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vendredi 7 octobre 2005

«Un lac, un fjord, un fleuve» continue sa route

«Un lac, un fjord, un fleuve» prend un nouvel élan. La onzième parution du collectif de l'Association professionnelle des écrivains de la Sagamie vient de paraître. Un douzième numéro en fait puisque l'an dernier, le collectif faisait l'objet d'un numéro spécifique de «XYZ, La revue de la nouvelle».
Le directeur de cette publication, Yvon Leblond, a demandé aux participants de se questionner sur le «Mensonge». Mensonge dans sa façon d'être, ses réflexions, sa sexualité, ses écrits, l'image que l'on a de soi ou de regarder l'autre. Seize écrivains ont répondu à l'appel.
Il est toujours fascinant de suivre les méandres que les auteurs empruntent quand on leur impose une contrainte. Certains ont toujours du mal à respecter la direction et ils effleurent le sujet, le traitent d'une manière symbolique ou du bout des doigts.  Que ce soit à la manière de Gil Bluteau qui élabore une vie paradisiaque dans la tête de son personnage, Maurice Cadet qui bouscule des tabous pour secouer la réalité ou Pierre Gobeil qui mesure la distance entre Liam, un auteur et l'écrivain Paul Villeneuve, tous jouent le jeu.
Bien sûr, certains textes manquent de tonus. C'est inévitable dans ce genre d'aventure mais, encore une fois, le mieux l'emporte sur les clichés. Marité Villeneuve est particulièrement émouvante dans «Un bouquet de mensonges».
«Le mensonge dans cette histoire est celui de mon silence, de mon incapacité de dire à la dame que ma nudité était un choix, que l'absence de pyjama était délibérée. C'est une malhonnêteté qui a changé ma vie pour toujours, une imposture aussi bien intentionnée que le geste de charité de ma visiteuse anonyme.» (p.20)
Voilà la duperie de Robert Dôle qui participe à ce collectif depuis plusieurs années et qui mélange l'autofiction à la nouvelle.
À noter que les responsables ont eu la bonne idée de joindre les textes des deux lauréates du prix littéraire Damase-Potvin, soit Audrey Lévesque avec «Vert de Chine» et Geneviève Tremblay «La femme d'à côté».

Hommage

Les  éditeurs, en guise d'hommage, ont regroupé six textes de Jean-Alain Tremblay qui a participé aux numéros antérieurs de cette publication. Des textes que l'auteur de «La grande chamaille» a écrit entre 1994 et 2004. Des nouvelles qui permettent de passer de l'enfance de l'écrivain né à Alma au dernier passage. «Souvenirs de Naudville» décrit le petit garçon face aux deux versants du monde, soit la ville anglophone des propriétaires de l'usine et le quartier des ouvriers où sa famille habite. Les mondes qui s'opposent dans «La nuit des Perséides», son roman la plus connu.
Au cours de ces dix années, l'écrivain est passé de son enfance à la nouvelle ultime, celle qu'il signait l'an dernier. «Les voies de Dieu», curieusement, nous plonge dans la mort.
«Aussi bien vous le dire tout de suite au cas où il vous viendrait l'idée de mourir: l'éclatante lumière au bout du tunnel n'est rien d'autre que le premier lampadaire de l'autoroute menant au paradis. Je le sais, je viens de m'y engager.» (p.153)
Un texte qui prend un sens différent avec son décès. Des nouvelles qui permettent de savourer l'élégance et l'écriture de Jean-Alain Tremblay. Une belle manière de saluer le président de l'Association professionnelle des écrivains de la Sagamie qui a eu la malencontreuse idée de partir trop jeune en juin dernier.

«Un lac, un fjord, un fleuve XI» Collectif de l'Association professionnelle des écrivains de la Sagamie est paru aux Éditions SM.

jeudi 1 septembre 2005

Alain Gagnon reste fidèle à la poésie

Alain Gagnon, même s’il est surtout connu comme romancier, est demeuré fidèle à la poésie depuis son entrée en littérature en 1970. Ici et là, des poèmes jalonnent son parcours, offrent des temps d’arrêt où le manieur de mots devient méditatif devant les élans du monde et les dérives du temps. Il récidive avec «L’espace de la musique» qui vient de paraître chez Triptyque, une maison d’édition où cet écrivain migrateur a trouvé refuge depuis quelques années.

