’étais un compagnon de Gabriel Garcia Marquez et Günther Grass sans que jamais ils ne l’apprennent. Un lecteur se fait des amis partout dans le monde, et ce à toutes les époques. Je salue ces grands discrets à qui j’ai très peu parlé dans la vie. Monsieur Gilles Archambault, Jacques Poulin dont je me languis depuis un bon moment, Victor-Lévy Beaulieu qui m’a occupé pendant des mois avec les cathédrales que sont James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots ou 666 Friedrich Nietzsche. La liste pourrait s’allonger si je me tourne vers Dominique Fortier, Larry Tremblay, Christian Guay-Poliquin, Éric Dupont, Daniel Grenier et Daniel Canty.

AUDACE

Sergio Kokis ose ce que peu d’écrivains font de nos jours, soit jongler avec des questions philosophiques ou métaphysiques. Rares sont ceux maintenant qui osent s’aventurer dans les hautes sphères de la pensée. Kokis a même convoqué Dieu en personne dans Le maître de jeu.
Isidoro, frère apothicaire et Alberto, barbier-médecin, discutent et abordent de grandes questions qui pourraient les mener tout droit devant le tribunal de l’Inquisition si leurs propos étaient ébruités. Parce qu’ils vivent à une époque où la liberté d’expression n’existe guère. Il faut marcher droit et suivre les enseignements des supérieurs, se faire le plus discret possible pour avoir la paix. Ça ressemble à notre époque où les tribunaux de l’Inquisition se multiplient sur les réseaux sociaux et que la censure se sert de « l’appropriation culturelle ».

Et après la mort du frère Basilius, son confesseur et directeur de conscience, frère Isidoro était sans aucun recours pour l’aider à retrouver la paix. Comment pouvait-il continuer à croire en Dieu et à la sainte Église, s’il fallait passer d’abord par le démon ? Parce que sans la main du démon, ce miracle n’était qu’une vaste supercherie doublée affreuse cruauté. (p.14)

Toutes ces questions sont provoquées par l’arrivée d’un petit garçon au monastère, un jeune garçon abandonné qu’ils ont accueilli et qui se comporte de façon plutôt étrange. L’enfant est d’une très grande beauté physique et tout le monde veut le protéger pour de bonnes ou mauvaises raisons. Un bambin silencieux, plutôt perdu dans sa bulle et qui semble naviguer hors de la réalité du cloître. On dirait de nos jours qu’il est « autiste » ou « asperger ».
Le jeune démontre rapidement qu’il est capable de répéter tout ce qu’il entend. Il ferait fureur maintenant en devenant animateur à la radio et en jonglant avec les clichés et les formules à longueur de jour. Le jeune prodige répète tout ce qu’il entend en classe ou lors des services religieux.

Mais il parlait un peu, au grand soulagement du frère Isidoro. Qui plus est, le garçon se montra bientôt fort habile pour répéter de mémoire de longues séquences verbales entendues soit à la messe, soit aux cours de catéchèse. Évidemment, son jeune âge ne lui permettait pas de comprendre la teneur de ce qu’il répétait. Isidoro était cependant encouragé par cette mémoire d’allure prodigieuse qui, pensait-il, tôt ou tard serait au service d’une raison naissante et tout aussi remarquable. (p.44)

À l’époque où Sergio Kokis situe son histoire, en 1593, nous sommes au début de la Renaissance. La raison tente de s’opposer à la foi aveugle, aux délires et aux miracles que l’Église avait la fâcheuse habitude de dénicher un peu partout pour édifier des fidèles qui en redemandaient.
Isidoro et Alberto cherchent la vérité et ne se laissent pas emporter par leurs pulsions et les racontars. Cette quête de la vérité revient souvent dans les ouvrages de Kokis qui aime argumenter et développer de longues réflexions, montrer ainsi l’envers et l’endroit d’une situation ou d’une question philosophique. Il décrit ainsi son art de vivre où il aime aborder des sujets existentiels tout en faisant bonne chère.

