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lundi 11 juin 2012

Témoignage d’une sincérité émouvante de Michel Vézina

Dans «Attraper un dindon sauvage au lasso», Michel Vézina rejoint la quarantaine d’écrivains de la collection Écrire des Éditions Trois-Pistoles. Certains de ces témoignages gagnent une dimension particulière avec la disparition des auteurs. Pensons à Noël Audet, Bruno Roy et Jean-François Somain. Comme quoi ces écrits prennent de l’importance avec le temps et deviennent des références dans une société qui en manque singulièrement.

L’enfance à Rimouski, une mère qui vit le nez dans les livres et un père qui dévore revues et journaux. Il n’en faut pas plus pour que le fils s’intéresse à la littérature et l’écriture. Michel Vézina prendra pourtant le chemin le plus tortueux, fasciné par la vie, l’aventure et les excès.
«Cette année-là, je devais avoir quinze ans, Kerouac était mort depuis six ans, je voyais mes voisins à peine plus vieux que moi se geler comme j’avais déjà envie de l’être. Ils étaient les frères et les sœurs aînés de mes amis les plus proches, et ils m’ont donné envie de connaître l’extase dans laquelle leur vie semblait se dérouler.» (p.37)
La musique, la drogue et l’alcool. La vie avant tout et les livres. Lecteur anarchique, il se laisse guider par son instinct, s’approprie certains ouvrages et les transforme en nourriture.

La route

L’appel du voyage et de l’errance aussi. Très tôt, il se déplace clandestinement à bord des trains et se retrouve dans l’Ouest canadien à vivre d’expédients, explorant la vraie vie, celle qui ne supporte aucune entrave et encore moins de direction. Le présent avant tout. Il découvre alors des écrivains qui bousculent sa vie.
«Si ce n’est pendant ce voyage que j’ai découvert la littérature de la Beat Generation, c’est là que son mode de vie m’est apparu comme le chemin essentiel à la recherche d’une spiritualité artistique puissante et significative. Était-ce Kerouac ou Burroughs, je ne sais plus, non, mais je sais que les ai lus d’une traite, sans prendre le temps de respirer, sans prendre le temps de comprendre que ce que j’étais en train de lire allait changer ma vie pour toujours.» (p.57)
«La nuitte de Malcom Hudd» de Victor-Lévy Beaulieu avait eu le même effet quelques années plus tôt. Il y en aura d’autres tout au long de ses errances. Des écrivains qui deviennent des références et des balises.

Le cinéma

New York et Paris, des études en cinéma à Montréal. Des rencontres qui le marqueront. André Fortin, entres autres, le leader des Colocs. L’écrivain deviendra l’éclairagiste du groupe et vivra leur tournée triomphale au Québec. La mort tragique du chanteur le laisse en état de choc, avec une blessure qui ne guérira jamais.
Voyage encore avec la production de Michel Marc Bouchard. «L’histoire de l’Oie» connaît un succès mondial. Il y trouve une manière de gagner sa vie, d’être en mouvement, de rencontrer des amis et de faire la fête. De retarder aussi, peut-être, le moment où il devra prouver qu’il est écrivain.
Retour à Rimouski pour une autre vie. Il devient rédacteur en chef du journal «Le Mouton noir». Une expérience de vie et d’écriture. Son passage au journal «Ici» de Montréal comme chroniqueur de spectacles et de littérature sera tout aussi important. Comme s’il y vivait son université en apprenant l’écriture et le travail de l’écrivain.
Une première publication en France, une difficulté à écrire qu’il apprivoise péniblement. Michel Vézina trouve mille choses à faire plutôt que de travailler un texte. Surtout, il est impitoyable avec ses premiers jets. Il apprendra la discipline et les exigences du métier. Ce geste de «mettre ses tripes sur la table» ne tolère pas de compromis.
Il poursuivra l’aventure en devenant éditeur.

La vérité

Michel Vézina se livre totalement dans ce récit. Il montre un être excessif, passionné qui finit par réaliser son rêve même s’il a pris le risque de se perdre dans ses extravagances et ses dérapages. Une «confession» d’une sincérité qui ne peut que convaincre le lecteur le plus rébarbatif. Et ça se lit au galop, ça se bouscule, ça roule à deux cents kilomètres à l’heure comme dans la vie de l’écrivain et de ses idoles. Époustouflant.

«Attraper un dindon sauvage au lasso» de Michel Vézina est paru aux Éditions Trois-Pistoles.

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