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mercredi 15 avril 2009

Peut-on sérieusement changer la vie?

«Il faut changer la vie. La dynamiter, même la cribler de sens et trouer son opacité», écrivent Karim Larose et Manon Plante dans l’introduction d’«Interventions critiques», le troisième tome des œuvres complètes de Gilles Hénault, poète, critique, militant et intellectuel.
Que ce soit comme journaliste au journal Le Jour, à La Presse et au Devoir, ou en collaborant à de nombreuses revues plus ou moins éphémères, Gilles Hénault reste fidèle à ce désir de changement.
Les «essais, notes et entretiens» permettent de suivre les chemins d’un homme exemplaire dans ses écrits sur la poésie, la culture et la littérature, le monde politique et la société. Peu importe où il s’exprime, Hénault tente d’être «un voyant», celui qui voit autour de lui et devine un peu en avant. Enfin, par le biais de différentes entrevues, nous connaissons mieux son cheminement et ses préoccupations.

Une quête

Grand lecteur, fin connaisseur des arts visuels, homme curieux, même des découvertes scientifiques, proche des Automatistes, il est un témoin privilégié des années qui précèdent la Révolution tranquille. Il sera de tous les débats qui questionnent la société, fera en sorte, avec beaucoup d’autres, que l’indépendance du Québec devienne un enjeu politique.
Une pensée exigeante, ouverte qui fait fi des intérêts personnels. Des idées qui ne s’éloignent jamais de l’exploitation de l’homme par l’homme, des inégalités qui brisent les individus et entraînent misère et pauvreté.
Gilles Hénault fera des choix dont il paiera le prix. Son adhésion au Parti communiste du Canada en 1945 lui fermera toutes les portes dans un Québec contrôlé par Maurice Duplessis. Il devra s’exiler pendant cinq ans.
«Je pense que l’utopie était là au début. On naît peut-être utopiste. L’utopie est l’une des dimensions du devenir, car il faut toujours inventer des mondes pour pouvoir continuer à vivre. Ce qui a contribué assez curieusement à donner à mes textes ce ton cosmogonique, c’est peut-être l’intérêt que je portais aux sciences.» (p.368)
Gilles Hénault a contribué à changer le Québec, défendant sa pluralité, sa spécificité francophone et la liberté de ses créateurs. Exigeant, il poussait toujours vers le haut dans ses écrits journalistiques, ce qui n’est pas toujours le cas dans les médias. Un intellectuel et un poète de premier plan.
Des propos à lire et à redécouvrir, pour retrouver l’envie de travailler au futur de « ce pays incertain » comme l’écrivait Jacques Ferron. Si Gilles Hénault n’a pas réussi à installer son grand rêve d’une société plus juste au Québec, il a contribué à la faire entrer dans la modernité.

«Interventions critiques» de Gilles Hénault est paru aux Éditions Sémaphore.
http://www.editionssemaphore.qc.ca/Gilles_Henault.html

mercredi 15 août 2007

Un humaniste qu’il fait bon redécouvrir

Quelques années après le décès de Gilles Hénault, un poète important, les Éditions du Sémaphore ont entrepris de rééditer l’œuvre complète de l’écrivain et du journaliste. Une heureuse initiative et une belle redécouverte.
Au Québec, rares sont les écrivains et les poètes qui «survivent» à leur mort. Il faut une équipe attentive pour se pencher sur l’héritage de ces héros de l’écriture et garder leurs œuvres dans l’actualité. Gaston Miron a ce privilège. Des fidèles éclairent son œuvre importante. Qui s’attarde maintenant au poète Gilbert Langevin dans l’univers littéraire et médiatique? Qui entreprendra de le sortir de l’oubli?
Le second volet de la réédition de l’œuvre de Gilles Hénault, «Graffiti et proses diverses», reprend des réflexions écrites entre 1939 et 1989. Le lecteur fait la connaissance d’un jeune homme encore imbibé par ses études classiques et l’accompagne jusqu’à l’âge d’homme où il se questionne sur la vie et l’écriture. Un parcours remarquablement juste et pertinent.
Bien sûr, les textes parus alors qu’il avait dix-neuf ans ont pris des rides, mais Hénault a trouvé rapidement sa voix alors que le monde était déchiré par une terrible guerre.

Actualité

«D’Odanak à l’Avenir», un récit qui raconte l’histoire du Québec et de la famille du poète, se lit encore avec bonheur. Un texte fort juste, pertinent qui permet de survoler une époque que l’on a tendance à occulter de nos jours. Il n’y a pas si longtemps au Québec, on croyait que l’avenir se cachait au bout du rang. Il suffisait de rouler ses manches et de se mettre à l’ouvrage pour la forger.
J’aime particulièrement les textes courts, les réflexions d’une justesse que bien des écrivains de la post-modernité auraient avantage à lire.
«Il me faut des textes troués, spongieux, poreux dans lesquels le lecteur puisse s’infiltrer, s’embusquer. Je déteste les textes qui vous conduisent par la bride, comme si vous étiez un cheval ou un âne et les textes durs, construits, les murs de syllogismes, les paradigmes de l’enfermement comme diraient de savants confrères. Il me faut des textes où l’air circule entre les phrases. C’est le style à venir.» (p.149)
Une qualité d’écriture constante, que ce soit dans les textes écrits à vingt ans ou quelques années avant sa mort. Des textes qui témoignent de l’humaniste que fut ce poète qui a marqué certainement une génération et ouvert bien des fenêtres. Et quel œil pétillant, quel humour subtil! Un bonheur! La littérature a besoin de figures flamboyantes mais aussi de ces artistes qui travaillent dans l’ombre et la douceur des jours. Gilles Hénault aura été de ceux-là.

«Graffiti et proses diverses» de Gilles Hénault est paru aux Éditions du Sémaphore.