MÉMOIRE

En 1593, la mémoire était considérée comme une manifestation du génie et tout l’enseignement reposait sur la faculté de répéter des formules. Il en fut ainsi jusqu’à une période récente. Je pense à mon enfance où il fallait mémoriser toutes les questions et réponses du petit catéchiste pour avoir son certificat d’adulte. Il était interdit de réfléchir à ce que l’on pouvait ânonner comme des perroquets. Tout le contraire de la réflexion et de l’intelligence.
Les livres étaient plutôt rares à l’époque d’Isidoro et seuls les maîtres pouvaient citer les textes des philosophes et les commenter. Tiago possède cette faculté de pouvoir répéter tout ce qu'il entend à la première occasion. Les deux amis se demandent si l’enfant est un prodige ou un idiot. Chose certaine, il ne comprend rien aux textes qu’il répète et semble avoir un don pour tout mélanger.

Il avait, certes, quelques qualités, dont en particulier une mémoire prodigieuse. Isidoro se rendit compte de cette aptitude un peu par hasard et non sans stupéfaction. Il surprit un jour l’enfant en train de réciter tout seul et en latin une série de psaumes. Même si cela paraissait extraordinaire, il dut se rendre à l’évidence que le petit avait appris les textes en l’écoutant marmonner à voix basse, comme c’était son habitude, durant ses moments de lecture ou de prière. De toute évidence, Tiago ne savait pas ce qu’il répétait, puisqu’il mélangeait de manière ludique les divers psaumes entre eux, cherchant plutôt à accentuer les passages rimés, comme s’il s’agissait de comptines. (p.59)

Sa grande beauté physique et son innocence aveuglent à peu près tout le monde, surtout le frère Ambrosio qui ne cache pas son amour des jeunes garçons et qui malgré ses vœux se tient plutôt loin de la chasteté. Tiago devient malgré lui l’objet de convoitises charnelles et un idéal de pureté et d’innocence.
Le jeune garçon est fasciné par les sonorités et le faste des cérémonies religieuses. Il adore le rituel de la messe et rêve de porter les habits de l’officiant en répétant des formules.
Attiré par des comédiens ambulants (toujours le spectacle) il n’hésite pas à les suivre et se fait initier à la sexualité de façon violente par un couple. Il confond la femme avec la Vierge, répète que Marie la mère du Christ l’a protégé dans son délire éthylique. Il n’en fallait pas plus. Les moines tiennent leur miracle.

Les visions qu’on attribuait à Tiago et ses évocations de la figure de Marie durant ces orgies étaient alors le simple délire d’un scélérat. Un délire en cours de luxure, mêlant de manière blasphématoire le saint corps de la mère du Christ à des pratiques lubriques. Comment donc, se demandait-il, les autorités de la Sainte Inquisition avaient-elles pu être aveugles face à cette question, au point de se laisser leurrer complètement et d’y voir un réel miracle ? (p.147)

Les religieux finissent par se rendre compte que Tiago délire et qu’il peut tout gâcher s’il parle devant les invités lors de la grande fête qu’ils organisent. Ils prennent les grands moyens pour le faire taire. Kokis décrit une scène d’une cruauté sans nom et le pauvre idiot est muré dans une tour où il est forcé de devenir un anachorète qui consacre sa vie à Dieu. Le pauvre innocent meurt de faim et de froid.

QUESTION

Encore une fois, Sergio Kokis se faufile derrière les déguisements pour secouer la réalité. Cette fois, il s’attarde à la fabrication d’une image ou d’une icône de sainteté. Un grand théâtre pour impressionner et manipuler la foule. Le marketing n’est pas né avec la télévision et la radio. De nos jours, les manipulateurs vivent dans le monde du cinéma et des communications où l’on crée de véritables vedettes qui se révèlent souvent de bien piètres humains quand la vérité finit par sortir.
Les conversations entre les deux amis sont fascinantes. Surtout que Kokis jongle avec tous les tabous de cette époque, aborde l’être, le savoir et le rôle de la science.
Le sujet reste très actuel parce que nous vivons dans un monde d’images, de slogans et que les mythes se multiplient. Cette approche permet d’élire des prestidigitateurs qui ne camouflent même plus leur cynisme, leur incompétence et leur ignorance. Sergio Kokis demeure plus pertinent que jamais en nous faisant faire un pas en arrière pour mieux évoquer le monde contemporain. L’histoire ne peut que se répéter, c’est du moins ce que cet écrivain démontre ici. Les gens aiment les icônes, les héros et nous sommes capables maintenant d’en créer à la douzaine avec les moyens de communication. Sergio Kokis reste lucide et j’imaginais son sourire chaque fois que je levais les yeux de la page ou que je retournais une question du frère Alberto. Quel rafraîchissement dans ce monde où « rire de tout » est devenu une obligation !


