Nombre total de pages vues

samedi 15 août 2009

Diversité culturelle, de quoi parle-t-on ?

La «Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles» a été adoptée en 2005 par 148 pays à l’UNESCO. Deux abstentions: Israël et les États-Unis. La France, le Québec et le Canada se sont faits les champions de cette idée.
Cette entente assure-t-elle la survie des différentes cultures dans le monde? Quand on parle de biens culturels et d’industrie de la culture, de quoi parle-t-on? Une quinzaine de chercheurs, dans «David contre Goliath», se penche sur la question.
Les États-Unis confrontent à peu près tous les pays dans ce débat. Règle-t-on le problème en ouvrant la porte des marchés planétaires aux cultures des petits pays? L’industrie mondiale de la musique et du cinéma, par exemple, demande un «formatage» qui dessert à peu près tout le monde, sauf les États-Unis. Et là encore on ne favorise que les produits populaires, négligeant les œuvres plus difficiles.

Marchandise

Les Américains pensent que les produits culturels sont un bien comme un autre et qu’ils doivent circuler sans restriction.
«Le contexte de l’évolution de la culture américaine, l’émergence de la culture de masse et, en parallèle, le fonctionnement de leur système culturel, illustrent un engagement particulier et révélateur envers les arts et la culture. La conception commerciale et utilitariste qu’ils lui confèrent s’inscrit dans une perspective historique. …Le contexte d’évolution des arts et de la culture américaine permet d’appuyer la conception utilitariste de ceux-ci, aux origines même du peuplement de l’Amérique.» (pp.130-131)
Nous touchons le coeur du problème. La culture doit-elle être traitée comme le bois d’œuvre ou le sirop d’érable? Céline Dion à Las Vegas représente-t-elle la culture québécoise?

Questions

Pourquoi le Québec est-il devenu le fer de lance de cette bataille? Certains diront que sa population majoritairement francophone dans un continent anglophone ne pouvait que l’inciter à promouvoir cette cause. Le nationalisme étant aussi un aspect de ce combat pour la préservation de la langue française et sa culture.
Pourtant, Québec a milité pour le libre-échange avec les États-Unis et les Amériques. Ces ententes prévoient la libre circulation des biens et des capitaux sans intervention des états. Le rouleau compresseur qui menace d’absorber toutes les cultures vient de ces traités et de la mondialisation.
«David contre Goliath», même si les textes sont parfois arides, soulève nombre de questions et ne formule pas nécessairement les réponses. Les idées ne s’accordent pas sur le rôle des états. Tous optent pourtant pour une approche commerciale.
«C’est aussi parce que nous refusons d’adhérer à la logique simpliste qui prévaut à l’heure actuelle, à savoir que la culture est essentiellement un moteur économique, un catalyseur, bref, quelque chose qui s’exporte, au même titre que l’hydroélectricité. D’où la nécessité de s’interroger sur cette transformation fondamentale qui est en train de se produire dans notre perception de la culture et sur la signification politique qu’un tel changement de paradigme provoque.» (p.278)
Et avec Internet et la numérisation, la diffusion échappe de plus en plus à toutes les mesures protectrices. Les créateurs étant ainsi largués.  Le débat est loin d’être réglé.

«David contre Goliath» de Yves Théorêt est paru aux Éditions Hurtubise.
http://www.editionshurtubise.com/catalogue/1730.html                                                                                                

Jean-François Somain visite son atelier

Dans «La visite de l’atelier» Jean-François Somain tente d’expliquer pourquoi il écrit et ce qu’il recherche dans sa longue ascèse. Qui est Jean-François Somain? Où se trouve la petite lumière qui fait qu’il publie encore et encore? Difficile de répondre à cette question après avoir fait le tour de son jardin.L’auteur refuse de se livrer et rate ainsi l’essence même de la collection «Écrire» qui est d’ouvrir les placards pour en montrer les contenus. Pourtant Monsieur Somain a passé sa vie dans la diplomatie et a parcouru la planète. Il doit avoir des choses à raconter.
«Parler de moi, de ce que je ressens, de ce que je pense, ne m’intéresse pas outre mesure. Je me connais, je sais qui je suis, ce que je suis, je n’ai aucun besoin d’en couvrir des pages. Je me sers de ma vie, de ce que j’ai vécu, de ce que j’ai entendu, comme matière brute.» (p.27)
Il a aussi la mauvaise habitude de multiplier les comparaisons pour illustrer son propos, d’affirmer des choses étonnantes et à peu près son contraire.
«Je ne pense pas qu’on lise les grands chefs-d’œuvre pour leur écriture (tant mieux s’ils sont bien écrits !), mais pour ce que les auteurs disent.» (p.63)
Un grand auteur, c’est quand même un style. Creusons un peu.
«Quand on lit les ouvrages des grands écrivains, on a l’impression de toucher l’auteur. Ce qu’il y a au cœur d’un style, c’est la personnalité de l’auteur.» (p.64)
Et alors? 

