Sébastien Trahan, Nicolas Dickner et Bernard Wright-Laflamme se cachent derrière Alexandre Bourbaki |
Personnage improbable et fictif, Alexandre Bourbaki est de retour. Il nous entraîne dans une aventure où le quotidien prend les couleurs d’un tableau surréaliste.
Encore une fois l’étrange est au rendez-vous, même si les personnages sont moins «décollés» que dans «Traité de balistique». Tout paraît normal, mais il ne faut pas se laisser berner. Nous croyons avoir les pieds sur terre et voilà que nous dérivons dans une aventure qui échappe à l’entendement.
Bourbaki, écrivain multiple, n’en peut plus de Montréal. Quelqu’un a rayé l’aile de son auto et il a besoin d’aller voir ailleurs. Il se réfugie dans le village de Mailloux. Un clin d’œil à Hervé Bouchard ou au célèbre psychiatre qui en menait large sur les ondes d’une certaine radio, on ne saura jamais. Il débarque avec sa chienne Argentine et s’installe au cœur d’une agglomération où la paix et le bonheur ne semblent pas une fable.
«Mais Mailloux a pris le virage du tourisme: il y a des gîtes un peu partout, des cafés, des galeries d’art, des restaurants et des boutiques spécialisées. Il n’y a rien de forcé, d’artificiel. On n’a pas l’impression de se retrouver dans un décor. Il n’y a pas d’enseignes tapageuses ni de grandes chaînes.» (p.22)
Un univers où respirer est une occupation noble. Notre écrivain peut s’occuper à regarder le temps s’égrener et les humains s’agiter. Beau métier que celui de l’écriture.
Un double
Bourbaki se retrouve devant son «doppelgänger» ou son double. Petit est le fou officiel du village. Il dort au milieu de la rue principale sous l’œil attendri du chef de police. Il écrit, aime bien Béatrice, la propriétaire de la buanderie qui tient aussi le café Internet. Qui écrit quoi? La situation devient confuse. Bourbaki et lui sont peut-être interchangeables.
Tout cela dans un hameau qui prépare un événement artistique qui ébranlera le monde. Les dirigeants d’un vaste comité de citoyens préparent un grand happening, un coup d’éclat. Ils masqueront une montagne avec un tableau gigantesque. Pourquoi pas! Nous avons vu un artiste interdisciplinaire et enseignant au Saguenay vouloir tailler la forêt qui couvrait tout un flanc de montagne pour y reproduire son visage.
À Mailloux, l’art visuel est omniprésent et les faux se multiplient. Peut-être que Bourbaki s’est égaré dans une toile de Molinari qui hante l’agglomération.
Regard percutant
Bourbaki cerne les travers et les beautés de la société. La laideur aussi. Un récit terriblement efficace même si tout au long de cette histoire, des portes s’ouvrent sans jamais se refermer. Certains événements sont oubliés par le narrateur, mais pourquoi s’en plaindre.
Ce qui importe, c’est le plaisir de raconter, de sauter à pieds joints dans les phrases et de s’en mettre partout. Des rebondissements, de la folie, de l’espoir et de la désespérance. Tout est possible dans le monde onirique de Bourbaki.
Un roman jeune, cynique, un tantinet humoristique, excentrique et exotique, réaliste, cru parfois. Un imaginaire débridé, possible et impossible. Surtout un grand plaisir pour le lecteur.
«Grande plaine IV» d’Alexandre Bourbaki est paru aux Éditions Alto.
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