Cette suite poétique confronte le temps, la succession des saisons mais surtout les espaces limitrophes, ces «marches» où tout peut survenir. Il existe des lieux, des pays frontaliers qui ont connu tous les envahissements au cours de l’histoire, des horizons qui permettent de rêver l’ailleurs, des entre saisons qui creusent des lézardes dans l’espace. Alors la pensée peut saisir «les territoires de la musique» pour celui qui s’attarde.
«Je salue l’air, et je salue ce vent qui porte les voix et les miséricordes de la musique. Devant moi cette lucarne prolonge la page et l’ouvre par les souffles du suroît sur la frontière des marches». (p.17)

Le promeneur

Alain Gagnon marche à la ville, longe les mers et des fleuves, fige à la frontière des rivages, là ou les grandes marées modèlent le visage des continents, là où la terre se laisse troubler. Il y a ces horizons aussi, la lisière floue des forêts au moment où le gel colle au sol, les premières neiges qui valsent entre l’hiver et l’automne comme si elles dansaient sur un fil.
Ces lieux, ces moments interpellent les humains. Ils soufflent, rattrapent des morceaux de vie, tentent de s’ancrer plus profondément dans le temps. Parce que tout est musique, tout est espace, tout est mouvement en soi et aux alentours. La vie n’est qu’un intervalle que l’on sillonne en aveugle.
«Sur le chemin de traverse de la campagne la plus déserte, au bout de cette piste solitaire qui se heurte à une futaie de givre, une grive déroule son chant que le soir accroît». (p.34)
Le marcheur va d’une saison à une saison, se laisse interpeller, cueillant ici et là des impressions, des images qui évoquent Walt Witmann qui savait si bien se perdre en de longues rêveries lors de ses promenades solitaires.
«Et voici que la sterne immobile, ailes battantes, m’interpelle… » (p.51)
Des incantations, des poèmes denses, aux effluves bibliques, de mer, de chaume qui fume dans les matins d’octobre ou qui craquent quand le froid s’installe et frotte la neige. Le poète a le temps alors de remuer les mots qui griffent le blanc de la page, de s’étourdir sur les empreintes de l’hiver qui révèlent la vie sauvage.
Alain Gagnon rêve des strates de la terre, dénoue les couches du temps, se laisse appeler par les pierres et les arbres, la mer et les oiseaux, ces perceurs de frontières. Il devient frère de Guillevic, maître du mot, magicien qui sait par une image ouvrir une galaxie et trouer l’espace.
Alain Gagnon reste poète malgré ses nombreuses escapades dans le roman. Comme si la poésie était un feu de forge qui couve, garde les mots au chaud, laissant entendre «une petite musique de nuit» à la Wolfgang Amadeus Mozart. Un pur plaisir.

«L’espace de la musique» d’Alain Gagnon est paru aux Éditions Triptyque

lundi 15 août 2005

Un témoignage particulièrement émouvant

Il faut avoir vécu le départ d’un proche pour comprendre le récit de Pierre Monette. L’écrivain plonge dans le plus intime, le plus personnel en s’attardant aux derniers jours de sa compagne atteinte d’un cancer incurable. Il raconte au jour le jour, observe, décrit, exprime ce qu’il vit et ce que cette femme éprouve face à l’inéluctable. Du moment où ils apprennent la terrible nouvelle jusqu’au dernier souffle. Un témoignage extraordinaire par sa simplicité et sa grandeur. Il faut une franchise et, peut-être, aimer tout simplement pour en parler de cette façon.
 Peut-être aussi que l’écrivain n’arrive à vivre le pire qu’en se faisant porteur de mots.
«Je vais peut-être me décider à mettre en forme les notes que j’ai prises depuis le mois de septembre : afin de revivre ces événements une fois pour toutes, de tourner la page – parce qu’il n’y a que dans un livre qu’on peut vraiment tourner la page sur quelque chose.» (p.204)