Élagage  

L’ouvrage aurait eu avantage à être élagué. Jean-François Somain, né Somcynsky, après avoir publié une cinquantaine d’ouvrages ignore la sobriété. «La visite de l’atelier» nous laisse sur notre faim. L’homme présente un côté cérébral et distant qui peut en rebuter plusieurs. Nous avons l’impression d’être demeuré sur le perron de la demeure de cet écrivain prolifique. 

«La visite de l’atelier» de Jean-François Somain est édité aux Éditions Trois-Pistoles. 

Carmel Dumas ne réussit pas à convaincre

Tous en conviennent. «L’Osstid’show» a été un point tournant dans la musique et la façon de présenter un spectacle au Québec.
Bruno Roy dans «L’Ossstidcho ou le désordre libérateur», un essai fort bien documenté, le démontre parfaitement. Malgré une graphie différente, les deux auteurs parlent du même événement.
Carmel Dumas remonte au temps des boîtes à chansons pour plonger dans les spectacles multidisciplinaires, se permet des incursions côté cinéma, des médias, du théâtre et des arts visuels, tentant d’établir des liens avec ce qui se vit en Californie et en France. Une démarche globale et particulièrement ambitieuse.

Années folles

Au début des années 60, les frontières deviennent des passoires et la jeunesse du monde apprécie les mêmes musiques et cultive les mêmes révoltes. Le Québec vit alors des moments d’effervescence. Les compositeurs et les interprètes sont bousculés par les Beatles, les Doors, Frank Zappa et Bob Dylan. Les murs des boîtes à chansons ne peuvent supporter autant de décibels.
«C’est à cette heure magique, qui ne sonne qu’à des moments très distanciés dans l’Histoire, que remonte l’origine de L’Osstid’show, un des récits préférés d’un Québec entre chien et loup, un brin nostalgique de ses années lumineuses d’aventure et de conquête. L’histoire tourne autour d’une explosion artistique extraordinaire, provoquée par l’effet combiné des bombes posées par le Front de libération du Québec et des pétards circulant au hasard de la bohème psychédélique.» (p.7)

Spectacle unique

Carmel Dumas s’attarde auprès du noyau qui a donné «L’Osstid’show»: Mouffe et Louise Forestier, Robert Charlebois et Yvon Deschamps, mais c’est l’ensemble de la vie artistique de Montréal qu’elle tente de décrire à grands traits.
Autant le dire, j’ai souvent pris plus de plaisir à m’attarder aux photographies qu’au texte. Parce que quand Carmel Dumas s’excite quand elle cherche à décrire le réveil du Québec. Ses envolées font sourire.
«Montréal est une fille de port aux sangs mêlés dont les princes des églises, les rois de la finance, l’aristocratie des arts et lettres et les mandarins politiques se disputent férocement le lit. C’est flatteur, elle ne le nie pas. Elle adore qu’on la courtise et qu’on la complimente, que l’on accourt en grand nombre à ses fêtes et que l’on rêve des impossibles rêves en regardant virevolter ses jupons aux volants multicolores, taillés à même les oripeaux de ses éclectiques amants dont elle protège jalousement la parcelle d’âme qu’elle leur a dérobée durant leurs étreintes.» (p.46)
Plus de sobriété aurait mieux servi son propos. Peut-être aussi que son «point de vue global» était un pari impossible à tenir. J’y reviens, cette manière de dire donne l’impression que l’auteure écrit en apnée.
«À sa mort, (Maurice Duplessis) même s’il tenait encore la majorité des enfants de la belle province d’une poigne solide, le Chef avait presque totalement perdu le contrôle de Montréal. Elle se moquait ouvertement des conventions, faisant les poches aux hommes d’affaires anglophones et s’envoyant en l’air avec les Parisiens anarchistes, ces excentriques en rouge et en noir qui s’étaient amenés en même temps que la télévision, chantant à tue-tête « La mauvaise réputation » et « Le gorille » de Georges Brassens.» (p.48)
«Montréal show chaud», avec ses raccourcis et ses clichés, s’avère le document brouillon d’une groupie qui n’a pas su garder ses distances pour démêler les fils d’une époque pas comme les autres.

