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dimanche 26 avril 2009

Une page d’histoire du Québec un peu oubliée

«Frères ennemis» de Jean Mohsen Fahmy nous plonge dans une période agitée de la vie politique du Québec et du Canada, soit les années 1914-1918. L’Europe alors est à feu et à sang. Au pays, francophones et anglophones sont à couteaux tirés. Que doit être le rôle du Canada dans la Première Guerre mondiale et comment doit-il intervenir?
Henri Bourassa dirige Le Devoir d’une main de fer et profite de toutes les tribunes pour défendre les droits de la «race canadienne française» partout au Canada. Il croit que la participation des francophones à cette guerre doit être volontaire. Il y aura la conscription, des manifestations qui tournent à l’émeute à Montréal, des traques et des trahisons.
Les jumeaux Couture sont jeunes, idéalistes et vivent cette période avec exaltation.
«Depuis la déclaration de la guerre, il passait et repassait dans sa tête et dans son cœur les mille arguments que ses amis et lui avaient fiévreusement invoqués, au café du quai Alexandre et plus tard, dans d’autres conversations. Fallait-il s’engager? Fallait-il rester au Canada? Lionel avait pleinement conscience des combats que les Canadiens français devaient mener au pays. Il se rappelait les conversations qu’il avait entendues, enfant, entre son père et ses amis sur la «trahison» de Riel commise par les Anglais. Et, au cours des dernières années, il avait été révulsé par l’interdiction du français dans les écoles du Manitoba et de l’Ontario. Il fallait donc combattre au pays pour faire respecter les droits de son peuple. Mais cela voulait-il donc dire qu’on ne devait pas participer au combat plus vaste, au combat de l’Europe, qui faisait s’affronter la tyrannie germanique et la civilisation française?» (p.88)
Lionel choisit l’armée et le combat dans les tranchées tandis qu’Armand lutte pour la reconnaissance du fait français aux côtés de Bourassa. Francophones et anglophones se confrontent par le biais des journaux, mais aussi lors d’importantes manifestations qui dégénèrent en violence à Montréal. 

Confrontation

Les jumeaux Armand et Lionel, les deux inséparables, prennent des routes différentes et s’opposent en apparence. Lionel s’enrôle pour combattre en Europe tandis qu’Armand mène le combat des francophones au pays par son travail de journaliste et d’activiste. Si les directions semblent s’opposer, la problématique finit par se recouper. Les revendications des Canadiens français trouveront un écho dans l’armée et aboutiront à la formation du Royal 22e régiment constitué de francophones.
La situation pourrait devenir explosive pourtant.  Les jumeaux aiment la même jeune fille, mais là encore tout s’arrange plutôt bien. Justine aimera les frères tour à tour, mais loin des yeux, loin du cœur. Le départ de Lionel laisse le champ libre à Armand. Il courtise Justine et il arrive ce qui doit arriver.
«Oui, elle était troublée parce qu’elle aimait Armand et elle savait ce qu’était l’amour, car elle l’avait déjà connu. Elle l’avait connu avec Lionel, et son amour pour Armand se trouvait maintenant empoisonné par ses scrupules. Elle avait l’esprit assez fin pour comprendre que ce qui l’avait attirée chez le guerrier d’Europe était précisément ce qui la séduisait maintenant chez le combattant du Canada. C’était, chez les deux frères, le même tempérament actif, entreprenant, le même esprit d’aventure, la même soif de combattre pour ce qui leur tenait à cœur…» (p.227)
Solide recherche

Jean Mohsen Fahmy a construit son roman sur une solide recherche. Il reconstitue de façon minutieuse les combats où les Canadiens français se sont illustrés en démontrant un courage qui marquera l’imaginaire. Pour ce qui est de la trame romanesque intime, disons que ce n’est pas le point fort de l’écrivain. Les amours d’Armand et de Justine s’étiolent et la valse des hésitations aurait pu être écourtée. Il est à son meilleur dans l’action et les grandes fresques.
«Frères ennemis» décrit minutieusement le quotidien du soldat qui subit les bombardements, croupit dans la boue des tranchées, se défend contre les rats et la malédiction des poux. Lionel descend aux enfers et il aura du mal à l’oublier. Une blessure physique se soigne, mais guérit-on des visions d’horreur? On ne peut qu’en garder des séquelles.
Roman intéressant par ses assises historiques particulièrement vivantes et bien rendues. Tout est en place pour une suite avec le retour de Lionel après la fin de la grande tuerie. Tout le non-dit peut refaire surface et les deux frères se retrouver face à face pour une fois.

