Il y a des textes que l’on abandonne avec un pincement au cœur. Quand cela arrive, je m’attarde à faire durer l’enchantement, à flâner sur la page couverture. Juste pour prolonger le bonheur, avoir la conscience de vivre un moment unique.
Jean-François Beauchemin, avec «La promesse de l’Aube» réussit à nous capter. Il rend amoureux de la vie. On se surprend à surveiller le mouvement de sa main, à aimer le contact des doigts sur le papier pendant la lecture. Comme si on effleurait une épaule ou un bras, comme si chaque mot du récit devenait une capsule de bonheur.
«Un jour, je suis mort. C’était vers le milieu de l’été, le ciel était d’un bleu immaculé.» (p.11)
Quelle façon de piquer la curiosité du lecteur! Qui peut raconter ainsi sa propre mort? La journée était trop belle pour mourir, il faut s’en souvenir.
Petite histoire
Beauchemin vit plutôt bien sa quarantaine quand la douleur le terrasse. Affolement! Pourtant, il garde une étonnante lucidité. Ce sont là ses derniers instants, il en est convaincu. La mort approche, s’impose. Il s’accroche avant de s’allonger pour une dernière fois. Comme s’il devenait témoin de sa plongée vers la fin.
«Je ne sais si j’ai rêvé ceci : à la fin, quand l’ambulance s’est immobilisée, j’ai demandé, juste avant d’entrer dans l’hôpital, qu’on me laisse pendant une minute observer le ciel. C’était le soir, l’air résonnait du chant entêtant des insectes. Là-bas, des enfants jouaient sur le trottoir. Les premières étoiles s’allumaient. La vie continuait, sans moi, me semblait-il déjà. Puis, on a poussé la civière jusqu’aux urgences, et je me suis aperçu que pas une fois je n’avais envisagé une suite à mes jours finissants, une vie après la vie, comme on dit.» (p.13)
Il restera cinq mois à hôpital, le temps de ramener son corps du côté des vivants. Assez pour apprécier la présence de sa compagne Manon, les liens qui l’unissent à sa sœur et ses frères. Le récit nous entraîne dans ces éclats de conscience, ces absences où Beauchemin bascule dans des rêves et ses souvenirs. Et quand il remonte, il y a ces présences, presque toujours muettes, toujours essentielles.
Une vie l’attend. Un sourire lui montre la route du retour. Il soupèsera le long voyage de sa vie, regardera sa mère et son père, un homme peu loquace mais fort de sa générosité. Un arrêt aussi sur ce qu’il est comme écrivain et d’où surgissent ses histoires. Il rencontre encore la mort. Elle était là tout le temps à rôder, comme si ses écrits prévoyaient cette glissade aux frontières de la vie. Une écriture prémonitoire, dit-on.
Il ne sera plus le même après une telle expérience.
«Lorsque je suis sorti de l’hôpital, j’ai senti cela très fort. C’est un autre moi qui rentrait à la maison.» (p.72)
Plus conscient de l’amour de ses proches qui l’ont accompagné tout au long de cet incroyable retour, il savoure chaque seconde.
Un récit touchant, beau de chaleur et de tendresse, de joie et de bonheur. Une sonate qui fait aimer la vie.
«La Fabrication de l’aube» de Jean-François Beauchemin est paru aux Éditions Québec Amérique.