«Montréal show chaud» de Carmel Dumas est paru aux Éditions Fides.

dimanche 9 août 2009

Janik Tremblay cherche le bonheur

Un bloc appartement, rue Fabre à Montréal, tout près du monde tant de fois décrit par Michel Tremblay. Tout débute le 6 décembre 1988 avec le drame de Polytechnique. Vincent y étudie avec son ami Émile. La vie est pleine d’espérances et il y a l’arrivée de ce tireur fou.
«Il repensait souvent à cette douloureuse année. Toutes les soirées pendant lesquelles, avec Vincent et les autres, ils s’étaient remémoré les événements du fatidique 6 décembre. Combien de nuits blanches? Les bouteilles de bières vides, les mégots débordant des cendriers. Une odeur de taverne régnait dans l’appartement d’Émile. Pourquoi n’avaient-ils rien fait? Les filles à gauche, les garçons à droite. Trop peu de temps pour apprivoiser une arme si monstrueuse. À peine quelques secondes pour affronter un regard plein de haine et de colère. Un regard si menaçant. Pourquoi avaient-ils silencieusement obéi quand le tueur leur avait ordonné de quitter la classe?» (p.13)
Vincent se sent coupable et lâche. Pourquoi n’est-il pas intervenu pour tenter d’empêcher le massacre? Il se suicide le 6 décembre 1992, quatre ans plus tard, n’arrivant plus à trouver une direction à son existence.

La vie

Si certains des six locataires de l’édifice de la rue Fabre semblent doués pour le bonheur, d’autres se heurtent à des murs. Comment continuer à respirer quand le pire frappe autour de soi? 
«Le mieux, c’est de ne rien dire, mais d’être là, assura Philippe. Les mots ne réconfortent jamais, ce ne sont que des bruits. Le silence est plus efficace. » Ils regardèrent Philippe. L’image de Vincent s’infiltra entre eux. Aucun commentaire ne fut émis. Le taxi de Rodolphe s’immobilisa devant le dépanneur. Rodolphe sortit rapidement de sa voiture et revint s’asseoir. «Elle m’émeut, cette petite, toujours des ressources pour affronter les pires malheurs.» Ébahi, Jean-Charles regarda Béa: «Tu crois vraiment que l’amour est la solution à tout?» «On prête trop de bonnes intentions à l’amour», dit Roxanne. «L’amour, ce n’est jamais suffisant», affirma Philippe.» (p.165)
Marie quitte Pierre qui sombre dans l’alcool. Jeanne emménage avec l’amour tout neuf de Nicolas. Étienne se remet mal du suicide de son ami Vincent. Lola travaille avec Médecins sans frontières pour ne pas affronter directement peut-être la perte de son frère. Et Madame Edouard retrouve, cinquante ans plus tard, son premier amoureux. La vie est pleine de ressources, têtue comme du chiendent, poussant tout le monde en avant.
«La fatalité nous surprend sans que nous y soyons préparés. Arriver au dépanneur à seize heures. Pourquoi pas à quinze heures? Des bougies reliées à la fatalité. La vie quelle ordure», ruminait Lola.» (p.155)
Comme chez Paul Auster, le hasard multiplie les coups fourrés. Il suffit d’une minute et pour que tout bascule.
Hymne à la vie

Janik Tremblay suit des personnages plus attachants les uns que les autres, des vivants et des battants. Malgré les embûches de l’existence, ils finissent par triompher des plus terribles épreuves. Solidaires, les locataires de l’édifice à logements forment une famille qui partage tout dans le bonheur comme dans les pires épreuves. C’est vivant, touffu, émouvant par moments.
Janik Tremblay, comme dans ses romans précédents, est attentive aux gestes du quotidien, aux émotions qui font les grands et les petits bonheurs. Le lecteur en sort remué, plus confiant, accompagné par une musique qui marque les ouvrages de cette écrivaine. Un bel hymne à la vie qui prend plaisir à éprouver ceux qu’elle aime.

