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lundi 19 août 2013

Germain effectue un travail d’ethnologue



Jean-Claude Germain, avec «Sur le chemin de la Roche percée», complète une entreprise particulière. L’écrivain vient de boucler un périple qui permet de nous faufiler dans les années soixante alors que tout allait changer au pays du Québec. Une lecture qui oscille entre la petite histoire et les grands questionnements. Voilà la manière unique de cet écrivain assez difficile à classer.

Le jeune étudiant fréquente le monde des artistes et des créateurs et se questionne dans l’effervescence qui précède la Révolution tranquille. Après la lecture des quatre ouvrages qui s’attardent sur le sujet, on ne peut que constater que les changements, dans la Belle province, ne sont pas arrivés en claquant des doigts. Il y a eu une longue incubation qui a préparé cette période où le monde a basculé en quelque sorte.
Peintres et sculpteurs cherchent à s’affranchir de la tradition pour découvrir un autre univers. Tous ont en mémoire le Refus global même s’il n’est jamais évident de s’inventer un langage formel et de s’approprier une vision de l’art. Chacun tente de faire sa place et surtout cherche à ne rien devoir à ses prédécesseurs. Dans le monde de la création, chaque génération tente de bousculer les «plus anciens» pour imposer son regard et ses façons de faire. Une même volonté en arts visuels, au théâtre, en poésie que dans le roman. Trouver sa manière, s’inventer même si, avec le passage du temps, on constate souvent que les ruptures n’arrivent pas fréquemment. Le plus grand bouleversement est venu de Sigmund Freud qui a parlé de l’inconscient. Les arts connurent alors une mutation, une vraie. L’important pour l’artiste ou le poète dorénavant était de dire ce qu’il y avait en soi en utilisant la réflexion ou en se laissant guider par ses pulsions. Toutes les routes devenaient des poussées vers soi.
«J’ai toujours envié les peintres qui, tôt le matin, se présentaient à l’atelier et s’installaient devant leur chevalet pour poursuivre là où ils s’étaient arrêtés la veille. Une fois libérée du motif et du point de fuite, l’œuvre se développait progressivement, chaque décision influençait l’autre. L’automatisme était une sorte d’évocation gestuelle à chevaucher l’aléatoire et donner forme à la matière à la vitesse du hasard.» (p.13)
Germain a côtoyé Roussil, Riopelle, Jacques Hurtubise et bien d’autres originaux. Armand Vaillancourt n’était pas bien loin, j’imagine. Tous cherchaient à briser les carcans, les empêchements qui étouffaient les créateurs depuis des décennies et surtout à s’affranchir du clergé. Une grande quête, un refus d’abord et de nombreuses expériences plus ou moins étranges.

Curiosité

Germain est un curieux qui a pris du temps à trouver sa voie. Lecteur boulimique, il trouve matière à réflexion chez les penseurs et les philosophes en lisant tout ce qui lui tombe sous la main. Peut-être pour prendre un certain recul, mieux se trouver, il entreprend un voyage avec des amis dans les provinces maritimes. Ils séjournent ici et là, écrivent, croisent des originaux, cherchent d’autres manières de bousculer la réalité. Confronter à une nature qui peut étouffer quand on se retrouve sur l’île Bonaventure, tous évoluent à leur façon.

«Comme l’esquif d’Ulysse qui court d’une île à l’autre, la valise sous le capot et le moteur en poupe, notre coquille de noix sur roues poursuivait inlassablement sa route.» (p.124)
Dans leur petite voiture, ils traversent des villes, se heurtent à des habitudes séculaires, découvrent des endroits où le temps semble s’être arrêté. C’était avant le tourisme de masse, les voyages organisés, les grandes et petites séductions qui appâtent les visiteurs autour de Percé. C’était l’aventure que de partir sur les routes sans savoir où dormir et manger. Ils font la fête, n’arrivent pas à trouver du homard, finissent par se procurer de l’alcool et un peu de vin en devant respecter des conditions étranges, se réservent aussi des moments pour travailler et réfléchir. C’est après ce périple, peut-être, que Germain prendra la décision de se tourner vers le théâtre et la scène.
Il y a les anecdotes, bien sûr, mais l’auteur est particulièrement intéressant quand il réfléchit à la création et ce qui a marqué les productions de la scène pendant cette période et les années 1970. L’influence d’Antonin Artaud par exemple.
Une époque singulière, comme une hésitation avant l’éclatement de la Révolution tranquille. Un témoignage qui permet de mieux saisir les espoirs qui animaient les créateurs et une bonne partie de la société, la singularité du Québec aussi. L’écrivain rend bien l’effervescence qui était la sienne et celle de ses compagnons d’aventure. Beau travail nécessaire de mémoire.

