Pour la plupart des Québécois, Samuel de Champlain demeure le fondateur de Québec. Du moins pour ceux qui ont eu la chance d’étudier quelque peu l’histoire. Il semble que, pour la grande majorité des moins de vingt ans, le passé du Québec et du Canada demeure une véritable fiction.
Dans «Le rêve de Champlain», David Hackett Fischer, un enseignant de l’université de Brandeis au Massachussetts, ne se contente pas de suivre ce personnage. Il apporte un soin particulier à décrire l’Europe au moment où Espagnols, Hollandais et Portugais se partagent l’Amérique. La France tarde à marquer le pas. Il y avait bien la pêche que les Basques pratiquaient sur les bancs de Terre-Neuve depuis un certain temps, mais pour ce qui était de s’installer et de peupler le territoire, les Français se sont toujours faits tirer l’oreille.
«L’un des rôles les plus importants que Champlain eut à jouer avait trait au peuplement de la Nouvelle-France. Sans qu’on sache trop bien pourquoi, les Français ont toujours été moins enclins à l’émigration que ces millions de Britanniques, Allemands et autres Européens qui ont franchi l’Atlantique.» (p.15)
Champlain
Né à Brouage, Samuel de Champlain commence par servir dans l’armée sous Henri IV. La France est alors déchirée par une guerre de religions qui fera des milliers de victimes. Une fois la paix installée et la tolérance imposée par le roi, Champlain s’intéresse à l’Amérique. Il voyage dans les colonies espagnoles et prend conscience des traitements impitoyables que les conquérants infligent aux Indiens et aux esclaves du Nouveau-Monde. Au retour de ces explorations, il parviendra à convaincre Henri IV de financer un projet d’expédition en Amérique du Nord. Des tentatives d’établissement à l’Ile Sainte-Croix tourneront mal. Les premiers hivers passés en Acadie ou sur les rives du Saint-Laurent seront particulièrement éprouvants.
Champlain persistera et cherchera d’abord à faire la paix avec les Montagnais, les Hurons et les Algonquins. Il signera des traités de paix et participera à des expéditions contre les Iroquois. Pour améliorer leurs contacts des jeunes Français vont vivre à l’indienne pour apprendre les langues et des Autochtones suivent les Français en France. Une manière de s’apprivoiser, de s’entendre et de parvenir à vivre dans une paix relative.
«Il les considéra toujours comme des êtres humains comme lui-même, et maintes fois il fit état de leur intelligence dans ses écrits. Il fit de nombreux commentaires sur leur physique et leur apparence, qu’il jugeait de loin supérieurs à ceux de leurs contemporains européens. Champlain s’intéressait aux Indiens pour eux-mêmes et aussi pour ce qu’ils pouvaient lui apprendre du Nouveau-Monde.» (p.105)
Cette approche différait totalement de celle des Britanniques et des Espagnols.
Homme moderne
Le Champlain de Hackett Fischer est ouvert, polyglotte, curieux, toujours prêt à vivre l’aventure et à découvrir de nouvelles terres et de nouveaux peuples. Chose exceptionnelle pour l’époque, il s’efforçait de faire coexister les croyances religieuses sans donner préséance à l’une ou l’autre. Protestants et catholiques se côtoyaient dans ses expéditions et il en était de même avec les Indiens. Pourtant certaines de leurs habitudes, particulièrement la torture des prisonniers de guerre, l’horripilaient.
Il préférait la négociation à la confrontation, pouvait se montrer téméraire parfois, mais restait toujours à l’écoute. Il était également un cartographe précis et minutieux, un écrivain qui, dans ses nombreux récits de voyage, racontait avec précision ses aventures, présentait les Indiens avec beaucoup d’empathie.
La Nouvelle-France deviendra la grande aventure de sa vie, malgré certains échecs, les oppositions, l’indifférence de Louis XIII et du cardinal Richelieu. Il connaitra une vie de couple singulière avec sa jeune épouse Hélène Boullé qui le suivra au Canada pendant quelques saisons. Il mourra à Québec, laissant un testament qui assurera son œuvre en terre d’Amérique.
Hackett Fischer a réalisé un travail colossal, s’attardant à la situation politique de l’époque, s’immisçant dans les intrigues de cours, n’épargnant pas les erreurs des premières tentatives de colonisation. Champlain y fait figure de héros, d’homme d’état, de découvreur, de pacificateur et de visionnaire. Il aimait cette terre nouvelle et a passé sa vie à défendre son projet malgré toutes les embûches.
Un livre parsemé de cartes faites de la main de Champlain et d’illustrations. Un véritable roman. Une belle manière de revivre une période un peu méconnue et de secouer les idées romantiques que l’on peut se faire sur les débuts de l’Amérique française. Une brique de près de mille pages où l’historien ne cache pas sa fascination pour le personnage de Champlain. On ne saurait le lui reprocher.
«Le rêve de Champlain» de David Hackett Fischer est publié aux Éditions du Boréal.
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/reve-champlain-1879.htm
http://www.editionsboreal.qc.ca/catalogue/livres/reve-champlain-1879.htm
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