Accompagnement

Monette observe les derniers jours de Diane tout en restant attentif à ses propres émotions. La vie de sa femme est aspirée par un trou noir qui broie son corps, mélange ses idées et lui vole sa lucidité par moments. Les gestes prennent une autre importance, ceux que l’on pose peut-être pour la dernière fois. Mais il y a ces petits plaisirs, l’amour, la musique, les objets accumulés au cours des années et les chats. Il serait facile de basculer dans le sentimentalisme et les larmes. Monette évite le piège.
«Mais, en regardant Diane manger avec appétit, profitant à plein de l’instant, les larmes me sont venues aux yeux : c’était sans doute notre dernier souper à cet endroit. Je suis tout de même parvenu à ravaler ma tristesse ; c’est justement parce que c’était peut-être la dernière fois qu’il ne fallait la gâcher d’aucune façon.» (p.51)

Effervescence

Il y a tant de choses à prévoir, le testament et les funérailles. Un dernier voyage à Martha’s Vineyard. L’adieu à la mer et aux amis. Une frénésie folle avant le départ pour les soins palliatifs. La douleur de Pierre Monette aussi devant ce moment ultime et la fatigue immense qui s’accumule avec les jours. Tout devient si difficile quand le corps n’est plus certain. Le bain, se mettre au lit et manger. Tout exige un effort incroyable. Que dire? Un récit que l’on termine les larmes aux yeux.
«Elle a pris une courte inspiration qui a été suivie par un log moment de silence. J’ai pris sa main dans la mienne; son bras s’est replié en attirant ma main conne sa poitrine. Quelque chose au fond d’elle, qui venait de si loin que ce n’était déjà presque plus là, que ce n’était même plus un reste de conscience, m’a reconnu. Ce n’était pas elle: c’était sa peau qui se souvenait de la mienne; c’était la matière dont elle était faite qui reconnaissait la vibration de la matière dont je suis fait. Ce n’était déjà plus la vie; c’était la matière seule qui parlait, et cette matière se souvenait de ce qui la mariait à la mienne, et cette matière m’a reconnu, cette matière m’a attendu.» (p.193)
À petits coups de pinceau, l’auteur esquisse un portrait inoubliable de cette Diane admirable qui trouve le moyen de rire même quand son corps se déforme. Elle fait face sans rechigner, sans éclat malgré les hésitations et les peurs. Un témoignage d’une remarquable justesse.

«Dernier automne» de Pierre Monette est paru aux Éditions du Boréal.

dimanche 14 août 2005

Mélanie Saint-Laurent ou la mort du texte


Yves Boisvert, avec sa complice Dyane Gagnon, offre une suite à «La pensée niaiseuse», un livre «à peu près impossible à lire», écrivais-je dans une mouture antérieure de «Lettres québécoises».
Une vingtaine de personnes ont accepté «de taper» des textes de Boisvert sur des dactylos différentes. Des anciennes comme des plus modernes. L’événement n’est pas sans rappeler une performance musicale de Raoul Duguay, il y a des décennies, dans le métro de Montréal. Ce cliquetis collectif s’est tenu dans la bonne humeur, à Sherbrooke, n’en doutons pas.
L’aventure donne une topographie et un aspect particuliers pour chacun des textes. L’unité du livre est continuellement cassée et chacun des poèmes s’impose par sa provenance ou sa source mécanique. Voilà la première partie de «Mélanie Saint-Laurent». Une présentation, toujours en page de gauche, respecte le travail initial, corrections et ratures comprises et suggère la naissance du texte.

Épopée


Le lecteur est convié à plonger dans l’étrange épopée de Mélanie Saint-Laurent, à rencontrer sa mère et ses pères successifs qui n’ont pas que des attentions paternelles. Deux amis également. Cinquante textes environ, des poèmes inégaux, des éclats intéressants, mais le plus souvent insignifiants. Avec en plus, une glose qui nous expulse du texte à chaque détour. Une lecture toujours à recommencer. Comme à la télévision avec ses couperets publicitaires.
«Son dentier lui décolle systématiquement des gencives
Quéclaque quéclaque quéclaque
À quoi je lui grogne de la répugnance
L’homme se gratte la gerçure avec un coupe-ongle
J’aspire donc à lui ramener la nuque au menton.»