Sur le chemin de la Roche percée de Jean-Claude Germain est paru aux Éditions Hurtubise.

vendredi 22 février 2013

Jean-Claude Germain ne cesse de scruter notre passé



Jean-Claude Germain poursuit sa mission d’informer et de vulgariser l’histoire du Québec. Avec la suite de «Nous étions le nouveau monde», l’historien s’attarde à la période qui mène aux révoltes des Patriotes en 1837. Un moment fort important de notre passé que l’on a souvent occulté.

Après la Conquête, tout bascule. Les francophones sont privés du continent américain et enfermés dans ce que nous nommerons le Bas-Canada qui deviendra la province de Québec. Une sorte de réserve. Commence alors une lutte pour faire reconnaître la légitimité des élections, des élus, les pouvoirs de l’Assemblée législative et ses responsabilités. Jean-Claude Germain réussit l’exploit de rendre cette période passionnante. Une belle leçon de choses qui garde sa pertinence en ces temps d’enquêtes sur la corruption et les abus de toutes sortes. Un moment de notre histoire qui ne me passionnait guère quand j’étais sur les bancs de l’école, il faut le dire. Autant je raffolais des aventures des découvreurs, autant les luttes parlementaires m’ennuyaient.

Le rapport honni

Il y a d’abord le fameux lord Durham, un rapport qui est resté de travers dans la gorge de tous les francophones.
«Au Québec, l’Histoire est née sous la forme d’une riposte à un camouflet d’un aristocrate anglais. Lord Durham avait statué en 1839 qui nous étions «un peuple sans histoire et sans littérature». C’était d’autant plus insultant que c’était vrai.» (p.12)
François-Xavier Garneau écrira l’histoire des francophones pour clouer le bec de l’aristocrate. Pour la littérature, il faudra attendre. C’est surtout la lutte pour la reconnaissance de la démocratie qui retient l’attention de l’historien.
Les francophones exigent le respect de la législature, le pouvoir de voter les lois et les crédits. Ce que les Anglophones refusent. Les gouverneurs se comportent en tyrans et dépensent les fonds comme ils l’entendent. Conséquences : des élections à répétition. Le représentant du roi avait le droit de proroger l’assemblée des élus. Un mot que nous avons retrouvé, il n’y a pas si longtemps, avec notre ami Stephen Harper.

Longue marche

Une longue marche vers l’idée d’indépendance s’amorce, la révolte, une guerre perdue d’avance. Les rebelles ne possédaient que quelques fusils pour affronter une armée bien équipée et disciplinée. Sans compter les délateurs et le rôle du clergé qui se range du côté des Anglais. Suivra une répression sauvage, des déportations et des exécutions. Des figures ressortent, selon Germain, Louis-Joseph Papineau, un véritable héros avec de Lorimier.
«Chaque fois qu’une affirmation encore plus forte de notre identité politique lui fait écho, l’ombre de Papineau s’agrandit à la taille de l’indépendance.» (p.290)
La résistance fait courir les foules de « canayens » qui confrontent les radicaux britanniques. Ces derniers affirment haut et fort que les francophones sont des conquis et qu’ils doivent s’assimiler. L’auteur fait aussi un parallèle avec l’Irlande qui a subi à peu près les mêmes sévices que les Québécois francophones. Et que dire du rôle du clergé? Mgr Plessis fait frémir.
Jean-Claude Germain démontre que nous ne cesserons de revivre certaines batailles tant et aussi longtemps que le Québec ne fera pas un choix définitif sur son avenir. Je n’ai pu m’empêcher de songer au printemps 2012 avec les marches dans les rues et des leaders étudiants qui réclamaient le droit à la désobéissance civile. Papineau aurait sans doute approuvé et porté le carré rouge.

