Encore une fois, cet écrivain plonge dans un monde un peu tordu et ne s’éloigne guère de son univers pour le plus grand plaisir des lecteurs. Pour ceux et celles qui ne l’ont pas encore deviné, Daniel Boivin est journaliste à CBJ, la station de Radio-Canada à Chicoutimi.
Simon Naud vient de se faire rattraper par la quarantaine. Avocat de formation, il n’a jamais pratiqué. Et comme bien des journalistes qui font le métier depuis un certain temps, il est cynique. Le chroniqueur judiciaire de La Presse campe au Palais de Justice et décrit la misère humaine à tous les jours.
Le reporter doit enquêter sur une histoire un peu sordide juste avant Noël. Un ancien maire de Repentigny et son épouse ont été assassinés à Saint-Fabien-des-Pins, une petite ville de l’arrière pays.
Enquête
L’intérêt se porte rapidement sur Alice, une jeune photographe d’allure punk qui accompagne Simon Naud dans sa mission. Va-t-il oui ou non baiser avec elle? J-H. le chef de pupitre et chef des nouvelles est particulièrement intéressé par la chose. Mais il y a Zoé, la serveuse qui zézaie et sait faire bien d’autres choses. Le temps file à Saint-Fabien-des-Pins à moins trente Celsius. Simon fait un peu de jogging entre le restaurant, le bar et le dépanneur tout en élaborant les textes qu’il va expédier au journal. Après, l’enquête suit son cours et le monde tourne en rond.
Heureusement, Daniel Boivin revient vite aux hantises de son premier roman et c’est là tout le charme de ce second ouvrage. Le vieillissement, le sexe, l’amour, les humains si souvent tordus retiennent son attention. Il est toujours un observateur précis et mordant. Il trace le portrait d’une petite société à grands traits. La vie engourdie dans la routine, un bar de danseuses nues, le restaurant où tout le monde se retrouve, un estaminet minable où les ivrognes se saoulent avec application et dévotion.
«L’intérieur du dépanneur ressemblait à un entrepôt de bière. On ne voyait rien d’autre que des caisses de vingt-quatre empilées en pyramide parmi quelques étalages d’articles de pêche et de cassettes vidéo. Les bouteilles de bière remplissaient également une chambre froide toute vitrée qui répandait une lumière crue dans la pièce.» (p.59)
Un tendre
Simon Naud est obsédé par le sexe et les femmes mais c’est un tendre, un doux qui se protège comme il peut. Un humaniste et peut-être aussi un idéaliste.
«À deux occasions, il avait refusé de partir en Arabie Saoudite pour couvrir la guerre du Golfe. La première fois, au début du conflit, il s’était inventé une fausse bronchite pour refuser l’assignation. Quelques semaines plus tard, il invoquait des problèmes de couple pour se défiler… … c’était parce qu’il avait peur. Peur des bombes, des attentats, du terrorisme, des balles perdues, des armes chimiques. Peur de mourir, tout bêtement.» (p.40)
Voilà qui rend le personnage de Simon sympathique . Après cela, on peut bien lui pardonner son obsession du sexe.
«En attendant son rire joyeux, il éprouva une sorte de tristesse. Il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait presque deux fois son âge. Il se sentait, non pas trop vieux, mais dépassé. Démodé.» (p.117)
Une écriture rythmée, efficace et un sens de l’humour qui fait avaler les pires outrances. Le talent de Daniel Boivin fait qu’on oublie un peu les problèmes de concordance du temps des verbes et certaines expressions boiteuses. Non, on «ne se laisse pas tomber dans sa chaise». Que dire d’un «elle laissa étirer le silence» et puis d’un «j’avais ma Nikon dans le cou.» Une autre pour terminer? « La 1er Avenue était déserte à perte de vue». Mouais…
Une lecture attentive aurait pu corriger facilement ces peccadilles.
«Trois nuits au Colibri» de Daniel Boivin est paru aux Éditions JCL.
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