Au centre, un texte plus soutenu où Mélanie règle ses comptes. Encore là, les fioritures font de cette prose une course à obstacles. La glose ferme la traversée.
Yves Boisvert ne semble plus croire à l’écriture et il se noie dans l’artifice depuis un bon moment. On peut glaner, s’amuser ici et là dans «Mélanie Saint-Laurent» mais autant renoncer à toute lecture. Peut-être est-ce là ce que recherche l’auteur… Dérouter le lecteur, le malmener et l’empêcher de vivre l’expérience de la lecture? Un gros livre indigeste même si, visuellement, il demeure attirant. Mais suffit-il à un livre d’être un bel objet? Allons-nous vers des formes ou nous parlerons d’objets à caractère littéraire? Bien sûr, il s’agit d’un livre d’art mais faut-il pour autant en évacuer le sens? Étrange entreprise…

«Mélanie Saint-Laurent» d’Yves Boisvert et Dyane Gagnon a été publié aux Éditions d’art Le Sabord, collection Carré magique.

jeudi 23 juin 2005

Louis Lefebvre a écrit un roman troublant

Tout vient de la «Maestà» de Duccio di Buoninsegna», un peintre italien qui a réalisé ce tableau vers 1308. La madone, des anges et un étourdi qui tourne la tête et regarde ailleurs. Il brise l’ensemble et les forces du tableau. Pourquoi cette exception?
«Un ange détonnait sur le côté gauche du tableau, avec sa peau foncée, son regard perdu ailleurs et son expression triste. Jean-François se fraya doucement un chemin dans le troupeau de Japonais et vint se placer devant l’ange. Voir l’image en miroir est parfaite, pensa-t-il. Chaque personnage de 1300 a son double de 1980. Cet ange, c’est moi. Les cicatrices d’acnés en moins, on n’est pas ange pour rien.» (p.36)
Une volonté du peintre qui veut «s’imposer dans sa toile» et y laisser une touche personnelle? Un autre impératif... Le roman tourne autour «des distraits», de ceux qui regardent ailleurs et modifient un ensemble. Ceux et celles qui se perdent dans une quête artistique ou la violence aveugle du terrorisme. Comment savoir? La différence et l’originalité viennent d’où?
Attendez! Le roman de Louis Lefebvre n’est pas une réflexion sur l’art. Nous plongeons rapidement dans une histoire solide et fascinante.

Recherche

Jean-François Beaupré, généticien donne une conférence à Bologne et prend la clef des champs. Il se perd dans l’Italie, tente de retracer une femme qui a écrit à son père pendant des années. Un homme secret qui séjournait une fois l’an en Italie pour son commerce supposément. Le fils a hérité des lettres de Franca. Une manière de recoller des morceaux de ce passé qui lui a toujours échappé.
Il tente de découvrir «la face cachée» de son père, va de clinique en clinique, cherche cette mystérieuse Franca qui écrivait de si belles lettres, croise Nathalie, la petite amie de Sébastien qui est interné pour cause de démence. Overdose de culture. Il semble que ce soit possible.
«- Je sais, mais Sébastien, il pousse toujours tout trop loin. Pas surprenant qu’il ait été un syndrome de Stendhal. Il n’est pas capable de regarder trois peintures en ligne sans chercher leur point commun ou trouver la fracture entre elles, comme il dit. Il y a des livres pour ça, on n’est pas obligé de tout réinventer soi-même.» (p.88)
Jean-François rêve de changer le monde avec Sébastien. Une volonté de tout enfermer dans des faits mesurables et quantifiables quand tout se transforme selon les pulsions du corps ou d’un gène rebelle. Les humains échappent à toutes les règles. Ils sont belliqueux, hargneux, impulsifs et grégaires à outrance. Ils sont l’accident et le hasard dans l’émergence de la vie.

La vie

Ce beau roman d’atmosphères nous plonge dans une Italie grouillante et rebelle, dans sa beauté, sa vitalité et sa folie. Une histoire d’amour qui rate, une quête qui n’aboutit à rien. Peut-être est-ce le lot des humains de passer à côté de tout.
Un roman intelligent qui bouscule nos références et nos manières de voir. Les lecteurs, les vrais, ne se lassent jamais de ces questions qui permettent de s’inventer une histoire.