«Frères ennemis» de Jean Mohsen Fahmy est paru chez VLB Éditeur.

dimanche 19 avril 2009

Jean Désy cherche la petite lumière

Jean Désy, médecin et écrivain, pousse son lecteur devant la maladie, la mort, la misère physique et spirituelle, un monde qui a perdu toute assurance dans «Entre le chaos et l’insignifiance».
Nous l’oublions souvent, le médecin confronte la maladie au jour le jour, le vieillissement et souvent l’horreur. Que dire à une jeune femme qui a tenté de mettre fin à ses jours? Comment regarder un homme et une femme dans les yeux et lui annoncer le pire?
«Comment réagir quand on rencontre pour la première fois une mère qui rejette brutalement son bébé? Comment annoncer à quelqu’un que le cancer qui le ronge va bientôt le tuer et que les miracles sont épouvantablement rarissimes?» (p.11)
Notre société demande au médecin de réaliser justement «ces miracles» tout en soutenant une cadence folle dans des hôpitaux où les spécialistes deviennent des «performeurs». Nous n’entendons parler que des heures d’attentes dans les urgences ou encore de certaines erreurs qui ne peuvent que se multiplier avec des horaires de plus en plus frénétiques. Pas étonnant que des jeunes se questionnent ou décrochent. Des infirmières à bout de patience décident de partir.

L’exil

Certains médecins décident d’aller servir dans le Grand Nord comme Désy l’a fait pour y nourrir leur imaginaire et trouver un ancrage à leur vie. D’autres s’exilent dans des pays qui distillent la misère ou des folies guerrières qui ne savent plus comment prendre fin.
«Vois-tu, en Afrique, j’ai côtoyé le Mal. Je suis content d’être revenu chez moi. Mais j’ai envie de repartir. De fait, je repartirais demain matin. Bizarre non ? Pourquoi ? Parce qu’il me semble que je perds le sens de ma vie dans mon pays, même si c’est paisible. C’est un cadeau du ciel de pouvoir vivre dans un lieu en paix. Mais dès que je remets les pieds chez moi, je ressens le vide. Un grand vide…» (p.23)
Jean Désy empoigne le mal du siècle peut-être, ce vide qui frappe à peu près tout le monde dans des sociétés où il faut gaspiller furieusement pour relancer une économie qui souffre d’hyperventilation.
Dans neuf textes, le médecin nomade affronte la plus incroyable des misères humaines en Haïti ou dans le Grand Nord où la folie emporte les jeunes dans un tourbillon plus dangereux que le blizzard. Des situations extrêmes qui permettent curieusement de mettre un pied au sol.

La quête

Dans plusieurs de ses ouvrages, surtout dans «Âme, foi et poésie» paru en 2007, Jean Désy cherche un sens à la vie. La foi est-elle une réponse quand la misère frappe toujours les mêmes pays du Tiers-Monde? Dieu ou un Être suprême peut-il apporter un certain apaisement? Comment trouver une certitude quand le chaos s’installe? L’écrivain retourne ces questions sans jamais être convaincu des réponses. Il jongle avec ces énigmes d’un livre à l’autre, tente de trouver une direction dans un monde qui se plaît à inventer l’horreur.
«Le Mal, à mon sens, n’est essentiellement qu’humain. Rien d’autre, mais c’est bien assez! Âme et cosmos et nature, et a fortiori Dieu, ne font qu’un pour créer la vie. Notre tâche, à nous, les humains, n’est peut-être essentiellement que de montrer la beauté du monde. De la montrer en la magnifiant. C’est peut-être là que se trouve notre plus grand Bien, le seul qui puisse contrer le Mal ambiant.» (p.25) 

