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dimanche 9 novembre 2008

Les Gagné et les Rousseau sont de retour

Anne Tremblay récidive avec «Les porteuses d’espoir», le troisième tome du «Château à Noé». Les Gagné et les Rousseau vivent difficilement les années qui s’étirent entre 1938 et 1960. De grandes épreuves ne cessent de secouer ces familles depuis la hausse des eaux du lac Saint-Jean qui a noyé leurs terres de Pointe-Taillon et emporté une partie de leurs rêves. Le malheur ne peut être plus spectaculaire que l’incendie de la maison qui a disséminé la famille Gagné. Sept enfants sont morts en plus de Rolande, la mère. Le drame a traumatisé tout le monde. Georges, le père, n’aura pas assez d’une vie pour se redresser. Jean-Marie, le fils aîné, cherche à expier en se faisant moine à Mistassini. Mathieu n’arrive pas à oublier la mort de ses cousins. Hélène, la survivante, se sentira toujours un peu coupable d’être du côté des vivants.
Les Rousseau vivotent à Saint-Ambroise. Julianna doit ravaler ses ambitions qui lui permettraient de mettre le monde à sa main. Yvette, sa fille aînée, se débat avec des rêves de départ. Rien n’arrive en ces temps difficiles. La guerre a rejoint tout le monde. Pierre, le fils de François-Xavier et Julianna, se cache dans un chantier au nord de Normandin pour échapper à la conscription. Elzéar, son cousin, s’enrôle pour défier la mort en sifflotant sur les champs de bataille de l’Italie. Le souvenir du sinistre qui a ravagé la maison familiale le pousse en avant. Il mourra le sourire aux lèvres.

Autre rêve

Les Rousseau déménagent à Chicoutimi pour inventer un autre rêve et une autre déception. Julianna s’occupera du courrier du coeur dans le journal de Chicoutimi et découvrira des secrets que l’on évite lors des repas du temps des Fêtes. Elle sauvera sa famille de l’indigence en quelque sorte. Parce que le malheur ne s’éloigne jamais chez les Rousseau. Il se faufile par une porte mal fermée ou une fenêtre. Il est toujours là à mettre ses doigts partout. Nous filons ainsi jusqu’au début de la Révolution tranquille où le Québec découvre la modernité. 

Conteuse

Anne Tremblay est une formidable conteuse. Encore une fois, «Les porteuses d’espoir» nous attache à une histoire familière et des dizaines de personnages aux prises avec leur quotidien. Un secret, un rebondissement fait que nous lisons cette tranche en gourmand. Un membre de la tribu vit le meilleur ou le pire, effleure la mort, mais arrive toujours à relever la tête. Toujours l’amour, l’espoir, la certitude d’arriver à mettre un doigt sur des jours ensoleillés.
Anne Tremblay possède cet art délicat de retenir son lecteur. Impossible de ne pas se laisser étourdir par cette saga du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Quatre cents pages bien tassées qui nous font plonger dans des drames qui s’étalent sur un fond historique. Une forme de magie.
Que ce soit chez les Gagné ou les Rousseau, tous possèdent un don d’empathie, une énergie qui fait que les pires difficultés sont surmontées. Même Yvette qui connaît la faim et la misère à Paris sera rescapée par sa petite sœur Laura. Le rêve lui aura rogné les ailes cependant. Oui, il y a toujours une main, un regard, une parole qui permet de s’arracher à la misère. Comment ne pas prendre plaisir à le croire et à le lire.
Une écriture directe, sans artifices, beaucoup de dialogues, des rappels pour nous remettre en mémoire certains événements un peu oubliés. Le lecteur prend les virages de ces aventures croisées en retenant son souffle, s’attache à des personnages qui ont la grande qualité d’avoir du cœur malgré des maladresses et les difficultés à manier les mots.
Le lecteur a à peine refermé ce gros roman qu’il rêve déjà du quatrième tome qui promet de nous pousser vers le déluge qui a secoué la région en 1996. Mélange de fiction et de réalité, cette saga est à l’image de la vie toujours folle de soubresauts, de grandes et petites tribulations qui laissent des cicatrices profondes. C’est pourquoi on s’attache à ces héros de la vie ordinaire. Des pages pleines d’espoir, de forces et de santé malgré les pires facéties de la vie. Il suffit de s’abandonner à son plaisir.

«Les porteuses d’espoir» d’Anne Tremblay est paru chez Guy Saint-Jean Éditeur.

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