dimanche 12 décembre 1999

Le lecteur rate une belle aventure

Jean-Louis Roy nous entraîne dans un autre monde avec «Le pèlerin noir». L'auteur a choisi de remonter jusqu'à l'an 1323, de suivre un jeune africain, le Kankan Moussa, roi de Niani, dans son pèlerinage à La Mecque. L'expédition est hors du commun puisque le monarque se déplace avec une suite de huit mille personnes. C'est une petite ville qui traverse le désert avec ses esclaves, les soldats, les conseillers et les serviteurs, les artisans, les ambassadeurs, les femmes et les enfants. Le jeune monarque veut tout savoir des nouveautés monde, des découvertes et des grandes pensées qui font battre le coeur de son époque. Le voyage durera des années, permettra au roi et à sa suite de rencontrer les philosophes, des gestionnaires, des savants, des poètes et les administrateurs qui forgent l’avenir comme une pièce de métal sur l'enclume.
Le lecteur était en droit de s'attendre à une «connaissance» de l'époque puisque nous passons par Bagdad, Marrakech, empruntons les grandes routes où les caravanes, en plus des produits, font circuler les idées. Malheureusement, Jean-Louis Roy évite le sujet. Jamais il ne traduira le contenu de ces rencontres, n'osera les imaginer ou ne se risquera à rêver le monde que traverse le Kankan Moussa. Il reste en retrait, se répète dans de vagues descriptions, s'attarde sur des Mosquées, des palais et il ne dit rien de plus que ce que pourrait révéler un guide touristique. Le lecteur est gardé hors du voyage initiatique et le récit devient vite sans intérêt et répétitif. Si le Kankan Moussa a été transformé par des rencontres, des discussions, en tant que lecteur, je n’en ai rien su et c’est fort décevant.

Manque

Il manque à ce récit une écriture somptueuse pour transcrire la connaissance et la pensée de l'époque, une chaleur et une sensualité qui trahissent la vie. Roy se fait connétable et répète inlassablement des chiffres et des nombres. Et ce n'est pas en semant ici et là des extraits du Coran ou des poèmes que nous pénétrons la pensée, la philosophie du monde du Kankan Moussa. Il aurait fallu une interprétation et un souffle. Jamais le récit ne lève, jamais nous n'embarquons dans ce fabuleux voyage et j’en suis déçu, pour ne pas dire frustré d’avoir raté une si belle aventure.

«Le pèlerin noir» de Jean-Louis Roy est paru chez, Hurtibise HMH.

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