Nombre total de pages vues

mercredi 20 juillet 2022

UNE SAGA POUR PASSER LES VACANCES

MICHAEL MCDOWELL a réussi un exploit en publiant les six volumes de Blackwater à raison d’un roman par mois. Il faut avoir la plume alerte pour réaliser un tel travail. Je ne serai jamais candidat pour ce genre de défi. Des livres qui mettent en vedette les Caskey, la toute puissante Mary Love qui dirige l’empire familial et mène ses fils en clignant des yeux. Une écriture serrée qui vous garde en haleine et vous entraîne dans les remous d’une ville du sud des États-Unis, même en traduction. Je signale l’excellent travail de Yoko Lacour et Hélène Charrier. Elinor Dammert, une femme rousse venue de nulle part, réchappée des rivières et de l’eau, changera tout. On le sait, les roux sont l’incarnation du diable, du moins dans la tradition.

 

J’ai lu les deux premiers volets de cette saga qui nous plonge dans les manœuvres de la matriarche qui dirige tout et les événements un peu étranges que provoque la belle Elinor. 

Tout se passe à Perdido, une ville de l’Alabama qui vit de la forêt. Une industrie qui fait penser à certains lieux du Québec où la transformation du bois occupe tout le monde. Mary Love, trône sur la petite ville depuis toujours on dirait. Nous sommes habitués au contraire, surtout au début du siècle dernier. L’homme alors dirigeait la destinée de son clan et décidait pour ceux qui gravitaient autour de lui. 

Ça change un peu. 

Les deux fils gèrent les affaires des Caskey même si tous les profits vont à Mary Love. Sa fille Sister reste en retrait et semble condamnée à demeurer la servante de sa mère. Elle finira par fuir le piège dans La digue en épousant l’ingénieur Early Haskew. Il est là pour construire la fameuse estacade qui rendra la ville sécuritaire. 

Elinor arrive dans la famille après une montée des eaux exceptionnelle en 1919. C’est le sujet du premier tome : La crue. Une étrangère sans passé, une originale qui nage pendant des heures, se transforme en bête hideuse et dangereuse de temps à autre. 

«La jeune femme se rapprochait toujours plus du cœur du vortex. Soudain, elle étendit ses bras au-dessus de sa tête et son corps se fondit bientôt dans la courbe du maelström, ne faisant plus qu’un avec lui. C’était comme si elle pouvait atteindre ses propres orteils, bordant d’un anneau blanc, la noirceur du gouffre tournoyant. Soudain, l’anneau de peau blanche et de coton qu’avait été Élinor Dammert disparut pour de bon.» (La crue, p.95)

Elle travaille comme institutrice avant d’épouser Oscar et d’entreprendre une guerre larvée avec sa belle-mère. C’est la première fois que la reine du clan voit une femme contrecarrer ses plans et sa manière de diriger quasi toute la ville. L’opposition de l’eau et de la terre, cela va de soi.

 

HISTOIRE

 

Pendant ce temps, la famille Caskey achète à peu près tout en avalant ses concurrents et les terres environnantes. Une méthode qui a fait fortune et que l’on pratique encore joyeusement avec les fusions d’entreprises et les intégrations. 

Tout change dans Perdido, rien ne peut être semblable après le déluge. Elinor se tient sage, mais agit dans l’ombre, provoquant des atrocités. 

«Ce ne fut pas Mademoiselle Elinor qui lui rendit son regard. Il ne distinguait pas grand-chose car la lune était dissimulée par cette tête, mais John Robert devinait qu’elle était plate et immense, ornée de deux gros yeux globuleux, verdâtres et luisants. La chose empestait l’eau croupie, la végétation pourrissante et la boue de la Perdido. Les mains qui retenaient ses bras n’étaient plus du tout celles de Mademoiselle Elinor. Elles étaient beaucoup plus larges et n’avaient ni peau ni doigts, mais ressemblaient davantage à une surface caoutchouteuse toute bosselée.» (La digue, p.197)

Les romans de Michael McDowell sont des tourbillons où, pour une fois, des femmes décident. 

C’est rafraîchissant.

Une belle lecture d’été pour tenir tête aux averses et aux orages, des intrigues qui se savourent sur une plage, les deux pieds dans le sable, à l’ombre d’un parasol. De quoi oublier les hurlements des motomarines qui, prises de vertiges, ne peuvent que tourner en rond au large. Autant s’abandonner aux rebonds de la saga Blackwater de Michael McDowell pour contrer la pollution de tous ces moteurs qui souillent les eaux du lac Saint-Jean quand le soleil se montre. 

 


MCDOWELL MICHAELLa crue et La digue, Québec, Éditions Alto,2022.

https://editionsalto.com/collaborateur/michael-mcdowell/ 

Aucun commentaire:

Publier un commentaire