Stanley Péan vient de publier une suite de courts récits qui ont la particularité de nous «mener en taxi». Cet écrivain est un cas. Imaginez! Il n'a jamais éprouvé le besoin de domestiquer l’invention du siècle dernier. Pour la plupart des hommes, c’est une question de virilité et d’affirmation. Peut-être qu’il était trop tourmenté par les choses de l'esprit et la littérature.
«Dans mon cas, cette idée reçue est plutôt incongrue et vous me permettrez d'en expliquer la raison par une confession, à peine concevable en cette ère où la virilité d'un homme semble parfois liée au modèle de son automobile: je n'ai pas de permis de conduire, je n'ai même jamais appris à conduire. Je ne pourrais même pas expliquer pourquoi je ne m'en suis jamais donné la peine. C'est comme ça, tout simplement.» (p.12)
Voyage
«Taximan» regroupe des textes qui vont de l'époque du cégep de Jonquière à sa dernière participation au Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean, l'automne dernier. Plusieurs années quoi!
Des rencontres, des personnages qui vivent au volant et qui hantent les rues, autant à Québec qu'à Montréal. Dans la région aussi il y a des maniaques du volant très particuliers. Parce que Stanley Péan voyage souvent, fait mille choses et se déplace beaucoup. Et avec son handicap, il est toujours dans un taxi à écouter et à discuter. Un livre qui lui a coûté pas mal d’argent, j’imagine!
Les mêmes conducteurs apparaissent et ils finissent par devenir des familiers et des intimes.
«D'où l'idée de ce bouquin, qui s'inspire de propos entendus et d'anecdotes vécues sur la banquette arrière de ces véhicules. Je l'ai conçu comme une suite de petits flashes, un florilège d'esquisses croquées sur le vif, d'amorces de réflexion jamais plus longues que la course en taxi qui les a provoquées.» (p.13)
Bien sûr, entre les arrivées et les départs, le lecteur se familiarise avec des gens qui connaissent la ville comme le fond de leur cendrier. Des courses qui nous plongent, surtout à Montréal, dans la communauté haïtienne.
«Originaire de Port-au-Prince, j'ai passé toute ma jeunesse à Jonquière, où mes parents se sont installés l'année même de ma naissance. Québécois, certes, mais avec des racines dans un pays que j'ai appris à connaître à travers la mémoire d'autrui: Haïtien par le sang, mais élevé dans un milieu radicalement différent de la terre de mes aïeux. Québécois et Haïtien, donc, à la fois l'un et l'autre et pourtant ni tout à fait l'un, ni tout à fait l'autre.» (p.23)
Un mélange qui fait de Stanley Péan un étranger pour ces frères qui le traitent de Blanc parfois. Oui! Ils le confondent aussi avec Danny Laferrière.
Surprises
Stanley Péan, dans «Taximan», révèle un écrivain attentif, humain, capable de tendre l'oreille et d'échanger avec des gens qui sillonnent Montréal tout en donnant l’impression de vivre à Haïti, branchés qu’ils sont sur une radio qui diffuse des propos et des musiques de leur pays. Recroquevillés, comme toutes les communautés qui s'installent à l’étranger. Radio nostalgie.
Péan écoute, décrit et se confie, livre de grands pans de son enfance et de sa vie. Il s’en dégage toujours un portrait juste et émouvant. Les surprises ne manquent pas. Un plaisir!
Oui, avec Stanley Péan, l'aventure débute sur un trottoir. Il suffit d’arrêter une voiture pour basculer dans une autre réalité.
«Taximan» de Stanley Péan est publié aux Éditions Mémoire d'encrier.