Bïa s’est imposée comme chanteuse au Québec. Si le prénom est familier, il faudra tenir compte maintenant de Krieger, son nom de famille. «Les Révolutions de Marina» nous plonge dans les pérégrinations qui ont marqué son enfance.
Militants engagés, ses parents devaient changer d’identité et se déplacer constamment pour échapper à la police et à la dictature.
«Ceux, qui, comme mes parents, ne croyaient pas à la violence comme moyen pouvant servir des fins légitimes, vouaient leur existence à la diffusion d’organes d’information illégaux, à l’organisation de syndicats, à la sensibilisation des masses laborieuses et à la pénétration des idées libertaires tant dans les couches opprimées que chez les intellectuels du pays.» (p.14)
«Ceux, qui, comme mes parents, ne croyaient pas à la violence comme moyen pouvant servir des fins légitimes, vouaient leur existence à la diffusion d’organes d’information illégaux, à l’organisation de syndicats, à la sensibilisation des masses laborieuses et à la pénétration des idées libertaires tant dans les couches opprimées que chez les intellectuels du pays.» (p.14)
Pendant ces disparitions, la jeune Marina se retrouvait chez ses grands-parents maternels. Un couple conservateur, mais des gens généreux qui n’hésitaient jamais à aider leurs enfants.
Le goût de l’exil
Marina prend goût à ces exils qui la mèneront dans différents pays d’Amérique du Sud. Particulièrement le Chili pendant le court règne de Salvador Allende. Ses parents y trouvent du travail et peuvent enfin vivre au grand jour, n’ayant plus à dissimuler leurs idées et leurs croyances. Tout semble possible pendant cette période d’euphorie.
«J’aimai le Chili. Son air froid et sec qui faisait geler les crottes de nez, provoquant sans cesse des saignements de narines. Son peuple si taciturne, grave, mélancolique et assoiffé de poésie, ces visages homogènes, cette parfaite chiliennitude faite de cheveux noirs de jais, d’yeux légèrement bridés, de pommettes hautes et de peaux mates, de femmes sérieuses et sans fard et d’hommes introspectifs épargnés par la calvitie.» (p.69)
Le rêve ne durera pas. Il faudra s’exiler au Portugal cette fois, composer avec une société sclérosée.
Le Brésil
Et après bien des déplacements, des escales chez les grands-parents, elle retrouve le Brésil à l’âge de l’adolescence.
«Je débarquai au pays du dévergondage, où l’on expose les rondeurs charnues sans y penser, où l’on s’appelle «mon amour» et «chéri» à la caisse du supermarché ou dans l’autobus. «Tu n’as pas l’appoint chérie?» «Ah, désolée, mon cœur ! Je n’ai aucune monnaie !» Le langage corporel, le ton de voix langoureux et les attouchements triviaux du plus banal échange carioca seraient passés à Lisbonne pour une invitation à la débauche; et sous ces gais tropiques les bikinis tenaient moins de place qu’une balle de ping-pong dans une main fermée. J’étais dépaysée dans mon propre pays.» (p.35)
Témoignage
Apprentissage des langues, découverte de la différence, Bïa Krieger témoigne de son vécu simplement. La fillette montre une capacité de résilience et d’adaptation exceptionnelle.
Le récit passe de la vie de l’enfant à celle de l’adolescente qui connaît ses premiers émois avec des garçons pour replonger dans ses premières années. Une fois familiarisé avec ces allers et ces retours, on suit la narratrice avec plaisir.
Bïa Krieger est plus qu’une chanteuse. Elle démontre dans «Les Révolutions de Marina» un talent d’écrivaine.
«Les Révolutions de Marina» de Bïa Krieger est publié aux Éditions du Boréal.
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