Mal de l’âme

Le médecin et philosophe questionne le mal de l’âme qui secoue nos sociétés, surtout la jeunesse. Comment contrer le «mal d’être»? Il faut peut-être se tourner vers les poètes et les penseurs pour deviner la petite flamme qui vacille.
«Je ne sais pas. Je ne suis sûr de rien. Pourtant, il semble exister un baume pour chaque plaie du monde. Ce baume est souvent un langage. Et ce langage est souvent poésie. Et la poésie, la vraie, ressemble souvent à de l’amour.» (p.87)
Jean Désy recommande l’humilité devant sa profession de médecin. Tout comme Jacques Ferron l’était. Il croit qu’il faut cultiver l’amour de ses patients et avoir la certitude d’être utile. Malheureusement, la médecine industrielle s’éloigne de plus en plus de cet artisanat nécessaire, de «cette compassion humaine» qui aide plus que les appareils les plus sophistiqués.

«Entre le chaos et l’insignifiance» de Jean Désy est paru chez XYZ Éditeur.

mercredi 15 avril 2009

Annie Chrétien s'amuse avec son lecteur


Annie Chrétien publie un premier roman étrange. Que ceux et celles qui raffolent des histoires linéaires s’abstiennent.
Un traducteur ne sort plus de sa maison, n’arrive pas à bout d’un texte obscur. Pendant ce temps, des personnages étranges s’installent. Un nain distribue des feuillets publicitaires, un clown squatte l’entrée de l’auto et une femme maigre surveille une petite fille dans sa cuisine. Le pauvre traducteur est terrorisé, cherche à échapper à ce cauchemar. Si seulement sa femme pouvait rentrer. Va-t-elle revenir, existe-t-elle vraiment? Tout bascule. Où est le vrai, le faux dans cette histoire?  Sommes-nous dans le délire d’un homme qui a refoulé depuis des années son désir d’écrire. Est-il en train de s’arracher aux textes des autres pour exister dans sa propre écriture.
«L’absence de tout… Le vide complet… Sa vie comme un trou noir… Fallait-il vraiment revenir à cela ? Ne pouvait-il pas jouer un autre rôle ? Renaître au grand jour, tour réinventer, refaire le passé. Ne plus être si faible, si las. Si ordinaire, si aride, si enfoui. Être autre chose que le traducteur.» (p.37)
Que veulent ces personnages? Ce ne sera qu’à la fin que l’on comprendra. Tous sont des rescapés des contes dont le traducteur raffolait dans son enfance.
«Les deux premières clés de l’énigme se trouvaient dans la petite bibliothèque blanche de la chambre verte. Parmi les albums cartonnés. Les abécédaires et les livres de comptines, le traducteur trouva un épais recueil de contes aux pages cornées et jaunies, aux images décolorées, à l’odeur familière de moisissure et de tabac froid.» (p.126)
Le traducteur a été choisi comme huitième rameur. Il doit embarquer dans un immense canot, pactiser avec le Diable au péril de sa vie et de son âme. On reconnaît la chasse-galerie, celle que l’on connaît.

Toucher terre
 
Annie Chrétien ne ménage guère son lecteur. Elle le fait travailler. Et puis j’ai oublié les questions. À quoi bon vouloir tout «voir» avec sa raison? Je me suis laissé emporter par les mots, le bonheur de la phrase, le vertige d’une écriture qui bat comme un gong.
«La volière» se transforme peu à peu en une allégorie de l’écriture et de la création. Le métier de traducteur, celui qu’exerce Annie Chrétien, exige de disparaître derrière un texte. Dangereux de devenir l’autre, d’épouser son écriture, ses images et de côtoyer des personnages souvent détestables.
Malgré la complexité de ce court roman, Annie Chrétien nous retient avec une écriture nerveuse et haletante. Elle aurait avantage peut-être à casser le rythme, à briser une cadence qui devient un peu répétitive. Mais rien pour empêcher d’apprécier cette étrange aventure. Un imaginaire foisonnant, un puzzle où tout tombe en place à la fin.