L’INNOCENT, roman de SERGIO KOKIS publié aux Éditions LÉVESQUE ÉDITEUR, 2018, 228 pages, 27,00 $.


vendredi 10 mars 2017

Sergio Kokis ne laisse jamais son lecteur indemne

LIETTE MORAND PART au Brésil, dans L’âme des marionnettes, pour étudier, donne des nouvelles à sa famille. Après un certain temps, les lettres se font de plus en plus rares et c’est le silence. Leandro Cajal, philosophe et écrivain, ami de la famille, va à Rio de Janeiro pour une foire du livre. Ses amis lui demandent d’enquêter pour savoir ce qui est arrivé à la jeune femme. Il discute avec un marionnettiste étrange et un bandit notoire qui impose ses volontés dans les quartiers pauvres de la grande ville de Rio. L’écrivain est secoué par ces rencontres et son travail de professeur et d’intellectuel remis en question.

Sergio Kokis aime s’attarder aux tares de certains personnages qui échappent à la norme. Il s’est aventuré dans les palais des dictateurs, étudiant ces despotes qui s’emparent de leur pays pour satisfaire une mégalomanie dangereuse. Les romans Saltimbanques et Kaléidoscope brisé restent actuels et pertinents.
Makarius questionne l’art, la vie et la mort. L’amour s’impose dans Negäo et Doralis et bien d’autres questions existentielles. L’écrivain a même osé convoquer Dieu pour discuter de la marche du monde, du rôle de ce dernier dans la grande aventure du vivant tout en buvant sec et faisant bombance dans Le maître de jeu.

DERNIÈRE CHANCE

Liette, une fille de bonne famille, semble douée pour l’échec. L’étude de l’art du marionnettiste est peut-être sa dernière chance. Une jeune femme qui manque de maturité et est restée accrochée à son adolescence et ses poupées.
Leandro Cajal, avec l’aide de son éditeur brésilien, rencontre le maître qui a accueilli la Québécoise dans son école. Maître Guido Fagottini tient des propos particuliers sur l’art de la représentation, l’expression, la vie et le jeu. Finalement, il dresse un portrait plutôt étonnant de la jeune femme.

Elle pouvait passer des heures seule à l’atelier, à ranger les marionnettes, à les nettoyer ou à rapiécer leurs costumes. À deux reprises, je l’ai trouvée endormie par terre, entourée de poupées. J’ai alors eu la nette impression, vu la position étrange de ses membres et de sa tête, qu’elle jouait à être une marionnette, abandonnée parmi ses semblables.  Était-elle endormie ou jouait-elle une sorte de jeu pervers pour me montrer son désir de servitude ? Oui, de servitude, car telle était sa véritable passion, comme je l’ai compris plus tard. (pp.120-121)

L’envie de devenir un objet que les autres manipulent comme ils l’entendent. Un cas rare. Nous avons plutôt l’habitude de ceux qui cherchent le pouvoir et veulent décider pour les autres.
Le professeur est confronté à des questions qui le tourmentent depuis son enfance en poursuivant son enquête. Son père voulait qu’il lui succède dans l’entreprise familiale. Il a étudié la philosophie et vit à Montréal, loin du Mexique. Pour échapper à la famille, il a tout abandonné à sa sœur et son beau-frère, un ami qui a refoulé ses désirs pour diriger les magasins d’alimentation, spéculant pour augmenter une fortune déjà considérable, en plus de se faufiler dans les coulisses du pouvoir politique.

MANIPULATION

En lisant le roman de Kokis, je me suis demandé si tout le monde n’était pas manipulé par quelqu’un. Il y a ceux qui dictent les lois et les autres qui se livrent aux puissants pour un salaire ou pour ne pas avoir à choisir comme Liette.

