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mardi 14 décembre 2004

Mathieu Arsenault s’attarde aux jeunes

Mathieu Arsenault en est à sa première plongée dans le roman et il bouscule les règles et toutes les convenances dans «Album de finissants». On n’en attend rien de moins d’un jeune écrivain qui cherche à transformer le monde par l’écriture. Il faut du culot et toutes les audaces pour se lancer dans une pareille aventure.

Des garçons et des filles, des révoltés, des marginaux, des doués et des oubliés parlent de l’école, de leur réalité et de leur monde asphyxiant. Des clichés s’y succèdent, des sourires plus ou moins confiants devant l’avenir qui s’ouvre sur tous les horizons. Est-ce une fin ou un début? Comment savoir? Des élans, des colères mais surtout un milieu qui écrase autant les doués que ceux qui sont largués. Un rap sans fin qui martèle une longue confession qui donne des frissons.
Comme dans ces albums de fin d’année où l’on surprend un chapelet de visages qui ont su résister à l’épreuve mais qui semblent effarouchés devant l’avenir.
«Plus je me débats plus ça se resserre l’étudiant modèle sur les dents poussin courbé lapin étouffe dans un collet mais il sourit quand même quand il reçoit sa belle note de fin d’étape signez signez parents de février au sinistre bulletin des choses signez au stylo sur les lignes de genévrier pleines de la neige de celui qui n’en finit plus de tomber au stress de performer à l’école comme dans la vie tes notes c’est tout ce que t’as mon grand garçon fais pas honte à ton éducation.» (p.25)

Matières

Mathieu Arsenault évoque les matières que les étudiants doivent fréquenter quand ils subissent les lois des professeurs et des parents. Une sorte de jubilation qui débouche sur des moments particulièrement intéressants quand il bascule du côté des mathématiques ou des sciences. Un beau délire.
«En biologie le monde est si petit il y a le jour et la nuit y a la mer et y a la pluie en fines particules qui tournent en cycle à la page cent trente-six mais c’est à la dernière page que je voudrais me coucher d’avoir tout su perdu dans le blanc de la page de garde ma chérie tombe ruisselée évaporée reste près de moi encore une pluie que les flèches du tableau 5.8 font tomber sur mon corps tordu je suis fait en papier tu m’allumes tu me brûles tu me fus et je pars en fumée dans ton nuage d’école en feu qui nous réchauffe le cœur ma vapeur monte et je suis diffus enfin.» (p.108)
Au diable les règles et la ponctuation! Arsenault déconstruit la langue et bouscule la grammaire. Il s’abandonne à la frénésie du dire et s’amuse avec les images tel un cracheur de feu.
«Le petit lapin. Quand le printemps revient de nouvau virgule quant le printamps revien de nouveau virgule tous les annimaux de la forêt surgicent de l’heure tanniêre le preintemp revient de nouveaux virgule tous les animmaux de la forèt surgisse de leurs tanières et retrouve le soleil point tout les animeaus de la forait suregisent de leurs taniaire et retrouvouvent le soleille poing…» (p.7)
Autant se laisser emporter par la magie de cette écriture qui bondit dans toutes les directions. Exigeant pour le lecteur mais l’aventure en vaut le coup.
«Viens m’embrasser en plein cours dégrafe ton soutien-gorge je veux me coucher dans la chaleur de ton corps grande chaleur peau sur mon bureau pour dormir et rêver peut-être mais dans ce rêve suivre encore le cours et viens me border plus profond encore jusqu’à la folie je me lève sans rien dire à personne et je sors en plein examen pour je sais pas quoi je sais rien l’examen reste blanc comme ta petite culotte que je cherche à tracer sur ma feuille les lettres s’arrêtent sur ton nom à chaque question j’écris rien je calcule rien je pense à rien la tête couchée sur mon bureau end on the line fin de la corde à linge tout sèche tout cours pour rejoindre mon amour dans le blanc d’examen dans le zéro pour cent du monde.» (p.81)

Mathieu Arsenault, «Album de finissants» de Mathieu Arsenault est paru aux Éditions Triptyque.

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