Annie Chrétien, «La volière» d’Annie Chrétien est paru aux Éditions L’instant même.

http://www.instantmeme.com/ebi-addins/im/ViewAuthor.aspx?id=419

Alexandre Bourbaki décide de prendre l’air

Sébastien Trahan, Nicolas Dickner et Bernard Wright-Laflamme se cachent derrière Alexandre Bourbaki
Personnage improbable et fictif, Alexandre Bourbaki est de retour. Il nous entraîne dans une aventure où le quotidien prend les couleurs d’un tableau surréaliste.
Encore une fois l’étrange est au rendez-vous, même si les personnages sont moins «décollés» que dans «Traité de balistique». Tout paraît normal, mais il ne faut pas se laisser berner. Nous croyons avoir les pieds sur terre et voilà que nous dérivons dans une aventure qui échappe à l’entendement.
Bourbaki, écrivain multiple, n’en peut plus de Montréal. Quelqu’un a rayé l’aile de son auto et il a besoin d’aller voir ailleurs. Il se réfugie dans le village de Mailloux. Un clin d’œil à Hervé Bouchard ou au célèbre psychiatre qui en menait large sur les ondes d’une certaine radio, on ne saura jamais. Il débarque avec sa chienne Argentine et s’installe au cœur d’une agglomération où la paix et le bonheur ne semblent pas une fable.
«Mais Mailloux a pris le virage du tourisme: il y a des gîtes un peu partout, des cafés, des galeries d’art, des restaurants et des boutiques spécialisées. Il n’y a rien de forcé, d’artificiel. On n’a pas l’impression de se retrouver dans un décor. Il n’y a pas d’enseignes tapageuses ni de grandes chaînes.» (p.22)
Un univers où respirer est une occupation noble. Notre écrivain peut s’occuper à regarder le temps s’égrener et les humains s’agiter. Beau métier que celui de l’écriture.

Un double

Bourbaki se retrouve devant son «doppelgänger» ou son double. Petit est le fou officiel du village. Il dort au milieu de la rue principale sous l’œil attendri du chef de police. Il écrit, aime bien Béatrice, la propriétaire de la buanderie qui tient aussi le café Internet. Qui écrit quoi? La situation devient confuse. Bourbaki et lui sont peut-être interchangeables.
Tout cela dans un hameau qui prépare un événement artistique qui ébranlera le monde. Les dirigeants d’un vaste comité de citoyens préparent un grand happening, un coup d’éclat. Ils masqueront une montagne avec un tableau gigantesque. Pourquoi pas! Nous avons vu un artiste interdisciplinaire et enseignant au Saguenay vouloir tailler la forêt qui couvrait tout un flanc de montagne pour y reproduire son visage.

À Mailloux, l’art visuel est omniprésent et les faux se multiplient. Peut-être que Bourbaki s’est égaré dans une toile de Molinari qui hante l’agglomération.

Regard percutant

Bourbaki cerne les travers et les beautés de la société. La laideur aussi. Un récit terriblement efficace même si tout au long de cette histoire, des portes s’ouvrent sans jamais se refermer. Certains événements sont oubliés par le narrateur, mais pourquoi s’en plaindre.
Ce qui importe, c’est le plaisir de raconter, de sauter à pieds joints dans les phrases et de s’en mettre partout. Des rebondissements, de la folie, de l’espoir et de la désespérance. Tout est possible dans le monde onirique de Bourbaki.
Un roman jeune, cynique, un tantinet humoristique, excentrique et exotique, réaliste, cru parfois. Un imaginaire débridé, possible et impossible. Surtout un grand plaisir pour le lecteur.

«Grande plaine IV» d’Alexandre Bourbaki est paru aux Éditions Alto.

