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dimanche 5 août 2012

Marcel Moussette visite l’histoire par sa famille

Marcel Moussette, dans «La photo de famille», réalise un rêve que j’ai caressé longtemps. Combien de fois j’ai fouillé dans la boîte de photos de ma mère pour m’arrêter devant des personnages étranges et fascinants. Les photos en noir et blanc et parfois couleur sépia m’attirent toujours. Les visages bien sûr, mais aussi les costumes qui témoignent d’une autre façon de vivre et parfois un bout de décor qui fait découvrir un monde qui a bien changé.

Une manière d’apprivoiser sa famille, des oncles, des tantes, des cousins en visite et souvent aussi des inconnus. Je suis souvent demeuré perplexe devant des hommes à grosses moustaches ou encore des femmes à l’air sévère. Qui sont-ils? Pourquoi ils sont là et quels sont leurs liens avec mes proches? Des jeunes femmes aussi aux cheveux bouclés, comme le voulait la mode de l’époque, sont devenues des grands-mères. Photos de mariages, de rencontres familiales, de chantiers où mon père a travaillé pendant des années.
Ma mère a fini, après mes demandes répétées, par écrire des noms derrières les clichés. C’est ainsi que j’ai retrouvé un grand-père maternel qui était demeuré un inconnu. Il est mort avant ma naissance. Les indications de ma mère demeurent très laconiques pourtant. Des prénoms qui, souvent, ne me disent rien. Comme si une partie de ma famille glissait lentement dans l’oubli.

Histoire

«Cette photo, je l’ai reçue à La Prairie, il y de cela une dizaine d’années, des mains de ma mère maintenant décédée, à un moment où elle avait pris la décision de mettre de l’ordre dans ses affaires. Elle m’a dit, sans plus : «Prend donc ce vieux portrait, emporte le avec toi : c’est ta grand-mère Moussette avec sa famille, celle du côté de Caughnawaga.» (p.13)
La grand-mère de l’auteur est assisse à droite, au bout de la première rangée, avec un bébé de quelques mois sur les genoux. Son père. Des gens âgés, des enfants, des jeunes hommes, des femmes qui semblent de la famille mais dont il ignore l’identité. Quels sont les liens avec sa famille et pourquoi certains sont absents. L’ancêtre, au centre, l’air sévère avec sa robe noire, apparaît comme le pivot du clan. Une famille particulière avec un côté métis. Presque tous vivaient à La Prairie, tout près de la Réserve de Kahnawake.
Recherche

Marcel Moussette, archéologue de profession, tente d’identifier les figurants de cette photo prise un beau jour d’été de l’année 1912. Sa grand-mère était alors une toute jeune femme au sourire un peu triste.
Il entreprend, c’est inévitable, de ressasser des secrets que l’on évoque avec difficulté dans toutes les familles.
Son arrière grand-mère, Charlotte Giasson, est née à Kahnawake et était Mohawk.
«Moi qui suis née ici, fille d’Akat Konwaronhiotakwen, petite-fille de Charlotte Tsionnona et arrière-petite-fille d’Agathe Anaiecha.» (p.169)
 Les affrontements entre Blancs et Autochtones sur la Réserve semblent récurrents. Certains veulent chasser les métis et les Blancs de la Réserve. Cela a mal tourné dans le cas de sa famille. Osias Meloche, l’époux de Charlotte Giasson, son arrière-grand-père, est mort de façon atroce dans l’un de ces affrontements en voulant sauver ses chevaux.
«C’est à ce moment exact qu’elle a vu, bien vu, deux ombres sortir de la nuit. L’une a refermé la porte de l’étable derrière pepère Meloche et l’a coincée avec un bout de bois, tandis que l’autre vargeait à grands coups de bâton sur Delvide et William qui ne comprenaient plus rien à ce qui se passait.» (p.160)
Marcel Moussette évoque la discrimination vécue par les femmes qui perdent leur droit en épousant un Blanc, exhibe des affiches qui donnent froid dans le dos.

Éclatement

Un oncle, après la mort de sa femme, migre aux États-Unis avec la moitié de sa famille. Il y refera sa vie et ses enfants deviendront des Américains. Jamais il ne voudra revenir au Canada pour voir ses filles qu’il a confiées à sa mère en partant. Montréal devient un refuge pour plusieurs. Des liens subsistent et d’autres s’étiolent.
Des drames, des amours malheureux, de grandes passions, du travail pénible pour survivre, des maladies, des déchirements comme on en vit dans toutes les familles.
Comme quoi la grande histoire, celle que l’on retrouve dans les livres, passe par les gens ordinaires. Une manière de revisiter le passé d’une façon particulièrement originale. Des témoignages touchants et émouvants.
Marcel Moussette m’a convaincu. Il faut revenir à mes photos de famille. J’y découvrirai des personnages et peut-être aussi des secrets que jamais personne n’a osé aborder lors de ces rencontres où tous se mettaient sur son trente-six pour le photographe. Une époque, mon histoire familiale et aussi celle du Québec et d’un village qui a bien changé.
Cette photo a été prise un beau jour d’été de l’année 1912. La grand-mère de l'auteur était alors une toute jeune femme. On la voit au bout de la première rangée, à droite, avec son père sur les genoux.



«La photo de famille» de Marcel Moussette est paru chez Lévesque Éditeur.

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