«Le bonheur est assis sur un banc et il attend» de Janik Tremblay est paru aux Éditions Stanké.

lundi 3 août 2009

Patrice Martin s’amuse avec le lecteur

Peut-être que les écrivains ne peuvent que s’appuyer sur leurs prédécesseurs pour créer leur propre oeuvre. La littérature nourrit la littérature et l’ensemble des livres constitue une longue chaîne. Habituellement, un auteur fait tout pour masquer ses influences, se présentant comme l’enfant qui vient de naître.

Patrice Martin, dans «Le chapeau de Kafka», met cartes sur table à propos de l’auteur de «La métamorphose» et du «Procès». Assez pour nous plonger dans une histoire étrange, parfaitement logique et absurde, un univers que ne nierait pas Samuel Beckett. Les personnages dialoguent sans se comprendre, prisonniers de codes et de leurs fonctions. Martin évoque la bêtise du fonctionnarisme et une société qui s’en tient à des règles abstraites et inhumaines.

Mission

P. (Patrice Martin peut-être) reçoit une mission. Il doit aller chercher un chapeau ayant appartenu à l’écrivain tchèque dans un édifice de New York, récupérer le couvre-chef et le ramener à son patron. Ce qui devait s’avérer une simple promenade déraille. Coincé dans un ascenseur, P. réussit à en sortir après un dialogue digne de «En Attendant Godot» avec les préposés à l’entretien, tombe sur un gardien d’entrepôt qui vient de mourir. Craignant d’être accusé de meurtre, il décide de cacher le corps dans une valise où il déniche un manuscrit. Il y est question de Paul Auster, Italo Calvino et Jorge Luis Borges.
Les événements font le larron, dit l’adage. P. décide de voler le chapeau pour demander une rançon, se retrouve encore une fois coincé dans l’ascenseur avec une femme dont il tombe amoureux.
«En effet, s’il n’avait pas été coincé à cet étage précis, il n’aurait pas cogné à la porte de la salle des valises. S’il n’avait pas trouvé, puis caché le corps du garde de sécurité, il n’aurait sans doute pas été là au moment où la caisse de chapeaux arrivait dans la salle. S’il n’avait pas conclu sa seule option véritable était de voler le chapeau et, afin de ne pas déclencher l’alarme, de monter de nouveau dans l’ascenseur, il ne serait pas en présence de cette jolie femme qui porte présentement la preuve à conviction de sa culpabilité sur sa tête. » (p.65)
Une partie de l’intrigue tourne autour de cet ascenseur imprévisible qui provoque les situations les plus étranges. Il peut même devenir dangereux en chutant de plusieurs étages.
«L’action mène à la connaissance, qui pousse à l’action, qui mène à la connaissance, qui pousse à l’action, etc. P. est venu accomplir quelque chose de précis dans cet édifice, mais ce qu’il y a appris le pousse à faire autre chose. Ce tango interminable entre action et connaissance, connu sous le nom de dialectique, fait la force et le malheur de l’humain en même temps qu’il le distingue des bêtes.» (p.32)

Puzzle

Peu à peu les morceaux du puzzle s’imbriquent. Patrice Martin nous entraîne dans un suspense où le hasard provoque les pires situations. Paul Auster s’avance dans l’ombre et c’est lui que l’auteur tente d’approcher.
«Max relate alors comment Auster raconte que Kafka invente une histoire pour une petite fille qui a perdu sa poupée. Il explique que son roman à lui tourne autour du chapeau de Kafka et de la ville de New York. Or comme, de toute évidence, un des plus grands romanciers new-yorkais de l’heure est un fan de Kafka, il a pensé qu’il serait peut-être intéressé à lire son manuscrit et, pourquoi pas, à en signer la préface.» (p.91)
De véritables poupées gigognes qui s’emboîtent et font glisser dans des univers étranges. Un texte brillant, un peu compliqué, mais jamais le lecteur ne perd le fil. On apprécie les clins d’œil et les entourloupettes, les surprises et les dialogues particulièrement absurdes. Ceux qui fréquentent Borges, Auster et Calvino apprécieront.
Patrice Martin s’amuse à paraphraser ses auteurs favoris sans faire une fausse note. Un travail original, une surprise et un plaisir d’esthète. La littérature québécoise ne nous a pas habitué à ce genre de récit.

