mardi 1 mai 2012

Le beau voyage de Serge Fisette au pays de l’enfance


Marguerite Duras, quinze ans après sa mort, fascine nombre d’écrivains. Tout comme elle a subjugué Yann Andréa qui lui a envoyé des lettres pendant des années avant de vivre avec elle.

Serge Fisette écrit à Yann Andréa qui, après le décès de la romancière, a publié quelques livres émouvants. Il a fait preuve d’une fidélité sans faille, d’un dévouement où il était «l’ange» de la romancière et de la cinéaste.
Je vous écrit, Yann Andréa, comme vous l’avez fait à Marguerite Duras. Des lettres que vous lui envoyez durant des mois, des années jusqu’au jour où elle dit: venez!» (p.7)
La longue lettre de Fisette prend les méandres du souvenir et de l’enfance. Il retrouve le petit garçon qui tourne le dos à la violence du père et qui restera traumatisé par une correction.
«Je suis au milieu du couloir, cet entre-deux qui va de la cuisine au salon. Je regarde, d’un côté, les hommes rivés au téléviseur, un match de sport qui ne m’intéresse pas ; de l’autre, les femmes qui jasent. Où aller, avec eux, avec elles? Je ne bouge pas, les bras le long du corps. Soudain je vois la place que j’occupe: un lieu de passage, déraciné, ce soir de Noël, la singularité, la divergence.» (p.27)
Un jeune garçon différent qui oscille entre le monde des hommes et des femmes, entre son milieu pauvre et celui des plus riches qu’il fréquente au collège. Son orientation sexuelle aussi qui le perturbe. Duras, malgré toute l’admiration qu’il éprouve pour elle, n’est qu’un prétexte pour regarder derrière son épaule.
Fidélité

Serge Fisette, au gré de ses voyages, de ses amours, revient à l’auteure de «L’Amant», croit la surprendre dans un hôtel du Sud. Il fera un pèlerinage en France, se désolera des dernières publications de Yann Andréa. C’est peut-être une réflexion sur l’écriture qui finit par imprégner tout ce récit.

«Car l’écriture prouve bien que tout n’est pas perdu, un fait irréfutable que j’existe bel et bien. Les mots, lorsqu’on a la foi, ont la faculté de nous faire renaître, de transfigurer l’âme, le corps, jusqu’à devenir de la lumière, jusqu’à devenir  bienheureux. Cette conversion reproduit chaque jour dans le monde: l’élévation du corps, de l’hostie. Autrement c’est la nullité.» (p.73)
Serge Fisette possède un sens de l’image certain. Il procède par petites touches pour inventer un portrait ou une scène marquante. C’est toujours juste, chaud et sensuel. Une belle manière de s’adresser à «l’ange» qui se tapit dans l’ombre mais qui finit toujours par s’éloigner.

«Un été par la suite» de Serge Fisette est paru aux Éditions Les heures bleues.

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