«Nous étions le Nouveau Monde» de Jean-Claude Germain est paru aux Éditions Hurtubise.

dimanche 14 novembre 2010

Jean-Claude Germain raconte la bohème des années 60

Jean-Claude Germain continue son travail de mémorialiste. Dans «La femme nue habillait la nuit», il retrouve la bohème de sa jeunesse, ces années qui allaient mener le Québec à la Révolution tranquille.
Ce conteur intarissable nous entraîne dans les lieux mythiques de Montréal, les bistrots, les librairies et des lieux plus ou moins fréquentables. Des personnages connus défilent, ceux qui ont marqué leur temps et dont on se souvient. D’autres ont été emportés dans l’oubli pour le meilleur ou le pire. Claude Gauvreau, Patrick Straram, Tex Lecor, Henri Tranquille et bien d’autres secouaient les diktats du clergé alors.
«Au milieu des années 1960, la bohème tenait salon au Bistrot, rue de La Montagne, à quelques pas de Chez Bourgetel. L’endroit, habituellement bondé à ne pas pouvoir bouger, se vantait de posséder le premier zinc parisien authentique. Martino, qu’on n’avait pas vu depuis des années, ressemblait maintenant à un fantôme fraîchement rescapé du pays des Tarahumaras d’Antonin Artaud.» (p.17)

Époque

Une société ne se transforme pas en claquant des doigts. Il faut du temps, des précurseurs, des contestataires pour faire évoluer la pensée et les moeurs d’une population. Jean-Claude Germain a connu ces années où tous fonçaient avec un enthousiasme contagieux vers «l’âge d’or du Québec», ces années 70 qui allait tout bouleverser. La Révolution tranquille, bien sûr, mais aussi la Crise d’Octobre et la Loi des mesures de guerre.
Les écrivains, les photographes, les peintres, les comédiens et les musiciens menaient la marche et tentaient de secouer des façons de faire et de voir.
«La révolution a commencé par l’œil et sa modernité était dans le regard. Pour transformer le monde, il fallait d’abord le voir autrement. Il fallait casser sa représentation et libérer les formes et les couleurs pour la reconstruire. La seule vérité était celle de l’œil qui regardait. Einstein n’en pensait pas moins.» (p.20)
Un milieu effervescent, trépidant qui bouscule tout et fonce sans trop savoir quelle direction prendre.
Les cinéastes joueront alors un grand rôle. Gilles Groulx, Pierre Perreault et Arthur Lamothe se tournent vers le Québec et le scrutent comme jamais il ne l’a été. Gilles Carles n’était pas loin. Cela donnera les films de Perreault sur l’île aux Coudres et l’Abitibi qui marqueront l’imaginaire québécois tout comme les films de Lamothe qui s’est attardé auprès des autochtones.
Les signataires du Refus global trouvaient de plus en plus de disciples.

Témoignage

Jean-Claude Germain était étudiant quand il a découvert la magie des librairies et le cinéma. Des passions qu’il gardera toute sa vie. Des lectures, des spectacles et des films qui changent sa vie. Il nous pousse dans ces hauts lieux du livre où le clergé dirigeait les bonnes lectures et vouait certains écrivains aux flammes de l’enfer. Henri Tranquille aimait les livres défendus et il se faisait un devoir de les faire lire discrètement. Comment oublier la librairie Déom, rue Saint-Denis et certaines institutions anglophones qui ont joué un rôle particulier dans la vie intellectuelle de cette époque. Des temples tenus par des originaux par toujours facile d’accès.
Germain entraîne le lecteur dans des endroits où les mécréants risquaient de perdre leur âme. Dans ces lieux enfumés, certaines femmes se déshabillaient quand elles ne faisaient pas l’inverse. Lili Saint-Cyr a échappé aux lois de la moralité en se rhabillant sur scène. Des endroits que les contestataires fréquentaient et animaient.
«J’appartiens à une génération qui a salué la progression inexorable de la liberté dans chaque nouvel allégement du vêtement féminin. Chaque lisière de nudité libérée par les grands couturiers nous rapprochait du grand dépouillement. Dans les films, chaque bain de mousse, chaque douche derrière un rideau de moins en moins opaque, chaque tétin furtivement dévoilé, chaque chemise détrempée, qui collait au corps comme une deuxième peau, comptaient pour autant de victoires sur le front de la censure.» (p.117)
Une décennie brossée à grands traits, une période d’ébullition qui remettait tout en question. Les vérités immuables s’effritaient et les portes du Québec moderne s’ouvraient. Jean-Claude Germain témoigne avec humour d’un moment fascinant où tout était possible. L’envers de maintenant où tout semble avoir été expérimenté.

