Aimée et Yhana tiennent plus
que tout à une baraque qui se désagrège jour après jour, grugée par une sorte
de cancer. Les filles doivent en plus affronter un genre de Méphisto qui
manipule tout le monde et prend plaisir à les tourmenter. Le tout changera avec
l’arrivée du couple Pipistrelle qui loue l’étage du haut. D’étranges relations
s’établissent entre ces personnages étranges et tellement différents.
Tous ces personnages se
bousculent, se mentent et n’arrivent jamais à être là, au même moment, pour
vivre la tendresse et l’amour. Tous cherchent et ne savent que se blesser on
dirait dans cette aventure qu’est le quotidien.
«Le soir ébruite sa lassitude
sous les jardins écrasés. Fait un détour par l’escalier de pierre, pour le
plaisir de glisser sa paume sur la rampe tout doucement, préserve le
ravissement qui l’accompagne. Son bonheur se transforme lorsqu’elle voit Yhana
attablée avec un homme. Une table ronde, restée dehors tout l’hiver, leur sert
d’îlot. La vue de cette scène presque idyllique brusque Aimée. Veut retourner
là où elle était, dans la rouille et la sciure. Fonce tête première, avec
l’espoir de défaire.» (p.29)
Méphisto
Geoffroy Vidal trouve sa
raison d’être en assaillant les êtres qui l’approchent. Il réussira à se
glisser dans le couple Pipistrel qui repose sur les mensonges du mari, une
sexualité trouble. Des contacts brutaux souvent, des êtres réduits à l’état animal
presque qui ne peuvent s’empêcher de se faire mal malgré leur envie de
tendresse et d’amour. Tous cherchent autant la mort que la vie, la désespérance
que le bonheur d’être. Une écriture qui vous pousse dans une dimension où
l’oxygène se fait rare.
Les pendus
Que dire quand madame
Pipistrelle, après un moment de fulgurance avec Yhana, accepte de décrocher les
pendus dans les parcs de la ville pour que les gens ne voient rien. Elle bourre
leurs joues de morceaux de pain pour qu’ils fassent bonne figure dans la mort.
Un monde désespéré et désespérant où l’on masque la vérité. La télévision et
certains médias servent à cela de nos jours.
Un récit qui coupe le
souffle, égare un peu dans une prose recherchée qui parvient à créer une sorte
de danse macabre où la vie est un cri, un hurlement, un désir d’aller au-delà du
quotidien. Et quelle terrible solitude !
Il faut une bonne dose de
courage pour plonger dans cet univers qui se désagrège. Les hommes et les
femmes ne peuvent que se blesser et s’agresser. La tendresse, la chaleur
humaine arrive parfois, comme une fulgurance qu’il est impossible de retenir. Difficile,
mais écrit dans une langue forte, éblouissante qui sauve l’entreprise.
Peut-être qu’il faut se laisser emporter simplement par les mots et les phrases
pour aimer ce chant existentiel. Peut-être que la vie n’est qu’une suite de
petites morts après tout.
Du pain dans les joues de Louise
Marois est paru aux Éditions de l’Hexagone.
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