Denys Arcand et Réal La Rochelle |
Réal La Rochelle emprunte un chemin particulier pour raconter Maria Callas, une chanteuse que l’on a baptisée la «soprano assoluta». Une cantatrice remarquable qui a vécu deux vies.
Pendant son adolescence, jusqu’au début de la vingtaine, Maria Callas a été une jeune femme rondelette, quasi obèse. Lors de la Seconde Guerre mondiale en Grèce, la jeune chanteuse connaissait des problèmes de poids pendant que la population crevait de faim. On n’a pas de mal à imaginer qu’elle a éprouvé des sentiments partagés envers la nourriture. Il faudrait peut-être un psychanalyste pour tout embrouiller ou percer le mystère.
À partir de 1953, elle retrouve une taille de guêpe, comme si elle avait changé de corps. Une véritable métamorphose. Et quel beau terrain pour les spécialistes qui n’ont pas manqué de se questionner sur la voix de Callas avant et après.
«La comparaison de certaines œuvres enregistrées aux deux périodes différentes, la grasse et la maigre, apporterait certainement une compréhension plus aiguë et plus fine du phénomène. Ce travail remettrait également en perspective une affirmation erronée de la cantatrice. Elle insistait pour dire que ses enregistrements en studio avaient été faits alors qu’elle était mince, et que cette situation n’avait pas altéré sa voix. Or, tous ses enregistrements Cetra et EMI, de 1949 à 1953, ont été réalisés alors qu’elle était obèse.» (p.52)
«La Divina» ne s’attardait guère devant ses fourneaux, on s’en doute. Il semble impossible de prouver qu’elle cuisinait comme le découvre le scribouillard du récit de Réal La Rochelle qui doit trouver les recettes originales de la chanteuse. Et, ses obsessions ou ses faiblesses alimentaires, Maria Callas pouvait les confier à un cuisinier ou les satisfaire dans les plus grands restaurants.
Époque
Callas est peut-être l’une des premières vedettes de l’opéra à vivre et à périr par l’image. Elle précédait ses contemporaines sous cet aspect. Elle s’acharnera à préserver cette «taille de guêpe», malgré des difficultés à contrôler son poids. Une obsession qui l’aura entraînée dans la mort. Mais où commence la fabulation et qu’est la réalité? Les grandes figures semblent drainer les mystères.
«Callas, boulimique de drogues, est morte stupidement d’une overdose. Comme Marilyn Monroe, Janis Joplin, Jim Morrison. Tous Américains. Tous porteurs de musiques d’autodestruction.» (p.87)
Ce récit bien documenté permet de découvrir une femme angoissée et pleine de contradictions. Réal La Rochelle donne envie de s’attarder auprès d’une artiste remarquable qui a vécu des «vies exceptionnelles». Cela explique peut-être la fascination qu’elle exerce encore sur les amateurs de chant lyrique. La Rochelle m’a fait retrouver les quelques disques de Callas que je possède. Pour les écouter et les entendre d’une manière différente.
«Les recettes de la Callas» de Réal La Rochelle est publié aux Éditions Leméac.