«La femme nue habillait la nuit» de Jean-Claude Germain est paru aux Éditions Hurtubise.

dimanche 7 février 2010

Comment bien interpréter les faits de l'histoire?

Jean-Claude Germain, dans «Nous étions le Nouveau Monde», raconte le régime français de façon amusante, s’attardant à des personnages comme Jeanne Mance, Maisonneuve et Montcalm. Dans «Les Robinson Crusoé de l’histoire» Jean-Paul de Lagrave survole le Québec des débuts jusqu’à maintenant, convoquant Montcalm, George Washington, Voltaire et quelques autres.
Ces deux livres démontrent de façon éloquente comment l’histoire peut dire une chose et son contraire.
«Lorsqu’on invoque le passé, proche ou lointain, c’est une erreur de perspective de croire que les ancêtres sont les anciens et que nous, nous sommes les jeunots. C’est même le contraire qui est juste. Par rapport à eux, nous sommes les vieux et par rapport à nous, ils sont notre jeunesse. Ne sommes-nous pas la somme de ce qu’ils ont été?», écrit Jean-Claude Germain.
Le problème reste d’interpréter correctement ce qu’ont été les ancêtres pour mieux se comprendre.

La Conquête

La France a préféré la Guadeloupe et la Louisiane au Canada suite aux négociations qui ont suivi 1760. Certains, comme Jean-Paul de Lagrave, y voient une forme de trahison. Il s’attarde longuement à cette période et aux jeux de coulisses de la France lors de la guerre d’indépendance américaine. Il reproche aux Français de ne pas avoir marché avec les Américains pour envahir le Canada et rétablir l’hégémonie française sur cette partie du monde.
Si Jean-Claude Germain et Jean-Paul de Lagrave s’entendent sur le rôle de la France et celui de George Washington, ils s’opposent quand il est question de certains personnages. Germain aime bien souligner les différences qui deviennent de plus en plus évidentes entre les «Canayens» et les Français qui débarquent ici. Les ancêtres des Québécois s’étaient intégrés aux populations indiennes en apprenant leur langue et en pratiquant la guerre à leur façon. Le marquis de Montcalm détestait cette façon de faire et la considérait comme de la barbarie.
«Inexpérimentés dans ce genre de combat, les soldats de la première rangée ignorent qu’après avoir tiré un coup, ils doivent recharger leurs armes sans cesser de courir. Plusieurs mettent un genou à terre, comme à l’exercice, et provoquent une suite de culbutes qui casse l’élan de leur attaque. Au bas de la pente, les Anglais qui les attendent, font tous feu en même temps. Après la pagaille, voici la débandade!» (Jean-Claude Germain)
Un différend qui a eu les conséquences que nous savons. Jean-Paul de Lagrave fait un héros de Montcalm et Jean-Claude Germain une caricature.
«Par sa vaillance sur les plaines d’Abraham, Montcalm avait empêché l’ennemi de s’emparer de Québec, la capitale, que Ramezay sur les ordres de Vaudreuil, avait lâchement vendu. Puis ce fut la honteuse capitulation de Montréal», écrit Jean-Paul de Lagrave.
«Trois jours avant la reddition du gouverneur de Québec, Nicolas-Roch de Ramezay, Montcalm trouve assez de souffle pour expédier une lettre de capitulation aux Anglais avant de rendre l’âme. Ce fut la dernière couillonnerie du petit marquis», affirme Jean-Claude Germain.

