Paul Chamberland, dans sa poésie comme dans ses essais, porte un regard critique sur la civilisation contemporaine. Certains peuvent croire qu’il se complaît dans un pessimisme extrême pendant que d’autres affirmeront qu’il est réaliste.
Le monde actuel fonce vers la catastrophe à une vitesse vertigineuse. Tous les observateurs sérieux le répètent. Pollution, réchauffement de la planète, exploitation sauvage des ressources naturelles dans les pays du tiers-monde. Le sida, la famine et la misère sévissent, particulièrement en Afrique. La démocratie bat de l’aile même si l’élection de Barak Obama à la présidence des États-Unis semble secouer des espoirs que nous n’osions plus imaginer. Le but de toutes les grandes entreprises est de pousser le citoyen planétaire à produire de plus en plus, à consommer jusqu’à l’obésité.
Paul Chamberland, dans «Cœur creuset», ne s’attarde pas aux effets de la mondialisation et à l’hégémonie de l’Occident comme il l’a fait dans «En nouvelle barbarie». Il prône l’éveil, l’ouverture du coeur et de l’esprit pour glisser vers une autre terre de justice, de partage et d’amour. Il est possible d’y arriver par le dépouillement, la méditation, la reconnaissance de l’être de lumière qu’il y aurait en chacun de nous.
«Nous aurions échappé au feu primordial, nous en sommes convaincus. Mais nous brûlons encore : nous ne pouvons faire que n’existe pas la combustion dont ont été faits nos corps.» (p.89)
Puisant dans différentes philosophies orientales, le poète rêve d’un grand retour vers l’être, d’un dépouillement qui nous ferait nous retourner vers l’essentiel.
Questions fondamentales
Qui prend le temps de réfléchir au sens de la mort et de la vie à l’heure de Tout le monde en parle? Ces interrogations, les humains les ont effleurées depuis des millénaires. Maintenant, cette confrérie de chercheurs est reléguée dans les coins obscurs des bibliothèques, ou égarés dans les labyrinthes de l’informatique. J’ai peur cependant que Paul Chamberland ne rejoigne pas beaucoup de lecteurs avec la forme d’ascèse qu’il prône. Il fait aussi sourciller avec ses propos sur la culture.
«Le malaise dans la culture a crû au point de devenir intolérable. L’humanité est en train d’étouffer sous ses déchets, tant psychiques que matériels. L’actuelle civilisation a fait son temps. Nous savons depuis Auschwitz et Hiroshima qu’elle n’a plus rien d’autre à nous offrir que la production « rationnelle » du non-humain (béant au cœur du réel, ce trou noir). Le seul savoir qui tranche est celui qui découvre les ressources dont nous tirons la force de résister à l’anéantissement spirituel de l’humanité. De nous y arracher.» (p.105)
Le mysticisme ne semble guère capable de sauver l’humanité avec ce que nous en savons. Chamberland s’enferme de plus en plus dans une solitude inquiétante malgré les appels à ses frères et ses sœurs.
«Cœur creuset. Carnets 1997-2004» de Paul Chamberland est publié aux Éditions L’Hexagone.