Yves Dupéré, historien né à Jonquière, lance un roman qui plonge le lecteur dans les années qui précèdent la chute de la Nouvelle-France. Il couvre les années allant du 21 juin 1752 au 18 octobre 1760. Un auteur précis comme un horloger.
Huit ans qui font connaître la gloire de cette Nouvelle-France qui n’hésite pas à porter la guerre chez les Anglais de l’Ohio avec une audace qui effarouche les plus braves. Le roman se termine par la défaite et la capitulation des armées françaises en Amérique après la prise de Québec.
C’est surtout l’histoire d’une famille, celle de Jean Hébert de Courvais. Le père major de l’armée française et ses deux fils, François et Alexandre, militaires aux méthodes bien différentes ainsi que Catherine et Anne. Une famille qui incarne cette Nouvelle-France qui devra s’incliner devant les forces anglaises. Yves Dupéré mêle les personnages historiques, Montcalm, Bigot à des êtres de fictions qui sonnent juste.
«Le ton des deux jeunes hommes était courtois, sans plus. Non seulement François était-il le préféré de son père, mais il était celui qui lui ressemblait le plus physiquement. Ses larges épaules et sa mâchoire carrée annonçaient une certaine rigueur. De plus, l’éclat de ses yeux bleus révélait tout l’ascendant que François avait sur qui le côtoyait. Ses cheveux bruns étaient remontés vers l’arrière et descendaient jusqu’à la nuque, comme ceux de Jean, durant sa jeunesse.» (p.75)
«Quand tombe le lys» fait revivre avec précision ces années où les Canadiens, ces Français nés en Canada, sillonnent l’Amérique, sèment la terreur, se battent, commercent avec les Indiens quand ils ne vivent pas comme eux. À Québec on retrouve l’aristocratie française qui tente d’imposer ses manières et ses façons de faire. Entre les deux, les marchands et la noblesse ne reculent devant rien pour s’enrichir.
Belle réussite
Yves Dupéré réussit ce premier envol romanesque malgré la surabondance des descriptions un peu maniaques des robes, des maisons et des armes qui ralentissent l’action. Cette écriture a au moins le mérite de nous «montrer» les lieux et les manières des personnages. Rien qui n’empêche d’apprécier cette histoire passionnante pourtant. Surtout quand nous suivons Alexandre dans ses amours. Et l’attirance particulière qu’il éprouve pour sa sœur Catherine n’est pas sans troubler.
«Malgré tout, certains d’entre eux passèrent sous les lames tranchantes des tomahawks. Quelques soldats anglais tentèrent de leur échapper, mais les Amérindiens les poursuivirent et les scalpèrent sous les yeux ébahis des Français. Des officiers canadiens, François en tête, réussirent à contrôler la fureur de leurs alliés iroquois. Les officiers et les soldats français virent pour la première fois le sort réservé aux vaincus par les Amérindiens. Plusieurs en furent outrés.» (p.191)
Une fresque oubliée avec l’abandon de l’enseignement de l’histoire. De l’action et des machinations qui tiennent le lecteur en haleine jusqu’à la fin. Des scènes torrides, des grandes batailles et aussi des trahisons qui mèneront au départ de la famille Hébert de Courvais pour la France après la défaite.
Ce qui étonne, c’est la liberté de mœurs des habitants de la Nouvelle-France, le libertinage pratiqué dans la colonie et le peu de place que le romancier donne au clergé.
Un bon roman appuyé sur une foule de faits historiques et des personnages attachants. Yves Dupéré a réussi son premier roman.
«Quand tombe le lys» d’Yves Dupéré est publié aux Éditions Hurtubise.
http://www.editionshurtubise.com/auteur/799.html