Lorsque le cœur est sombre
est paru en janvier. Je l’ai négligé même s’il n’était jamais loin dans ma pile
de nouveautés. Certains titres me suivent un moment et vont rejoindre les livres
que je ne lirai probablement jamais. D’autres s’accrochent même si je tarde à
me décider pour des raisons étranges. Soit que le titre me fasse hausser les
épaules ou que la page couverture me repousse. Avec Archambault, malgré des
titres peu accrocheurs, l’écrivain, sa manière et son écriture finissent
toujours par m’attirer.
Au début du mois d’août, j’ai
apporté le roman à la plage. Là, les orteils dans le sable, sous un parasol, avec
le bruit des vagues dans les oreilles, le moment était venu. J’ai regardé les
nuages qui s’ameutaient du côté de Roberval où l’ami Jacques Girard devait
discuter avec des lecteurs au café Yé. Un temps parfait pour la terrasse ou le
sable. Les enfants plongeaient en hurlant. J’ai regardé longuement la page
couverture avant de me décider.
Personnages
Tout arrive en une journée comme
dans une tragédie de Racine. Quelques phrases et nous sommes emportés. Tout
tourne autour de Ghislain, le soleil je dirais qui attire les autres
personnages. Le comédien vient d’aborder les rives de la vieillesse. Ce
séducteur a fait soupirer bien des femmes à la télévision ou sur la scène. Victime
de son âge, oublié par le milieu, il tente de retrouver un peu d’éclat en
conviant ses amis au restaurant. Yves, un ami, un écrivain discret, Marie-Paule,
une ancienne flamme qui a partagé un moment sa vie. Luc, un instable qui a
connu mille métiers, Annie, une jeune femme qui connaît le comédien depuis
toujours et ne le porte pas dans son coeur. Ghislain était l’ami de son père.
Chacun jongle avec certaines
méchancetés qu’ils n’oseront jamais dire ou encore se questionne sur sa vie, ce
qu’il est. Pourquoi des hommes et des femmes se fréquentent-ils après tant d’années?
Ils se heurtent, mais ne peuvent s’empêcher de se voir. Ils sont attirés l’un vers
l’autre comme des planètes. L’univers tient
ainsi.
«Yves ne pouvait pas
comprendre ce que ressent un comédien que l’on ne sollicite presque plus, la
hantise du carnet vide, la peur du téléphone muet. Tu ne connaîtras jamais rien
de tout cela, lui disais-je, tu as ta retraite assurée, l’insécurité
financière, tu ne sais pas ce que c’est. Yves n’était pas plus lourd en ce
temps-là qu’il ne l’est maintenant. Je le connaissais trop peu encore pour lui
faire des confidences. Marie-Paule me manquait.» (p.52)
L’écrivain quasi muet vit
avec une femme dynamique, souriante, toujours prête à sauter dans l’aventure. Comment
ne pas penser à Archambault, ce doux silencieux des lettres québécoises qui,
malgré sa discrétion, garde ses fidèles. Son roman est parmi les meilleurs
vendeurs de Boréal cet été.
«Sans Valéria, je ne vivrais
pas. Au fond, j’aime notre bonheur tranquille ou ce qui en tient lieu. Je vis
dans la présence et dans les petites absences de Valéria. Quand on me demande
pourquoi dans mes romans les couples sont si fragiles, je ne sais dire que des
énormités, que le bonheur n’est pas pour moi une évidence, qu’il n’est pas en
tout cas une source d’inspiration, que je suis plutôt porté à décrire le
désarroi, la solitude.» (p.69)
Questions
L’écrivain s’attarde aux
hésitations de chacun, à leurs peurs, leur angoisse et leur lâcheté. Vivre en
société, c’est passer le veston d’un personnage, porter un masque, être
quelqu’un d’autre d’une certaine façon. Une réflexion encore une fois sur le
vieillissement et la solitude. Archambault reste percutant, particulièrement touchant.
Je me suis arrêté souvent pour me demander où j’en étais dans ma course et quel
personnage me ressemblait le plus. Les réponses, je les garde pour moi.
J’attends déjà le prochain
ouvrage de monsieur Archambault en me promettant de faire diligence. Il a comme
sept vies ce grand écrivain et ses romans, je finis par les lire un jour ou l’autre.
Lorsque le cœur est sombre de Gilles
Archambault est paru aux Éditions du Boréal.
superbe votre article. On a envie de lire le roman de monsieur Archambault. J'aime aussi le clin d'oeil à Jacques Girard, notre dynamique écrivain...
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