Claire Martin ne cesse d’étonner

Claire Martin, née en 1914, s’est tenue en marge de la littérature de 1973 à 1999. Vingt-six ans sans publier. À 94 ans, elle garde une vitalité et une fraîcheur étonnantes. Certainement la doyenne de nos écrivaines.
Rappelons qu’elle a fait son entrée en littérature, en 1958, avec des nouvelles. Dans «Le feu purificateur», trois courts récits, elle effleure son passé. Une visite sur les lieux de son enfance, la maison familiale qui a été détruite par les flammes. Elle y retrouve des objets, des artéfacts qui évoquent une époque où le drame avait les coudées franches. Tout cela à mots couverts, avec un sourire et un certain détachement. C’est comme ça quand le temps file. Certains événements sont comme ces objets qui ont échappé au feu. Il suffit d’un détail, d’une enveloppe soulevée par le vent pour que tout un volet de vie s’impose et nous entraîne vers des personnages qui sortent de l’ordinaire.
C’est que Claire Martin a eu une enfance peu banale, fréquenté des gens plutôt extravagants. Que dire de cette cousine qui se complaît au milieu de parvenus et d’étranges manipulateurs. Une Pauline fascinante qui laissera un héritage inattendu.
«Au soir de ce jour, les langues se dégourdirent un peu, à la maison du grand-père qui n’avait été que le gendre, en son temps. Si certains pensaient que les ossements découverts étaient ceux de l’arrière-grand-mère, personne n’eut l’audace d’évoquer cette éventualité. Il n’en fut pas ainsi à la mairie. De fil en aiguille, il fallut bien arrêter les recherches à la seule femme âgée de la paroisse qui n’était ni chez elle ni au cimetière.» (p.35)
Que de morgue et d’humour! Il suffit de se pencher sur ses souvenirs pour que tout un monde remonte à la surface. C’est le privilège de l’écrivain.
Claire Martin garde une fraîcheur, un pouvoir d’évocation qui fait sourire à chaque paragraphe. C’est peut-être cet humour fin, ce ton qui étonne, cette manière de se faufiler dans ses souvenirs qui fascine. Et quelle habilité à jongler avec les verbes. Bien des jeunes écrivains auraient du mal à en faire autant. Claire Martin démontre une agilité remarquable.

«Le feu purificateur» de Claire Martin est publié aux Éditions L’instant même.

Nadia Plourde découvre le Nord du Québec

Nadia Plourde, en 2005-2006, décroche un poste d'enseignante au Nunavik. Elle enseignera à l'école Arsanik de Kangiqsujuaq, un village d'environ 400 habitants, situé sur les rives du détroit d'Hudson. Une aventure spectaculaire, un dépaysement total.
Le Nord du Québec est un autre pays. Nadia Plourde le démontre dans ces chroniques qui s’attardent aux hauts et aux bas d'une institutrice décontenancée par ses élèves. Les enfants refusent toute forme d'autorité et leurs comportements, considérés comme déviants dans le Sud, sont la norme au pays des aurores boréales. Ils travaillent quand ils veulent, se présentent en classe selon leurs humeurs.
«Ces enfants font exactement ce qu'ils veulent. L'école, une prof ouioui en plus, l'idée de réussir ou de ne pas réussir une année, tout ça n'a aucune importance pour eux. Je pense qu'ils acceptent de travailler, pour passer le temps. Alors, autant remplir des pages, répéter des phrases ou faire des calculs. Peut-être que ma vision va changer et que je vais découvrir une certaine utilité au travail que je fais, mais j'ai de moins en moins d'illusions.» (p.78)
Ils peuvent aussi basculer dans des colères terribles, sans avertissement. Cinq minutes plus tard, ils sont les enfants les plus doux du monde. De quoi dérouter la plus intrépide des pédagogues. Sans compter une situation linguistique particulière. Le français, l'anglais et l'inuktitut se chevauchent dans la vie quotidienne.

Adaptation

Nadia Plourde s'adapte. Heureusement, elle possède un bon sens de l'humour et tombe en amour avec cette terre de grands vents et de lumière. C'est le coup de foudre, même si sa classe ne cesse de la bousculer.
Pour survivre peut-être, l'institutrice envoie une forme de synthèse de la semaine à une soixantaine de correspondants. Le miracle de l'Internet. Nous vivons quasi en direct dans cette classe du Grand nord.
«La gloire de mes élèves» raconte au jour le jour la vie de ces enfants, leurs difficultés, leurs situations et leurs façons de se comporter. Elle semble avoir eu peu de contacts avec les adultes, ou elle a choisi de rester fort discrète.
On en voudrait plus, on aimerait avoir un portrait qui échappe un peu à la banalité du quotidien et aux matières scolaires. Nous sommes loin des magnifiques ouvrages de Jean Désy qui nous plonge dans la poésie du Nord, dans ses contradictions, sa grandeur et sa violence.

«La gloire de mes élèves» de Nadia Plourde est édité par les Éditions Les 400 coups.

http://www.editions400coups.com/livres/la-gloire-de-mes-eleves