«Le troisième ange à gauche» de Louis Lefebvre est paru aux Éditions du Boréal.

jeudi 2 juin 2005

Francine Noël rend hommage à sa mère


«Maryse» et «Myriam première» de Francine Noël sont de véritables fresques. «La conjuration des bâtards», un roman unique dans la géographie littéraire québécoise, n’a pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Les esprits chagrins, qui cherchent la grande oeuvre du Québec, devraient lire cet ouvrage paru en 1999. Un souffle qui questionne la crise de civilisation qui marque les années 2000. Un roman actuel, d’une richesse et d’un foisonnement que peu d’écrivains d’ici ont atteint.

Francine Noël vient de publier «La femme de ma vie», un récit. Au début, on se croirait devant une aquarelle. Des points de repère, une image floue qui devient un portrait de plus en plus précis même s'il reste toujours des coins d'ombre dans ce genre d’écrit.
Francine Noël a eu une mère-célibataire avant que le mot ne devienne familier. Jeanne Pelletier s'est occupée seule de sa fille, a dû gagner sa vie avec une énergie et une volonté remarquables, incapable qu’elle était de compter sur son Paul.
«Officiellement, il habitait avec nous, mais il pouvait s'absenter pendant des semaines. Sans donner de raison. Il parlait peu. Il dormait le jour, et la nuit, il stagnait dans la cuisine devant une tasse de café et une pile de «rouleuses». C'est l'image la plus claire que j'ai de lui. Quand je me levais pour lire, il était là, immobile et silencieux. Rassurant, en un sens.» (p.17)
Une famille pas comme les autres, réduite à une mère besogneuse qui a sa vie, ses secrets et ses passions. Il y a bien la famille élargie, celle qu’elle voit peu et qui habite le pays mythique de Cacouna. Naturellement, l'écrivaine éventre des secrets, ouvre des armoires. C’est le propre et l’exigence du récit.
«Elle avait une voix de soprano léger, agréable mais sans puissance, au registre peu étendu, pas assez pour chanter la plupart des airs d'opéra, ce qu'elle regrettait au point d'en être mortifiée. Elle interprétait tout avec fougue et aimait le mode majeur et les accords vibrants. Elle jouait pour elle-même, par plaisir, pour se perdre. Immobile sur le divan, je laissais sa musique déferler sur moi et me pénétrer.» (p.21)

L'enfant

La petite fille devient adolescente et fouine du côté Pelletier de Cacouna que Jeanne décrit en dissimulant de grands pans de son histoire. Le grand-père Horace commerçait l'alcool et les oncles buvaient à en crever. Des hommes violents, têtus qui échappaient à toutes les règles. Le lecteur accompagne la fille dans sa quête de vérité et d’identité.
«Mais ce qu'elle m'a légué de plus fort, c'est le verbe. J'ai attrapé son amour des histoires. Enfant, j'ai vécu dans les siennes et elles ne m'ont jamais quittée. Je connais des tas de gens dont l'enfance est un trou noir ou une série de secrets non compensés par un roman familial consistant. J'ai pu m'arrimer à celui que ma mère m'a façonné car il était riche.» (p. 162)
Un récit émouvant qui nous décrit une femme qui a emprunté des sentiers peu connus et qui a marqué profondément l'écrivaine qu'est Francine Noël.
Peut-être aussi qu'à la lecture de «La femme de ma vie», on comprend pourquoi Mme Noël s'attache, dans ses romans, aux tribus. Peut-être qu'elle a inventé la famille qu'elle n'a jamais eue avec les mots. En tentant de cerner le visage de sa mère, ce sont de grands espaces de sa vie qu'elle esquisse.
Une narration d'une franchise remarquable, une écriture ajustée au quart de tour, un récit sobre qui donne un éclairage nouveau à une oeuvre romanesque imposante qui a secoué nombre de lecteurs au Québec.

«La femme de ma vie» de Francine Noël est paru aux Éditions Leméac.