Révolution tranquille

Plus près de nous, les affirmations de Jean-Paul de Lagrave sur la Révolution tranquille étonnent.
«Malgré la Révolution tranquille, la société demeurait la même que précédemment. Les Québécois restaient dans leur ensemble des pauvres et des ignorants dans un monde en pleine mutation. L’enseignement laïque et gratuit, de la maternelle à l’université, leur était refusé. Une petite élite seule avait amélioré son sort.» (p.134)
Le Québec remettait les pendules à l’heure dans les années 60. Il s’inscrivait dans la modernité en se donnant les outils d’un État moderne et avant-gardiste en éducation et en soins de santé. Les frais de scolarité demeurent encore les plus bas en Amérique malgré des lacunes. Si le système de santé éprouve aussi ses problèmes, il fait l’envie de bien des pays.
«Nous étions le Nouveau Monde» de Jean-Claude Germain et «Les Robinson Crusoé de l’histoire» de Jean-Paul de Lagrave démontrent comment on peut opposer certains faits historiques. Ces livres donnent raison à Joseph Facal qui, dans «Quelque chose comme un grand peuple» dénonce certains historiens qui gomment les faits pour promouvoir l’approche canadienne. L’histoire sert à fournir des munitions aux souverainistes comme aux fédéralistes, deux approches qui s’affrontent depuis la Confédération.

« Nous étions le Nouveau Monde » de Jean-Claude Germain est publié aux Éditions Hurtubise et « Les Robinson de l’histoire » de Jean-Paul de Lagrave est paru aux Éditions Trois-Pistoles.

samedi 15 décembre 2007

Jean-Claude Germain raconte son enfance

Jean-Claude Germain est connu d’à peu près tout le monde au Québec. Un personnage apprécié pour sa bonhomie, sa verve intarissable et ses dons de conteur.
Dans «Rue Fabre, centre de l’univers», l’homme de théâtre, le comédien, le journaliste et l’historien évoque l’enfance d’un garçon de dix ans qui a de bonnes oreilles et des yeux pour tout voir.
Le père a exploré tous les métiers imaginables, ayant «plusieurs vies» comme il dit. Un peu assagi, il gagne le pain de la famille en vendant des sucreries, sillonne l’île de Montréal dans son petit camion. Une occupation qui permet d’explorer les alentours de la grande ville pour courtiser une nouvelle clientèle. Une manière de plonger dans des territoires qui échappent à toutes les contraintes et attirent les excentriques.
Dans ces courts tableaux, le lecteur découvre des univers étonnants, des personnages fascinants, une grand-mère qui pourrait être le pendant féminin de Louis Cyr, un père qui a le don de la parole et qui retombe toujours sur ses pieds. Jean-Claude a de qui tenir.

Monde anarchique

Germain décrit, à grands traits un monde anarchique, retord et rebelle, malgré la présence des curés. Surtout dans le tableau qu’il esquisse de la Rive-Sud qui était, à l’origine, une véritable cour des miracles, un territoire qui attirait les têtes fortes qui souhaitaient échapper à toutes les contraintes et réinventer l’art de vivre peut-être.
«Le climat d’insouciance et de désinvolture qui régnait dans ces développements sauvages, où les habitations étaient perpétuellement en chantier et les rues, impraticables, n’a eu d’équivalent que la joyeuse pagaille du Far West ou la ruée vers l’or. Mon père avait connu la frénésie et la misère de l’Abitibi du boom et des culottes à Vautrin. Il était donc le « voyageur » tout désigné pour prospecter cette nouvelle colonisation et ouvrir la route du sud pour son bourgeois – les termes n’avaient pas changé depuis la traite des fourrures.» (p.107)
Jean-Claude Germain s’amuse et, derrière chaque phrase, on croit entendre son rire tonitruant.
«À lui tout seul il résume dans mon souvenir ce Québec marginal, sans pudeur et sans apprêts, qui attristait Pierre Vallières et faisait sourire le docteur Ferron. Pour ma part, j’ai toujours cherché à traduire son intarissable gouaille et son rire rabelaisien. Ou plutôt à lui rendre justice.» (p.159)
C’est sympathique même si, souvent, malgré son parti pris, on aurait aimé qu’il s’attarde auprès de certains personnages, qu’il prenne la peine de plonger dans une époque fascinante où tout était possible, même les éclats de rire.

«Rue Fabre, centre de l’univers, Historiettes de mon jeune âge» de Jean-Claude Germain est paru aux Éditions Hurtubise.