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mardi 14 août 2001

Le retour du «je» de Claude Péloquin

Claude Péloquin reprend dans «Une plongée dans mon essentiel» un texte paru en 1985 chez Guernica. Les Éditions Varia ont cru bon rééditer l'ouvrage et d'y ajouter quelques inédits. Péloquin tentait dans ce récit autobiographique de cerner ce qui le faisait courir un peu partout en ameutant les foules. Il livrait son art poétique ou sa vision de l'écriture.
Péloquin a choisi un cheminement proche de celui de Kérouac ou de Burroughs. Ces excessifs cherchaient la «sagesse» en se livrant à tous les excès et à tous les dérèglements. Péloquin a bu, couru, baisé tout ce qui portait jupon. Du moins c'est ce qu'il affirme avec une insistance un peu suspecte. Mégalomane, provocateur, ridicule ou flirtant avec la sainteté, il tire sur tout ce qui bouge, gifle et harangue ses contemporains.
Kérouac transformé en loque humaine à peine capable de balbutier devant les caméras décédait très jeune. Serge Gainsbourg a donné aussi cette représentation lamentable dans les dernières années de sa vie. Péloquin a eu la sagesse de se retirer à Eleuthera, une île des Bahamas, pour se refaire une santé. Parce que, peu importe les facéties du «pourfendeur de la mort», la vie demeure fragile et tributaire du temps. On n'abuse pas d'elle sans en payer le prix.
Son écriture témoigne aussi de ces excès parce que Péloquin emprunte toutes les directions, donne un texte qui tient à la fois de la réflexion philosophique, de l'autobiographie, du témoignage, du questionnement ontologique et de la méditation mystique. Pourtant la réflexion tourne souvent aux formules, aux bravades et aux images qui sonnent comme des slogans publicitaires. Jouant les grands initiés, il effleure la réflexion et n'affronte jamais la pensée.

Angoisse

Péloquin livre surtout son angoisse de vivant confronté à la mort. Il y a bien ici et là des éclats qui vous arrêtent mais peut-il en être autrement quand on écrit comme un Rambo qui fonce dans un centre commercial en visant tout ce qui bouge.
«Au Canada français depuis 1963- on a tenté de saboter mon oeuvre en disant que j'étais farfelu / fou / drogué et anti-national. J'ai donc conclu que j'étais effectivement international et visionnaire. Quelques rares esprits ont cependant vu clair - je les en remercie. C'est cette belle certitude que nous nous en allons tous allègrement dans la tombe qui m'a fait consacrer toute ma vie à ouvrir le possible par l'écriture.» (p.69)
Ces textes révèlent surtout un ego démesuré. Le «je» de Péloquin, capable d'avaler la terre, hante toutes les phrases et n'arrête jamais de chanter sa propre gloire. Passons sur les outrances, le sexisme et les mastications mystiques; oublions ce ton suffisant et prétentieux. Péloquin restera un provocateur qui a su particulièrement bien utiliser les médias. Ses textes touffus, bâclés, deviennent vite redondants. Et même s'il a cru bon s'entourer de commentateurs qui font sa louange, «l'essentiel» de Péloquin demeure un texte mineur après quinze ans.

«Une plongée dans mon essentiel» suivi de «Les décavernés» de Claude Péloquin est paru aux Éditions Varia.

