Hélène Rioux revient avec le troisième
volet de «Fragments du monde, Nuits blanches et jours de gloire». J’ai dû faire
un effort pour me replonger dans cet univers qui nous entraîne aux quatre coins
de la planète. Le temps estompe un peu les personnages de cette fresque et il
faut se donner un peu de temps avant de faire les liens.
Ernesto Léri approche ses
cent ans et retrouve sa Toscane natale. Un coup de fouet, un véritable sursaut d’énergie.
Des souvenirs, des fragments, c’est à peu près tout ce qui lui reste. Le monde
rapetisse à mesure que l’âge se fait lourd. Un petit excès et voilà le grand
virage.
«Il voulait revoir la Toscane
et maintenant, on dirait qu’il ne la quittera plus. En sortant de la chambre
tout à l’heure, le médecin a murmuré qu’il ne passerait pas la nuit.» (p.63)
Ses proches retiennent leur
souffle. Des cousines, une fille, ses serviteurs et son biographe. La famille avec
ses rancunes et ses tensions. Vickie deviendra peut-être une autre avec la mort
de son grand-père et en étant mère. Jenifer, la fille parfaite, semble sur le
point de secouer sa vie. Deux contraires que ces cousines que la mort rapproche
et éloigne.
La loterie
À Montréal, au Bout du Monde,
la fébrilité règne. Jean-Charles a quitté son épouse pour une agente
immobilière qui veut moderniser le bistrot au grand désespoir des employés et
des clients. La modernité bouscule le passé.
Un billet de loterie, un gain
appréciable pour Diderot Toussaint. Il en faut moins pour perturber ce petit
univers. C’est la fête, les projets, le rêve. Tous félicitent le «nouveau
riche» sauf Raoul qui accuse son ami de trahison.
«Il sort de sa poche le
billet gagnant, le tend à Raoul.
«Donnes-y pas!» hurle Denise.
Mais trop tard. Raoul a
allumé son briquet. Et devant six paires d’yeux incrédules, deux cent trois
mille dollars sont aussitôt – il n’a pas fallu cinq secondes – réduits en
cendre et en fumée.»(p.39)
Plus rien ne pourra être
pareil au Bout du Monde.
Changements
Daphnée joue au pirate dans
les mers du Sud. Elle a proféré des horreurs sur son père adoptif à la
télévision, on s’en souvient.
«Elle n’avait rien prévu,
elle se répète ça. Parce que le souvenir est là, bien incrusté, une tache
indélébile qui brûle sa mémoire. Cette émission de télévision durant laquelle
elle avait raconté des horreurs sur son père adoptif.» (p.128)
Elle tente d’oublier mais n’y
arrive pas. On ne saborde pas sa vie sans en subir les conséquences.
Andy le critique s’est exilé
à Paris pour écrire le chef-d’œuvre. Du moins il en est persuadé. Son rêve prend
fin quand une bombe explose dans le café où il allait écrire la phrase qui
ébranlerait le siècle.
Marjorie Dubois prépare un
nouveau personnage. La comédienne tente de tout apprendre sur la Malèche, une
femme fascinante et troublante qui a servi d’interprète à Cortes lors de la
conquête du Mexique. Ce sera son grand rôle.
Un départ, des fuites, des
espoirs, des déceptions, des gestes irréfléchis qui ne peuvent s’effacer. Un
monde immense et pourtant si petit.
La vie
Hélène Rioux est une
observatrice formidable qui joue de tous les instruments. Elle entraîne son
lecteur dans le quotidien tout en gardant la littérature et certains écrivains à
l’oeil. Traductions, créations, musique, cinéma constituent la trame de cette
immense toile qui peut prendre toutes les directions. Du drame à l’humour, il y
a de quoi souhaiter un autre volet à cette galaxie qui n’en finit pas de
prendre de l’expansion.
Un texte humain, savoureux,
dramatique et beau de tendresse. Presque tous les personnages tentent
d’échapper à la routine qui étouffe et écrase. Certains commettent
l’irréparable tandis que d’autres y arrivent tout doucement après bien des
épreuves. Rien n’est facile dans le monde d’Hélène Rioux. Tout se gagne et se
mérite. Et même la plus belle des réussites se confronte un jour ou l’autre à
la mort. Peut-être qu’il reste la création, l’écriture, la musique, le cinéma pour
trouver une forme d’immortalité. Je veux bien y croire.
«Fragments du monde III, Nuits blanches et jours de
gloire» d’Hélène Rioux est paru chez XYZ Éditeur.
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