À son âge, elle devait déjà savoir où elle mettait son nez. Mais qui sait s’il ne l’a pas poussée à se soumettre par ses manœuvres de soumission ? Et qu’ensuite, quelque chose a mal tourné et l’a obligé à la chasser ? Il l’a repoussée parce qu’elle s’était offerte pour devenir son esclave ? Je ne crois pas ; ce vieux-là adore les créatures soumises. Il l’aurait plutôt gardée pour lui, pour ses petits amusements privés. La poupée qu’il nous a montrée était assez perverse, vous en conviendrez. Quand il l’a déballée, j’ai eu un frisson comme devant un film d’horreur. J’ai déjà vu des images de macumba bien obscènes, mais jamais quelque chose de cette nature-là. Et si la fille s’était plutôt échappée pour ne pas avoir à subir d’autres humiliations, d’autres sévices aussi ? (p.142)

Un questionnement pertinent à un moment où des hommes, de véritables pantins, accèdent au pouvoir aux États-Unis. Comme si la marionnette prenait sa revanche et décidait de dicter les règles et d’imposer ses caprices. Sommes-nous tous devenus des arlequins qui expriment leurs humeurs sur les réseaux sociaux en se croyant libres ?
Qui n’a pas fait de compromis devant un employeur qui décide des horaires de vos jours et de l’organisation de votre vie. Il suffit de penser à nos semaines réglées par des conventions collectives, les vacances à moment fixes, nos loisirs et nos milieux de vie… pour ressentir des frissons. Liette n’est peut-être pas la seule à avoir renoncé à tout pour n’être qu’un jouet dans les mains des autres.
L’écrivain rencontre un couple d’homosexuels qui s’est amusé avec la jeune femme dans certains jeux pendant un temps. Son côté androgyne attire un peu tout le monde.

Une personne à qui on a volé l’âme ne fait pas grand-chose, elle se limite à être là, en attendant qu’on s’occupe d’elle. Tout à fait comme une marionnette abandonnée dans un coin. Et puis, elle n’est pas restée très longtemps chez nous. Juste le temps de nous laisser briser de tristesse. (p.174)

Leandro Cajal finit par retrouver la jeune femme chez le truand. Elle vit dans l’ombre et s’anime quand un autre pose son regard sur elle. Autrement, elle est une poupée qui attend, sans vie et sans expression.

Parfois nous jouions ensemble à des jeux de scène, en compagnie de ses marionnettes préférées. J’étais comme ivre quand il me montrait des poses en se servant de mon corps, comme s’il manipulait une poupée. Je devenais toute molle… Tu sais, c’est bête à dire, mais c’était si bon que parfois je devenais toute mouillée de plaisir et rouge de honte à cause de ce qui me passait par la tête. Il me prenait toute entière dans ses mains et je ne me sentais plus désemparée. Je me sentais devenir enfin l’artiste que j’aspirais à être. Ses jeux étaient osés, parfois même ils me faisaient peur, mais je les trouvais délicieux car ils m’ouvraient la porte de son art. Tout cela me donnait une grande confiance, je me sentais aimée, remplie par les mystères qui se dégageaient de lui. (p.232)

DEMANDE

Le tueur demande à Cajal d’écrire sa biographie. Une crapule fascinante et trouble, le plus grand des manipulateurs, certainement. L’écrivain est tenté par l’aventure parce que le travail serait fort lucratif. L’appât du gain peut happer tout le monde. Et l’éditeur est prêt à tout pour avoir ce livre qui va faire courir les foules.
Cajal laisse croire qu’il va faire le travail pour arracher la jeune femme à ce milieu et la ramener à Montréal. L’expérience est douloureuse et le philosophe prend conscience que la race humaine est peut-être pleine de clowns qui finissent tous par plier sous les mains d’un maître.
Un roman étrange comme Sergio Kokis les aime. Les personnages discutent beaucoup, tiennent des propos percutants même quand ils s’adonnent à des passions peu recommandables, n’hésitent pas à tuer pour imposer leur volonté. Le caïd rêve de devenir un héros, de séduire le public avec ses mémoires. C’est peut-être là la vanité qui fait succomber bien des petites vedettes qui nous abreuvent de leurs mémoires écrites par un autre.
Peut-être que chacun de nous se débat avec des fils qui s’emmêlent et font trébucher. Peut-être que la liberté est la plus folle des illusions, surtout dans un monde où l’on scrute vos désirs à la loupe pour satisfaire vos goûts de parfait consommateur. Que reste-t-il quand on prend conscience que des fils nous entourent et nous gardent dans un monde où il est impossible de s’évader ? Ces propos deviennent affolants quand on commence à compter les liens qui nous tiennent quand nous travaillons, voyageons, allons nous étendre sur une plage dans le Sud pour échapper aux tentacules du froid et de la neige. Encore une fois, Sergio Kokis nous abandonne avec nos questions, sans jamais nous rassurer. J’aime particulièrement ça.

L’ÂME DES MARIONNETTES de SERGIO KOKIS est paru chez LÉVESQUE Éditeur.