Pauline Michel écrit à une vitesse folle

Pauline Michel a cru bon de demander un texte de présentation à Marie-Claire Blais pour «Le papillon de Vénus». Un procédé qui demeure périlleux parce que l'auteure se met beaucoup de poids sur les épaules. Le lecteur s'attend à s'aventurer dans un texte exceptionnel.
Pauline Michel possède le sens de l'image mais il en faut plus pour partir sur les traces d'«Alice au pays des merveilles». Si les débuts sont prometteurs, j’ai déchanté rapidement, hélas. Emma adulte perd de sa magie et devient une enfant un peu égarée que le monde écrase.
Le hic vient surtout du rythme donné au récit. Pauline Michel nous entraîne à une vitesse foudroyante dans le temps, ne nous permettant jamais de nous arrimer au personnage pour le sentir, le voir, le respirer et y croire. Emma reste une sorte d'image qui permet à l'auteure de jouer avec les phrases sans jamais s'attarder au dur labeur de construire un monde et de l'étoffer. Emma a cinq ans au début du récit et il faut à peine dix pages pour la retrouver à l'âge adulte, blessée par un grand amour et une déception qui ne la quittera plus.
«Emma passe quinze ans à vivre ainsi, sans autre présent que la contemplation de la nature et sans illusion sur l'avenir. Elle range sa vie dans la pénombre. Chaque chose à sa place et une place pour chaque chose. Des heures pour le travail. D'autres pour la danse. D'autres pour le chant. D'autres pour les rencontres. Le monde perd toujours plus de son pouvoir de beauté.»(p.25)
Le merveilleux ne gonfle pas et nous restons à la surface des choses. Le papillon qui mute nous fait songer aux voyages de Dorothy au pays du «Magicien d'Oz» ou à «Alice au pays des merveilles», mais rien de plus. Les chaussures sont grandes pour Emma qui n'a pas la force, la consistance qu'il faudrait pour suivre ces illustres fillettes qui se sont confrontées à des mondes magiques et toujours en mouvance. Bien sûr, il y aura la lumière, la connaissance peut-être, l'amour et la paix mais cela reste conceptuel et virtuel. «Le petit Prince» n'a pas à s'inquiéter, Emma ne viendra pas bouleverser sa planète. La fable tourne court et s'enlise dans des images un peu plaquées.
Il manque un fluide, une chaleur, une magie à ce texte, une folie peut-être qui va au-delà des phrases joliment sculptées.

«Le papillon de Vénus» de Pauline Michel est paru aux Éditions Vents d'Ouest.

dimanche 12 août 2001

Comment trouver un sens à la vie dans ce monde?

Les nouvelles de Stanley Péan, regroupées sous le titre de «La nuit démasque», ont toutes été publiées dans des revues du Québec. L'éditeur ne signale pas si elles ont été reprises dans l'ordre de parution ou si un autre choix a présidé. Un peu dommage parce qu'elles témoignent du cheminement et des préoccupations de l'auteur au cours des dernières années.
Bien sûr, on reconnaît la «manière Péan», sa propension à flirter avec le fantastique et l'irrationnel, sa façon de démontrer que la réalité est autre. Il suffit d'être attentif, de ne pas se laisser distraire et une autre dimension s'impose. Cette autre «mesure du réel» est souvent brutale, aveugle et mortelle. Nous pénétrons dans des lieux où les pulsions dominent, où des forces implacables broient les êtres et les choses. Péan bouleverse, heurte et parfois fait sourire. Ses personnages ne sont jamais simples même si ce sont souvent des hommes ou des femmes qui vont comme des perdus dans la vie. Des êtres aiguillonnés par la vengeance ou plus simplement bousculés par les événements. Ils ont eu la malchance d'être là au mauvais moment. Parce que chez Péan, l'espace est parsemé de trous ou de «passages». Il suffit d'ouvrir une porte par distraction ou volontairement, et le personnage est happé, poussé dans une réalité où il ne contrôle plus rien.
«De son oeil unique, elle ne voit plus très bien ce qu'elle est devenue. En ce pays trop aveugle pour discerner sa grandeur, elle fait figure de reine : une souveraine pas mal triste, sans réelle souveraineté. Montréal ne dort que d'un oeil. L'autre paupière ne se referme jamais entièrement et cette plaie purulente, sexe moite de pute sur le retour d'âge, enfante les spectres affamés de ses insomnies hallucinées...» (p.73)
L'expérience restera inoubliable, initiatique et fera douter de la réalité et de l'existence. Le témoin est marqué, foudroyé par une «vérité» qui dépasse l'entendement humain. Et il y a toujours la bascule, ce doigt qui se retourne vers le lecteur. Cela pourrait nous arriver à nous aussi, imprudent lecteur.
«Pourtant il a existé. Nous le savons tous. Nous nous souvenons de ce qu'il représentait et des raisons de sa mort : étranger en terre étrangère, bouc émissaire idéal sacrifié au nom de notre bigoterie et de notre bonne conscience.» (p.37)
La manière de Péan tient à la fois de la légende, du conte, ou de la nouvelle traditionnelle. Tous les genres sont enchevêtrés et régurgités. Cette manière donne souvent des pages intolérables. Une violence décrite cliniquement, insupportable dans «Brasiers». Parce que la violence chez Péan est tout autant physique que verbale. Il bouscule le langage, comme si à chaque fois le texte était expérience langagière pour soupeser les limites du racisme, de l'horreur ou de l'ostracisme.
L’écrivain nous apprend à nous méfier des conversations anodines, des blagues sexistes et racistes. Ces plaisanteries, quand elles s'incarnent, deviennent des abominations. «Monsieur Toulemonde», «Brasiers» sont des textes dont il faudrait lire des extraits dans les émissions d'humour où l'on vole au ras des parquets.
«En faisant bien attention de ne pas toucher aux vomissures, Ti-Coune et Louis soulèvent le sale nègre par le collet, pour mieux lui administrer les derniers soins. Georges a saisi un bout de planche cloutée avec lequel il frappe frappe frappe l'hostie-de-chien-à-marde-de-sale nègre à la tête encore encore encore.» (p.82)
Péan dévoile ce que l'on cache, ce non-dit que l'on n'ose jamais effleurer et que tous évitent dans les conversations. Autant demeurer sur nos gardes avec lui, se méfier de la nostalgie ou des «blues». Les retours sentimentaux dans «Revoir Limoilou» ou encore «Remonter le fleuve», se retournent pour broyer l'antagoniste. Le passé est une porte qu'il ne faut jamais ouvrir. D'autres occupent l'espace et vous y êtes un étranger.
Des pages très denses et dérangeantes. Péan ne fait jamais dans la dentelle et il prend un malin plaisir à nous étourdir, à nous déséquilibrer. Nous refermons «La nuit démasque» en ne regardant plus le monde de la même façon. N'est-ce pas le propre de la littérature?

