lundi 24 octobre 2011

Samuel Archibald subjugue son lecteur

«Arvida» de Samuel Archibald a créé une vague lors de sa parution en septembre. On parlait d’une découverte, de l’événement de la rentrée peut-être.
Je me méfie toujours de ces entrées fracassantes. À la lecture, peut-être que je m’attends à trop, je suis déçu. Souvent.
Ce n’est pas le cas avec «Arvida». Voici un roman étonnant de fraîcheur et d’originalité. Je suis passé par toutes les émotions en lisant ces histoires qui tournent autour de la ville de l’aluminium et de la famille Archibald. L’auteur explique parfaitement ses intentions à la dernière page de son récit.
«Des histoires d’Arvida et d’ailleurs. Des histoires épouvantables et des histoires drôles et des histoires épouvantables et drôles. Des histoires de roadtrip, de petits bandits et de débiles légers. Des histoires de monstres et de maisons hantées. Des histoires d’hommes mauvais comme le sont souvent les hommes et de femmes énigmatiques et terrifiantes comme le sont toutes les femmes. Des histoires vraies que j’écrivais sans demander la permission ni changer les noms, en donnait les dates et le nom des rues.» (p.315)
On ne saurait mieux définir son parcours. Archibald nous entraîne d’un bout à l’autre de la ville pour suivre sa famille et quelques originaux. Nous nous échappons aussi sur les monts Valin pour plonger dans des aventures que les hommes se racontent le soir après avoir suivi les traces d’un orignal et malmené sérieusement une bouteille.

Faits vécus

Samuel Archibald a glané ici et là des histoires, des faits vécus pour créer des moments époustouflants. Je songe à «Foyer des loisirs et de l’oubli», un match épique de hockey entre les anciens joueurs du Canadien et une équipe locale. Cette histoire aussi, ma favorite, celle de «L’animal» qui met en scène un ours apprivoisé et des jeunes filles qui découvrent la vie. Un texte magnifique.
«Il marcha pendant des jours et des jours. Il y avait dans son âme d’ours une connaissance ancestrale des points cardinaux et des exigences de la nourriture et du cycle des saisons et d’une certaine violence mais dans sa tête d’ours il ne connaissait pas la solitude et surtout il ignorait qu’il était normal pour un ours de ne pas avoir de maison.» (p.147)
Le contraire aussi. L’horrible avec «Jigai». Je me suis demandé ce que ce texte faisait dans l’ensemble. Une fausse note, un faux pas je crois. Impensable ces femmes qui se mutilent et finissent en pièces détachées. L’horreur!
Heureusement, la volonté de transcender le quotidien et de le mettre à sa main prend le dessus. C’est souvent truculent et étonnant. Archibald est un conteur imaginatif et un menteur incroyable comme disait ma mère. Le genre à pouvoir transformer un souvenir d’enfance en véritable épopée.
Petits truands qui ratent tout, demeurés qui planifient un meurtre qui tourne à la farce. Victime et agresseur deviendront des inséparables dans «Les derniers-nés».
«La soirée était douce et tranquille et on entendait les estomacs de Raisin et de Martial gargouiller dans l’air du soir. Au début, ils tétèrent tous les trois leur bière en silence, puis la conversation trouva son rythme. Ils parlèrent de la météo, des résultats des matchs et du décolleté émouvant d’une barmaid de la brasserie. Autant de sujets qui semblaient avoir été inventés, ce soir-là, tout spécialement pour eux, tous spécialement pour que les gens comme eux puissent parler de quelque chose.» (p.251)
L’impression de me retrouver dans un texte de John Steinbeck.

L’art de dire

Bien sûr, les résidents d’Arvida chercheront à démêler le vrai du faux. J’ai croisé deux ou trois lecteurs qui s’amusaient à ce jeu. Pas nécessaire pourtant d’avoir parcouru les rues et les parcs de cette ville pour apprécier le roman d’Archibald. L’auteur évoque des histoires qui se répètent lors de ces rencontres familiales où le ton monte après un verre ou deux. Tout cela avec une écriture sentie et belle de vigueur. Un savant mélange qui couvre toute une époque et la transcende.
Samuel Archibald sera certainement un sérieux candidat aux prix littéraires du Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean l’an prochain. Vraiment une belle découverte et un écrivain plein de ressources. Un premier roman remarquable.

«Arvida» de Samuel Archibald est paru aux Éditions du Quartanier.
http://www.lequartanier.com/auteurs/archibald.htm

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