«Le chapeau de Kafka» de Patrice Martin est paru chez XYZ Éditeur.
http://www.editionsxyz.com/catalogue/516.html

mercredi 22 juillet 2009

Yves Dupéré écrit un thriller historique

Yves Dupéré signe un troisième roman qui nous plonge dans la période qui précède la déclaration d’indépendance des États-Unis en 1783. «Un vent de révolte» est certainement le meilleur roman historique que j’ai lu depuis longtemps.
L’auteur nous transporte à Philadelphie, Paris, Québec, Montréal, Boston, Nantes et Versailles. Des bonds dans l’espace qui oscillent entre avril 1775 et septembre 1783, le temps de suivre des personnages réels et imaginaires qui décident de l’aventure américaine. Les Bostonnais ne décolèrent pas devant les mesures imposées, par le roi Georges III d’Angleterre, qui étouffent les ambitions commerciales de la colonie. Plusieurs escarmouches éclatent ici et là, dont le «Boston Tea Party».
«Dès que la nouvelle arrive en Amérique, l’indignation est générale chez les commerçants qui encouragent le boycott du thé. Des bateaux de la Compagnie des Indes orientales chargés de thé se rendent dans différents ports coloniaux. À New York, les navires sont obligés de faire demi-tour en raison de l’hostilité de la population. À Boston, cinquante hommes déguisés en Amérindiens se glissent à l’intérieur de trois bateaux dans la nuit du 16 décembre 1773 et jettent par-dessus bord trois cent quarante caisses de thé. C’est le Boston Tea Party.» (p.14)
Les révoltés entendent bien voler de leurs propres ailes malgré les embûches et la répression. L’affrontement armé devient inévitable.

Défaite de 1760

Pendant ce temps au Canada, nul n’a oublié la défaite de 1760. Plusieurs sont retournés en France plutôt que de subir le joug anglais. La famille de François Hébert de Courvais, les héros de «Quand tombe le lys», a vécu la fin du régime français et été durement éprouvée. Alexandre, le frère de François, est mort en héros sur les plaines d’Abraham. Sa sœur Catherine a été violée et tuée par les habits rouges. Jean et Alice étaient des enfants lors de ces événements.
Jean voit dans la révolution américaine une chance de refaire sa vie. Criblé de dettes, il doit fuir la France. Alice travaille comme espionne à Philadelphie, usant de ses charmes pour connaître les décisions du Congrès et les intentions des rebelles.
«Comme espionne du roi, elle avait misé énormément sur ces atouts afin de s’élever et enfin devenir l’un des meilleurs agents de Louis XVI. Par sa beauté, sa grâce et son charisme, elle avait réussi à ensorceler plusieurs hommes. Henry, un médecin de Philadelphie et espion pour le compte de l’Angleterre, était le dernier de sa liste et il venait de payer le prix de ses manœuvres.» (p.20)
Plusieurs francophones du Canada voient dans le soulèvement des Américains la chance de prendre leur revanche et de bouter l’Anglais hors du pays, même si le clergé et la petite bourgeoisie restent fidèles à la couronne britannique. Une première invasion des Américains en décembre 1775 échoue. Les Canadiens sont déçus par l’attitude hautaine et méprisante des envahisseurs. Ils ne laissent guère de bons souvenirs dans la population de Montréal et une seconde tentative reste à l’état de rumeur.
Alice et Jean vivent le grand rêve de conquérir le Canada pour affaiblir l’Angleterre et rétablir l’hégémonie de la France. Ils deviennent les yeux et les oreilles de Louis XVI et du général Washington dans la colonie du Nord. Dans la clandestinité, ils subissent la répression impitoyable du colonel Stephen Downer, un tortionnaire. Ils risquent leur vie pendant que le roi de France ne joue pas franc jeu, n’ayant nullement l’intention de reconquérir le Canada. La fin du roman est particulièrement émouvante.

Un thriller

Yves Dupéré fait intervenir des personnages comme Georges Washington ou Benjamin Franklin avec justesse. Des intrigues amoureuses, des trahisons et des rebondissements inattendus tiennent le lecteur en haleine. Il ne peut que s’attacher à Alice et Jean, des héros modernes et fascinants.
L’écriture sans artifices va droit au but cette fois. Un véritable thriller. Une belle manière de présenter une période trouble de ce passé dont on ne parle guère dans les institutions scolaires.

«Un vent de révolte» d’Yves Dupéré est publié aux Éditions JCL.