«La nuit démasque» de Stanley Péan est paru aux Éditions Planète rebelle.

L’art de nous faire découvrir notre pays

Jean O'Neil pratique l'art de la mouvance comme on le fait de la prière. Ses «escapades» occupent une journée, ces quelques semaines d'été, quand on cherche à oublier le travail pour n'être plus qu'un regard, qu'un chercheur «d'ailleurs». Ici, dans «Les escapades», il reprend une série de textes déjà parue dans le magazine Géo Plein Air. Une trentaine de courts récits où le chroniqueur livre ses découvertes, ses méditations au fil des saisons.
Jean O'Neil, c'est l'art de s'arrêter devant un arbre, un ruisseau qui descend à flanc de montagne, de s'extasier quand une chute de lumière aveugle quelques instants entre deux nuages. Il est tout aussi fasciné par un champignon qui éclate sous un arbre que par les jeux des lièvres dans une clairière. Il pratique l'écriture comme un peintre s'adonne à l'aquarelle.
Il traque la formule heureuse, l'image qui vous touche comme une caresse, la phrase qui se change en souffle tiède quand les feuilles murmurent dans une nuit de juillet. Jean O'Neil sait l'art des «petits bonheurs quotidiens» que l'on vit trop souvent sans s'arrêter.
Sans être un fidèle des récits de Jean O'Neil, il m'est arrivé de croiser l'un de ses livres assez régulièrement parce qu’il écrit beaucoup. Je pense à «Bonjour Charlie», à «Terre rompue» où O'Neil explorait un coin de pays que je connais particulièrement bien. J'ai toujours éprouvé du plaisir sans être enthousiasmé. Un peu de déception quand l'écrivain coupe rapidement, remue des clichés sans leur tordre le cou. Mais quel plaisir quand, au détour de la lecture, comme dissimulée derrière une grosse épinette joufflue, une image vous coupe le souffle. Il suffit de se pencher sur des morilles ou, retenir son souffle devant une sterne, à Godbout, quand elle se jette dans la mer. Après ce moment de grâce, nous sommes prêts à tout pardonner à Jean O'Neil.

