samedi 14 décembre 2002

Boisvert et Gagnon surprennent et étonnent

Yves Boisvert plonge dans un monde tellement familier qu'il en devient étrange. «La pensée niaiseuse» étonne par sa dimension, son amplitude et ses intentions. Une suite de réflexions et de questionnements sur le quotidien de la réalité québécoise. Tout est produit publicitaire dans notre monde numérique et virtuel. Yves Boisvert et Dyane Gagnon sont partis de ce principe pour explorer des idées et des clichés mille fois entendus dans ce Québec qui n'en finit plus d'osciller entre l'état de province «komlèzôtes» et d’élans référendaires.
Prenant prétexte à une fable, celle du comte d'Hydro qui rêve d'électrifier le Québec dans ses moindres espaces, Boisvert se fait redresseur de vérités et pourfendeur d'idées reçues. Il attaque, secoue le politique pour en faire du poétique. Il ne recule devant rien, martelant les pires outrances et les pires sophismes. La publicité doit marquer, toucher les pulsions. «La pensée niaiseuse» se donne tous les droits et toutes les obligations.
Que dire devant les jeux questionnaires, les démonstrations tordues, la fausse facture d'Hydro-Québec. Boisvert et Gagnon bousculent, manipulent, tordent les faits pour arriver au but. Il faut convaincre et vendre. Ce travail resterait banal et indigeste si nous n'avions l'oeuvre d'art. Tout le livre prend son sens dans le travail de Dyane Gagnon. Elle a poussé le concept marchand et publicitaire dans ses derniers retranchements, recyclant, réinventant des images connues et tellement diffusées qu'elles en sont devenues invisibles.

Comment lire

Il s'avère à peu près impossible de lire ce livre. On le regarde, le feuillette pour chercher la référence et le clin d'oeil. Nous avons l'impression de parcourir un palimpseste publicitaire. Ici la forme porte le message et le message invente la forme. L'oeil surtout est sollicité. Dyane Gagnon a réalisé un travail exceptionnel, mené à terme une entreprise terriblement exigeante.
Très fortement inspiré du pop art, nous allons de découvertes en trouvailles, de petites surprises en étonnements. Même que plusieurs pages ont été vendues et payées par des artistes et des individus. Certains sont connus.
Amusant, cinglant,
«La pensée niaiseuse» se visite comme un album. Je me suis attardé aux détails, me laissant emporter pour revenir, m’attarder et sourire. Il faut se faire maraudeur pour apprécier ce travail exceptionnel.
Un ouvrage étonnant, détonant, outrancier mais fort sympathique. Yves Boisvert et Dyane Gagnon signent une grande réalisation. Ils fouillent le monde de la publicité dans ce qu'il a de plus bête pour en faire un art. Parole de comte d'Hydro!

«La pensée niaiseuse» d’Yves Boisvert et Dyane Gagnon est paru aux Éditions d'art le Sabord.

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