PROCHAINE CHRONIQUE : LA LIBERTÉ DES SAVANES de ROBERT LALONDE paru chez BORÉAL ÉDITEUR.


jeudi 11 février 2016

Le roman joue-t-il encore un rôle dans la société

L’ART ET LA FICTION fascinent Sergio Kokis depuis toujours. Il s’est prononcé souvent sur la pertinence de l’œuvre d’art dans la société, s’est fait beaucoup d’ennemis en questionnant le rôle des musées dans la diffusion du travail conceptuel et éphémère (je n’ose pas parler d’art) qui mise sur l’idée plus que la réalisation. L’écrivain, tout comme le peintre, croit au travail qui témoigne et dérange. Nombre de ses romans décrivent des dictatures, particulièrement en Amérique du Sud, où des illuminés se sont approprié leur pays en interdisant tout ce qui contrariait leurs désirs. La littérature est toujours la première à passer sous le couperet de ces généraux. Cette fois encore, dans Un petit livre, Sergio Kokis s’attarde à cette question.

Anton Antonich Setotchkine enseigne la littérature russe à l’université de Moscou. Bien sûr, il respecte les diktats du parti communiste et s’en tient aux directives officielles. Pas question d’imposer des titres ou de mettre au programme des œuvres interdites par le régime. Au Québec, les enseignants, tout en respectant certaines directives, peuvent enseigner les ouvrages qu’ils souhaitent et faire souvent des choix étonnants.
Anton est un amoureux des grandes œuvres que le régime tient loin des universités. Dostoïevski est suspect et il est impensable d’enseigner les romans percutants du répertoire russe. Il faut s’en tenir aux écrivains autorisés. Je ne peux m’empêcher de penser à la littérature du terroir où le clergé au Québec imposait ses vues et sa propagande. Damase Potvin fut l’un des ardents défenseurs de cette approche cléricale qui ostracisait ceux qui refusaient de louanger la hache et la charrue. Jean-Charles Harvey a été « puni » parce qu’il avait osé transgresser la norme dans Les demi-civilisés.  
La dénonciation et la délation règnent en maître et il suffit d’une parole, d’une citation ou d’une discussion un peu animée avec un étudiant pour se retrouver devant un commissaire qui vous fait sentir coupable de tout.
Anton Antonich vit une vie plutôt terne et rêve de retrouver son indépendance. Son mariage avec une de ses étudiantes (il trouvait qu’elle ressemblait à Anna Karénine) est une terrible erreur. Varvara Petrovna est ambitieuse et participe à tous les comités pour faire avancer sa carrière. Bien sûr, des gens sont prêts à tout pour réussir, même à sacrifier des proches pour grimper dans l’échelle sociale. Et ils ne se retrouvent pas seulement dans les régimes totalitaires. Les absences de Varvara sont des moments de répit pour le professeur qui aime sa solitude, exagérer un peu avec la vodka, fumer tant qu’il veut et relire ses écrivains favoris.

Petit livre

En fin d’année, les étudiants doivent déposer des mémoires. La correction de ces amas d’idées convenues est une pénible corvée pour Anton Antonich. Il sait qu’il va retrouver les slogans du parti sur des pages et des pages, les clichés qu’il lit partout sur les grandes affiches de la propagande officielle.

La littérature contemporaine était devenue un terrain miné de la lutte de classes et il valait mieux faire attention lorsqu’on s’exprimait à ce sujet. Des goûts esthétiques avoués à la légère, y compris en musique, pouvaient receler de véritables aveux de culpabilité politique. Même certains titres de Dostoïevski étaient devenus introuvables en librairie, car suspectés d’idéologie réactionnaire. Après la mort d’Essenine et celle de Maïakovski, chacun savait que le métier des lettres était plus dangereux que celui de mineur. (p.17)

Parmi ces textes, l’enseignant découvre une note étrange de l’une de ses plus brillantes étudiantes, Olga Komova. Et un livre interdit par les autorités qu’elle a substitué à son travail de fin d’année. Nous autres, un roman signé par Iveguni Ivanovitch Zamiatine ne dit rien à Anton.
Que faire ? Se débarrasser de ce récit compromettant ou succomber à la curiosité avant de le remettre à l’étudiante. Il hésite, tergiverse, finit par le lire et rien ne peut plus être pareil. Zamiatine décrit une société où la pensée personnelle est absente. L’État, parfaitement rodé, décide tout et pense pour tous. Et si c’était le régime de Staline qui se cache sous cette fiction ? Anton Antonich pense à son séjour dans l’Armée rouge et ses études universitaires. Qu’est-il devenu, qu’est sa vie ? Et voilà qu’il est délégué pour représenter son université au congrès international des écrivains. Un grand honneur, peut-être aussi une corvée parce qu’il doit écrire des comptes rendus au jour le jour.