Nouveau regard

L'homme explore, l'homme marche le Québec, nous entraîne dans des voyages que nous avons fait des dizaines de fois. Il raconte la ville, un bout de rue qui devient un sentier, s'attarde dans un parc pour surprendre le monde. C'est par cela surtout que Jean O'Neil est un écrivain nécessaire.
«Le printemps en ville, en banlieue surtout, c'est le merle qui siffle dans le lilas, aux crépuscules de l'aube et du soir, et qu'on voit sautiller sur la pelouse pour lui tirer les vers du nez. Ce sont les hirondelles bicolores qui font l'amour sur la corde à linge près du poteau où est planté leur nichoir.» (p.43)
Mot à mot, récit après récit, pas à pas, Jean O'Neil sillonne ce Québec qu'il aime et qu'il ne cesse de découvrir. Il a le très grand mérite de montrer à tous qu'il suffit d'avoir l'oeil, un peu de temps pour surprendre les merveilles qui nous entourent. C'est dans le détail, ces petites aquarelles qu'il faut le déguster sourire aux lèvres.
«La morille est une déesse. Elle se fait rare et subtile. Elle se pique d'être la délicatesse de la terre dans la grossièreté de son environnement, et elle fait cela avec une autorité gênante. Je ne sache pas que quiconque soit passé à côté d'une morille sans la voir. Si petite soit-elle, elle s'impose. Elle proclame humblement qu'elle n'appartient pas à son milieu.» (p.69)
Comment ne pas vouloir y goûter après cela?

«Les escapades» de Jean O’Neil est paru aux Éditions Libre Expression.

mercredi 8 août 2001

Serge Ouakine n’évite pas tous les pièges

Serge Ouaknine ne s'attarde pas au bonheur de la description dans «Café Prague», l'un des onze récits qui donne le titre à cet ouvrage. Il nous emporte au-delà des mers et des océans, dans plusieurs pays d'Europe, en Amérique du Sud ou, plus simplement, dans un café de Montréal. Pour Ouaknine, le voyage n'est pas qu'un déplacement dans l'espace, une frontière que l'on franchit passeport à la main.
«Le récit de voyage ne peut pas se contenter du portrait du lieu. Le «être là » est un ailleurs indicible qui réclame sa parole. Il renvoie le témoin à lire, comme l'autoportrait, ce que l'altérité opère en lui, l'intervalle entre le désir d'énoncer le propre du miroir, sans le confondre à un épanchement de soi. D'où le piège constant dans lequel se risque le voyageur, entre l'information trop didactique et la confession trop personnelle.» (p.11)
Ouaknine oscille tout au long de ses récits entre ces deux «pièges» et il ne sait pas toujours contourner les dangers. Il plonge aux sources de son peuple, fait jaillir des langues qui reviennent comme des mantras et le font vibrer. Une entreprise qui n'est pas toujours facile pour le lecteur qui ne partage pas son érudition ou ses connaissances.
Ouaknine réussit cependant à nous questionner, à nous faire frémir devant une synagogue, un camp de concentration trop bien pensé. Oui, il y a des lieux magiques, vibratoires, comme des points d'acupuncture sur cette planète. Comme si le temps se superposait et que toutes les époques arrivaient à se confondre. Partout, ici, là, dans une rue de Los Angeles, dans un marché de Jérusalem, dans un avion en route vers Zurich, l'histoire de l'humanité surgit et il faut tendre l'oreille.

