Adrienne Clarkson s’explique dans «Le cœur au poing», les mémoires qu’elle vient de publier à la fois en anglais et en français. Elle rétorque aux accusations qui ont marqué sa présence au poste de Gouverneur général du Canada pendant six ans, soit de 1999 à 2005.
On se souvient des voix aux Communes qui accusaient la Gouverneure générale de dilapider les fonds publics à Rideau Hall et d’effectuer des voyages princiers au Canada comme à l’étranger. Madame Clarkson choisit d’expliquer le rôle et les mandats du Gouverneur général en guise de réponse.
«Dans le cas de mes visites officielles au Chili, en Argentine, en Allemagne et dans les pays circumpolaires, mon bureau a reçu une lettre du premier ministre Chrétien demandant qu’en tant que gouverneure générale, j’effectue ces visites officielles afin de faire progresser les objectifs de la politique étrangère canadienne dans ce pays. Le scandale a été nourri par des ignorants de mauvaise foi qui voulaient faire croire que j’avais voyagé à l’étranger sur un coup de tête.» (p.260)
Autrement dit, les lanceurs de questions auraient dû se tourner vers le premier ministre Jean Chrétien pour avoir des explications.
Adrienne Clarkson s’était donné comme mission d’être partout au Canada et de créer des attaches entre les composantes du pays. Elle et son mari, John Ralston Saul, étant particulièrement sensible à la dimension nordique et culturelle du Canada. De quoi faire les manchettes plus souvent qu’autrement.
Histoire
La famille d’Adrienne Clarkson a fui Hong Kong quand le Japon a envahi la Corée. Elle embarquera sur le «Asuma-Maru» à l’âge de trois ans, un navire-prison, qui passera par Saigon, l’Afrique, le Brésil, les États-Unis avant de les laisser au Canada, en 1942.
Les Poy s’installent à Ottawa, dans un quartier francophone. Adrienne y étudie pour devenir enseignante avec la complicité de son père, un homme brillant qui a toujours cru que la réussite suit les efforts. Une mère fascinante et un peu dépaysée en Amérique.
La jeune professeure découvre la télévision et le journalisme par accident. Ce sera le coup de foudre. Elle gravira les échelons et animera «Take Thirty», «The fifth estate» et «Adrienne Clarkson Presents», de grandes émissions à la CBC. Elle y questionnera les grands de ce monde, de Baby Doc Duvalier, dictateur d’Haïti, au Shah d’Iran.
Sa capacité de travail phénoménale la conduira à Paris où elle sera déléguée générale de l’Ontario. Elle y croisera Lucien Bouchard, entre autres. Peu importe les idées que l’on peut avoir sur le Canada et le Québec, la vie d’Adrienne Clarkson est un véritable «succes story» comme on aime bien en Amérique.
Jean-François Lisée s’est un peu moqué de l’importance que se donnait Madame Clarkson comme gouverneure générale à l’émission «Bazzo.com». On ne peut certainement pas reprocher à Madame Clarkson d’avoir fait de la figuration et elle a assumé cette fonction avec passion et dignité. Michaëlle Jean devrait en faire son modèle. Peut-être qu’elle aurait hésité, lors de son dernier voyage en Afrique, à s’agiter comme une fillette devant les caméras de Radio-Canada.
La région
Adrienne Clarkson est venue dans la région à plusieurs reprises lors de son mandat. Elle a voulu écouter le milieu culturel à deux reprises et tenait particulièrement à se rendre à Mashteuiatsh. Elle a été impressionnée par le chef Clifford Moar.
«Quand nous avons annoncé à notre personnel de Rideau Hall, peu après le début de mon mandat, que nous voulions effectuer une visite prolongée au Saguenay, il y a eu comme une hésitation et une certaine inquiétude – la région étant à 95 pour cent souverainiste, a-t-on dit, «peut-être que vous n’y serez pas la bienvenue.» Nous avons la conviction viscérale que les gens que vous touchez sur le plan intellectuel et personnel sont capables d’établir une relation qui échappe au cadre de la politique.» (p.223)
La petite Adrienne Poy ou Ying Choi a connu un cheminement exceptionnel qui l’a mené un peu partout dans le monde. «Le cœur au poing» décrit une personne curieuse, capable d’écouter et d’explorer «des vies différentes». Un livre vrai qui montre que l’aventure est possible. Peut-être que pareille péripétie n’est concevable que pour ceux et celles qui arrivent de loin et qui ne peuvent regarder en arrière. Une belle leçon de vie.
«Le cœur au poing» d’Adrienne Clarkson est paru aux Éditions du Boréal.
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