Georges-Hébert Germain, tout en démontrant l’exaspération qui gronde dans la population francophone pendant ces années, peint la désespérance et une rébellion vouée à l’échec. Les Patriotes combattent l’armée de Colborne avec des discours qui ne font pas le poids devant les balles et les canons.
À La Malbaie, les esprits sont hantés par le Saguenay depuis des décennies. Le Royaume, le fief de la Compagnie de la Baie d’Hudson qui y exploitait les fourrures, intéresse aussi William Price. Il est prêt à tous les subterfuges pour avoir accès aux grandes forêts de pins, jouant la Société des Vingt-et-un contre un Peter McLeod qui donne froid dans le dos.
Le rêve
François Simard, fils de Thomas, hésite entre la vie des Sauvage et celle des Blancs. Il a vécu son enfance au Saguenay avec ses amis Montagnais, hérité du goût de l’aventure de son grand-père Ange, un terrible malcommode. Cela ne l’empêche pas de rêver de s’assagir tout en vivant en homme libre.
«Il lui parlait encore et encore de son grand-père Ange Simard. Et du projet qu’il avait de se faire un jour une terre à lui dans la seigneurie de Murray Bay, entre la montagne et la mer. Il aurait des animaux, de la forêt, de la prairie, un gros ruisseau, une femme et des enfants. Une goélette aussi, comme son père et son grand-père. Et il serait toute sa vie un homme libre. Il ne travaillerait plus jamais dans les chantiers, ni pour les Anglais, ni même pour les Canadiens.» (p.19)
Il se retrouve mêlé à la révolte des Patriotes avec Julien et Marie dont il devient l’amant. Une femme passionnée, possessive et idéaliste. Il croise Chénier et différents chefs des insurgés, participe aux grandes réunions et aux escarmouches de Saint-Eustache. Il se rend vite compte que cette guerre est un véritable suicide.
«Plus les jours passaient, plus cette rébellion apparaissait dérisoire à plusieurs ; et illusoire la victoire. D’autant plus que, même parmi les meneurs, plusieurs suggéraient maintenant de lever le camp et laissaient entendre que Scott avait sans doute eu raison de partir. Même Chevalier de Lorimier, que personne ne pouvait accuser d’être un pleutre ou de vouloir protéger ses biens, était de cet avis.» (p.179)
François retourne à La Malbaie pour échapper à la police qui traque les rebelles, participe à l’aventure du Saguenay avec Alexis Tremblay et son père Thomas.
Premiers moments
Le lecteur vit les premiers moments de la nouvelle colonie. La nature est époustouflante, généreuse et le rêve tout aussi démesuré. On s’invente un pays, on combat le froid et la neige, on se heurte à Peter McLeod qui exploite autant les Montagnais que les Blancs. Les figures historiques défilent. William Price, Peter McLeod, Philippe Aubert de Gaspé père et fils, le journaliste Napoléon Aubin, Alexis Tremblay, Thomas Simard et Michel Simard qui s’installe à l’Anse-aux-Foins. Les femmes sont frondeuses et vivent l’amour sans trop se soucier des sermons du curé.
François rencontre Laurence à Caille, son rêve d’amour après bien des hésitations et des aventures, des combats où il frôle la mort.
Georges-Hébert Germain suit les gens de La Malbaie qui rêvaient d’un nouveau pays, avaient peine à croire aux manigances de William Price qui a fini par s’emparer du Royaume.
Des rêves brisés, mais une énergie et une volonté indomptables. L’espoir, l’amour, un coin de terre dont on trace les frontières à grands coups de hache permettent de réussir l’impossible. Un roman humain, touchant qui suit des personnages subjuguants. Il le fallait pour conquérir un Royaume. Une épopée, une fresque qui nous retient du début à la fin. Une belle manière de revivre les premiers moments d’une colonie qui allait devenir le Saguenay et le Lac-Saint-Jean.
«La fureur et l’enchantement» de Georges-Hébert Germain est publié aux Éditions Libre Expression.
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