Marguerite Duras, quinze ans
après sa mort, fascine nombre d’écrivains. Tout comme elle a subjugué Yann
Andréa qui lui a envoyé des lettres pendant des années avant de vivre avec
elle.
Serge Fisette écrit à Yann
Andréa qui, après le décès de la romancière, a publié quelques livres émouvants.
Il a fait preuve d’une fidélité sans faille, d’un dévouement où il était «l’ange»
de la romancière et de la cinéaste.
Je vous écrit, Yann Andréa,
comme vous l’avez fait à Marguerite Duras. Des lettres que vous lui envoyez
durant des mois, des années jusqu’au jour où elle dit: venez!» (p.7)
La longue lettre de Fisette prend
les méandres du souvenir et de l’enfance. Il retrouve le petit garçon qui tourne
le dos à la violence du père et qui restera traumatisé par une correction.
«Je suis au milieu du
couloir, cet entre-deux qui va de la cuisine au salon. Je regarde, d’un côté,
les hommes rivés au téléviseur, un match de sport qui ne m’intéresse pas ; de
l’autre, les femmes qui jasent. Où aller, avec eux, avec elles? Je ne bouge
pas, les bras le long du corps. Soudain je vois la place que j’occupe: un lieu
de passage, déraciné, ce soir de Noël, la singularité, la divergence.» (p.27)
Un jeune garçon différent qui
oscille entre le monde des hommes et des femmes, entre son milieu pauvre et
celui des plus riches qu’il fréquente au collège. Son orientation sexuelle
aussi qui le perturbe. Duras, malgré toute l’admiration qu’il éprouve pour
elle, n’est qu’un prétexte pour regarder derrière son épaule.
Fidélité
Serge Fisette, au gré de ses
voyages, de ses amours, revient à l’auteure de «L’Amant», croit la surprendre
dans un hôtel du Sud. Il fera un pèlerinage en France, se désolera des
dernières publications de Yann Andréa. C’est peut-être une réflexion sur l’écriture
qui finit par imprégner tout ce récit.
«Car l’écriture prouve bien
que tout n’est pas perdu, un fait irréfutable que j’existe bel et bien. Les
mots, lorsqu’on a la foi, ont la faculté de nous faire renaître, de
transfigurer l’âme, le corps, jusqu’à devenir de la lumière, jusqu’à
devenir bienheureux. Cette conversion
reproduit chaque jour dans le monde: l’élévation du corps, de l’hostie.
Autrement c’est la nullité.» (p.73)
Serge Fisette possède un sens
de l’image certain. Il procède par petites touches pour inventer un portrait ou
une scène marquante. C’est toujours juste, chaud et sensuel. Une belle manière
de s’adresser à «l’ange» qui se tapit dans l’ombre mais qui finit toujours par
s’éloigner.
«Un été par la suite» de Serge Fisette est paru aux
Éditions Les heures bleues.
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