Ceux et celles qui rêvent d’écrire se heurtent souvent à un écrivain qui les bouleverse et les subjugue. Cet auteur devient un modèle, pire, une obsession.
Habituellement, le tout passe par une lecture boulimique des œuvres de l’idole. Au pire, on s’y attarde, y revient pour apprendre des extraits de mémoire. Et, si l’écrivain est toujours vivant, on tentera de le croiser lors d’un événement public.
Victor-Lévy Beaulieu a rôdé autour de James Joyce pendant toute sa vie et cela a donné l’ouvrage bouleversant qu’est «James Joyce, l’Irlande, le Québec, les mots».
Danielle Laurin a découvert Marguerite Duras à dix-neuf ans. Ce fut l’éblouissement. «Un livre fait pour moi, qui me dit moi.» «Le ravissement de Lol. V. Stein» la heurte de plein fouet, comme si un autobus l’avait renversée, rue Saint-Denis, à Montréal.
Passion
Madame Laurin lira tout de Duras, visionnera ses films et arrivera à les connaître image par image, réplique par réplique presque. Marguerite l’obsède et elle cherche par tous les moyens à «entrer» dans sa vie. Elle écrit des lettres sans jamais recevoir de réponse. Duras ignore les missives fort nombreuses de ses admirateurs. Danielle Laurin se rend à Paris pour la rencontrer. La Duras ne reçoit pas. Elle lui parlera au téléphone à quelques reprises tout au plus, même si elle assiège sa résidence. Elle rencontrera son fils, plus ou moins brouillé avec une mère pas comme les autres, Yann Andréa et François Mitterrand. Des manœuvres pour cerner son idole, mieux la comprendre et l’aimer.
Le lecteur, qui a lu la biographie de Laure Adler ou d’Alain Virconcelet, n’apprendra pas de faits nouveaux sur Marguerite Duras. Ce qui importe dans «Duras, l’impossible», c’est ce magnétisme que l’auteure de «L’amant» exerçait sur ses admirateurs. Elle les envoûtait et les retournait corps et âme. Ils étaient des possédés qui vivaient et pensaient comme elle. Yann Andréa et Alain Virconcelet en témoignent. Andréa y a laissé sa vie et sa pensée presque. Danielle Laurin ira jusqu’à arpenter les lieux de «L’amant» au Vietnam pour entendre le souffle et les rires de la jeune Marguerite.
Envoûtement
Madame Laurin se confie à son idole, questionne, raconte sa vie à la manière de l’auteure d’«Un barrage contre le Pacifique» dans «Duras, l’impossible». Un murmure, un souffle pour se libérer de l’envoûtement. Pourtant, l’entreprise s’avère quasi impossible. On n’échappe pas à Marguerite Duras.
«Il est temps pour moi d’en finir avec vous. C’est ce que je voulais vous dire. Impossible, pourtant. Je vous porte en moi, vous êtes encore là. Toujours vivante, pour moi aussi. On y revient toujours à Duras, oui… Ça peut sembler étrange, mais je n’ai pas du tout l’impression d’écrire à une morte. Je voulais que vous le sachiez.» (p.96)
Danielle Laurin se livre avec une franchise totale et ne néglige aucun coin obscur dans ces récits denses, cette confession qui prend le ton d’une suite de lettres à Marguerite. C’est peut-être le miracle Duras qu’elle effleure, cette force mystérieuse qui la pousse à écrire l’inavouable et à plonger dans une forme d’exorcisme.
«Duras, l’impossible» de Danielle Laurin est paru aux Éditions Varia.
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