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mercredi 21 décembre 2005

Yvon LeBlond possède un regard singulier

Depuis plusieurs semaines, le roman d’Yvon LeBlond trône sur ma pile de nouveautés. Et, avec le temps, la nouvelle parution se retrouve sous des dizaines de titres. «Dernier couloir à gauche» a été lancé quelque part en septembre. Un roman plutôt court, des chapitres numérotés dans le désordre, une fantaisie amusante.
Yvon LeBlond plonge le lecteur dans une intrigue qui étonne et pique la curiosité. Très rapidement, un monde particulier se dessine. Gabriel est embauché comme gardien et il doit arpenter des couloirs, jamais le même, effectuer des rondes sans revenir sur ses pas. Comme par magie, il se retrouve au poste de garde à tous les soirs. Tous les parcours le ramènent à ce lieu de vie.
Dans cet appartement tapissé d’écrans, le surveillant a tout ce qu’il désire. Les livres et les disques qu’il aime sont là. On le tient en alerte avec des émissions à la télévision et des journaux qui changent de langue à tous les jours.
Il vit dans un labyrinthe qui se modifie selon les excursions, les parcours empruntés, les destinations qui ne mènent nulle part. Les couloirs montent, descendent, se transforment en passages étroits où il a du mal à se glisser. Un monde étrange où le fantasme permet de survivre. Jamais il ne rencontre ses semblables, sauf cette Madeleine qui devient sa compagne.

Cynisme

Yvon LeBlond est capable d’un humour mordant et d’un cynisme dérangeant. Il nous l’a démontré dans certaines de ses nouvelles de «Un lac, un fjord, un fleuve». Il renoue avec le genre dans cet univers inquiétant que l’on dirait esquissé par Kafka.
Après un certain temps, Gabriel vit avec Madeleine qui se nourrit de poèmes et de livres quand il doit écouler les vacances qui s’accumulent. Un fantasme, une muse, une compagne soumise, un personnage purement littéraire.
Le héros devient rapidement un mésadapté avec ce métier étrange. Il éprouve de plus en plus de mal à se retrouver dans la ville et à mener une vie que l’on pourrait qualifier de normale après ses séjours dans ce dédale. Comment séparer le fantasme de la réalité?
«Un long moment, Gabriel se plante devant la large fenêtre du salon. Fasciné, il aimerait voir l’immense pointillée par des flocons de neige. Immobile, il attend. Il n’a pas sommeil. Le rêve qu’il souhaite, il le veut réel. Mais la neige ne vient pas. Le ciel s’est éclairci.» (p.41)

Fascination

Où cette vie va mener Gabriel et pourra-t-il échapper à l’étau qui se resserre? Après des vacances prolongées, après une vie presque, un voyage de plusieurs semaines en taxi, notre gardien prend la grande décision. Il va quitter ce travail absurde. Le monde du travail fait oublier la vie, la nature, la beauté des pierres qui recèlent l’histoire des humains. Une aventure qui n’a pas lieu avec Germaine, des déplacements qui étourdissent mais qui permettent le grand saut.
«À tout moment, reviennent, comme sur un mur de granit qui longe l’asphalte, des profils de personnes, de visages ou même des fronts, parfois. Une chose le frappe : des profils amérindiens. Front haut dirigé vers l’arrière, nez busqué et lèvres pulpeuses.» (p.101)
Le moment fort de ce voyage au pays des routes, ce périple qui permet de retrouver l’air libre et d’échapper au Minotaure.

Écriture

Mais que dire devant les «perles» qui tapissent le roman d’Yvon LeBlond? «Jamais la noirceur de son regard fermé n’a été aussi claire.» «Le présent s’y bat continuellement avec le devenir.» «Il se sent les yeux rudes, comme si ses paupières les grattaient en battant. Pour avancer avec plus de sûreté, il regarde ses pieds.» «Il entreprend l’exploration de sa noirceur pour l’éclairer.» «Encore une fois, leurs yeux se rencontrent et échangent un sourire.» «Elle semble s’ouvrir et le cœur de Gabriel s’étreint.» On pourrait continuer la cueillette. «Cette vibration, on ne peut qu’entrer dans son cycle.»
M. LeBlond possédait un excellent sujet qui lui permettait de bousculer le lecteur dans ses habitudes et ses certitudes mais l’écriture devient un obstacle qui hérisse. C’est peut-être cela l’absurdité du roman…

«Dernier couloir à gauche» d’Yvon LeBlond est paru aux Éditions Presses Inter Universitaires.
http://www.sagamie.org/apes/yvon.leblond/fiche-YvonLeBlond.html