SUJET

La société sous Staline est décrite, les pénuries de marchandises, les magasins vides et les attentes qui n’en finissent plus pour se procurer un paquet de cigarettes ou une bouteille de vodka. Mais ce n’est pas le propos de Kokis. Il s’intéresse aux effets d’un livre qui dit vrai, qui bouscule des vérités et les lois immuables d’un régime totalitaire. Dans une telle société, la pensée originale, la réflexion personnelle fait perdre le pas et donne « un regard critique » sur son milieu. Anton Antonich comprend la force du roman de Zamiatine, le pouvoir subversif de cette prose qui semble si inoffensive au premier regard. Tout se complique quand Olga, son étudiante, est retrouvée morte dans une maison de campagne. Elle s’est suicidée selon toute vraisemblance.
Une machine impitoyable se met en branle. Il sera trahi par sa femme qui remet le livre interdit aux autorités pour se disculper et grimper peut-être dans l’appareil étatique.

LIBÉRATION

Dans sa cellule, on pourrait croire que l’angoisse et la peur vont terrasser le pauvre homme. Anton Antonich réfléchit et comprend où se trouve la liberté. Les interrogatoires lui font prendre conscience des ragots et de la délation qui règne partout. Les propos les plus anodins et les racontars deviennent des vérités. Il refuse de cautionner la bêtise. Son choix lui apparaît clairement. Il dit tout ce qu’il sait aux enquêteurs qui sont d’une étonnante compréhension même si la mécanique stalinienne ne fait pas de quartiers.
Le professeur de littérature trouve sa liberté dans son exil et ce village isolé. Les discussions avec un mathématicien et un peintre, juste avant de monter dans le train, lui font tout comprendre. Ils vont vers une liberté d’agir et de penser qu’ils ne peuvent imaginer à Moscou.

L’exil, mes amis, l’exil est le seul endroit valable pour une conscience lucide. Le mystère comme source de vie par opposition à la clarté blafarde du monde extérieur. Qui veut vivre dans un paradis ennuyeux ? Je crois que l’enfer est préférable, l’enfer des passions et des images bien contrastées. (p.210)

Même que le père de l’étudiante, un colonel  du KGB, lui procure des petites douceurs, comme s’il savait qu’au lieu de le condamner, il l’expédiait vers la liberté.

LIBERTÉ

Encore une fois, Sergio Kokis secoue les concepts de liberté, le rôle de la littérature et son pouvoir subversif. Ce que l’on ne fait plus guère dans notre société. On aime divertir, amuser et rire envers et contre tous. Les grandes œuvres sont dédaignées, oubliées ou supplantées par des fragments.
Il nous dit que la fiction doit bousculer sinon elle devient un outil de propagande. Bien sûr personne n’est envoyé dans un village du Lac-Saint-Jean ou de l’Abitibi parce qu’il a lu un livre de cet écrivain dans notre Québec d’austérité et d’anémies budgétaires. On pourrait toujours condamner le dissident à lire les succès du jour, à écouter des émissions où seulement quelques fidèles ont le droit de comparaître.
J’aime Sergio Kokis quand il jongle avec la pensée et qu’il secoue nos idées figées. Il joue alors pleinement son rôle d’écrivain et refuse d’être un amuseur. Il fait appel à l’intelligence, la réflexion et le dialogue s’engagent. Des propos qu’il faut sans cesse ressasser pour garder son droit à la liberté, la pensée et son autonomie. Les romans de Kokis sont souvent une gymnastique qui permet de retrouver des concepts que la publicité a tendance à occulter et à ridiculiser. Kokis joue alors parfaitement son rôle d’éveilleur de conscience.

PROCHAINE CHRONIQUE : Madame de Lorimier DE MARJOLAINE BOUCHARD PUBLIÉ CHEZ LES ÉDITEURS RÉUNIS.

Un petit livre de Sergio Kokis est paru aux Éditions Lévesque éditeur, 264 pages, 24,95 $.