Fascinant

Serge Ouaknine devient fascinant quand il s'attarde dans un désert qui évoque un autre espace tout près du mont Sinaï. Et quels moments que cette poussée vers les «grandes salines» de l'Argentine. Dans un vol au-dessus de la vallée de la mort, le voyage devient recueillement, méditation.
«Il fait silence. Je n'avais pas écouté la pulsion sourde, sereine de la paix depuis longtemps. Je « l'enregistre » sur mon walkman pour ma fille. Quinze secondes de silence de la Vallée de la Mort, sur piste, pour qu'elle en reçoive la bénédiction, comme un morceau de Judée. Nous vivons dans l'infortune des bruits. Le désert nous conduit aux murmures de la parole. Peut-être est-ce pour cela que j'ai tant de plaisir dans les cimetières où tout repose, même les sons.» (p.59)
Quand Ouaknine se fait humble, quand il est juste là dans son recueillement, nous connaissons l'enchantement. Dommage que l'écrivain cède trop souvent à la tentation du cérébral.

«Café Prague» de Serge Ouakine est publié aux Éditions Humanitas.

Yves Vaillancourt voyage de mémoire


Longtemps après le retour, quand les valises sont défaites, dans un moment de nostalgie peut-être, Yves Vaillancourt tente de reconstituer le lieu, le voyage. Un peu comme nous le faisons tous devant des photographies ramenées d'un séjour en Europe ou aux États-Unis. Que reste-t-il de cette course, de ces rues que nous avons parcourues, de ces visages, de ces regards surpris dans un café? Est-ce que la mémoire peut faire revivre ces moments où nous avons oublié nos habitudes?
Yves Vaillancourt, de mémoire, fait surgir le «temps perdu». L'entreprise est périlleuse parce que la reconstitution a aussi ses exigences.
«Écrire des souvenirs de voyage, voilà bien une chose étrange. On s'efforce de raviver du mieux qu'on peut d'infimes détails de ces vacances désormais lointaines ; on parle de ces villes, gens et paysages ayant laissé une trace dans notre mémoire. Imaginons l'entomologiste épinglant une ou deux images des chemins sur lesquels il les a ramassés.» (p.11)
Bien sûr, il y a des éclairs, des vibrations, des «hasards» qui m’ont accroché. Dans «Le contrôle» ou «La rencontre», j’ai suivi le narrateur et j’ai oublié que tout cela était reconstitué d’une certaine manière. Rapidement cependant, je mne suis senti abandonné et désarçonné. Le voyage chez Vaillancourt devient rupture, contact esquissé qui ne peut jamais perdurer. Jamais il ne réussit à devenir chaleureux et vibrant. Le voyage serait-il une blessure jamais cicatrisée?

Rencontres

Pourtant, dans certaines rencontres, des amours s'esquissent au hasard des déplacements en train, une vie pourrait changer en quelques heures mais le narrateur fuit. C’est peut-être inévitable, le narrateur étant dans un autre lieu et une autre époque. J’ai eu souvent l'impression de feuilleter un bottin de lieux et de noms.
Dans ce travail de mémoire, Yves Vaillancourt avait tous les outils pour échapper aux limites de la photographie et de l'instantané. Il pouvait m’entraîner dans un «voyage imaginaire ou réinventé»m un périple où tout aurait commencé à respirer. Parce que le voyage reconstitué, c'est avant tout le plaisir de l'inventer, de l'imaginer, de l'embellir, de le transformer.
Malheureusement, jamais l'auteur ne s'abandonne à cette ivresse. J’ai eu l’impression de claudiquer derrière lui, devant me contenter de son immense solitude, son insupportable tristesse. Rarement il prend contact avec les hommes et les femmes qu’il croise dans ses périples. Il y a la barrière des langues, bien sûr, mais tout de même. Pourquoi voyager alors?
«Ami fuyant, je suis confiant. Un jour, je freinerai la chute vertigineuse des nombres que ta course a entraînée.» (p.29)
Il suffirait d'un regard, d'un sourire, d'un verre de vin et un peu d'imagination. Et surtout, des arrêts dans cette course qui ne veut jamais prendre de répit. Les moments les plus réussis de «Winter» surgissent quand jaillit une étincelle entre une femme et le narrateur.
Et, peut-être que le véritable problème de ces récits réside dans l'écriture de Vaillancourt. Jamais elle ne lève pour nous emporter.

«Winter» d’Yves Vaillancourt est paru aux Éditions Triptyque.