La semaine de prévention du suicide se termine. L’occasion est bonne de s'attarder à la première publication de Marie-Chantale Gariépy, une écrivaine de trente ans à peine. Quel livre dérangeant et questionnant! «Sparadrap» bascule dans l'univers de Fugue Malrot qui cherche à en finir avec la vie depuis son premier cri. Hasard ou chance? Elle n'arrive jamais à ses fins même si le goût de la mort lui colle aux lèvres.
Récit, lit-on en page couverture. Pourtant, le mot «roman» apparaît à l’intérieur. Étrange... Le poids du texte n’est pas le même quand nous prenons la piste du récit ou de la fiction. Jetons un regard attentif.
Fugue Malrot, jeune femme trouvée dans les draps d'un pénitencier à sa naissance, va de tentative en tentative de suicide. Sa mère était incarcérée. Après un ultime essai, nous la retrouvons à l'hôpital et dams une institution psychiatrique.
Des chapitres tranchés au couteau décrivent cette descente aux enfers, jusqu'au coma, à la lisière de la mort, quand elle refuse tout aliment. Dans un second mouvement, le compte à rebours s’amorce. Nous suivons aussi un psychiatre pendant l’internement.
Un combat
«Je suis un coin, un «vous ne pouvez pas aller plus loin», une impasse en quelque sorte. J'élève mes propres murs sans m'en apercevoir, je le fais dès que j'ai le dos tourné. Mon silence est devenu un insupportable vacarme. À la campagne ou au bloc ambulatoire, je n'envisage jamais qu'une seule option. Qu'on me laisse faire, qu'est-ce que ça peut bien changer pour eux? Je n'ai rien. Rien. C'est pour ça qu'il me faut combler le vide avec la mort.» (p.53)
Le lecteur bute à chaque phrase, se débat avec la logique de la narratrice. Peut-on nier la vie, piétiner tout espoir? Difficile de croire que l'on imagine la paix ou le bonheur dans la mort.
Retour
Une voix arrive au cerveau de Fugue. Une femme raconte l’histoire que la jeune femme a toujours voulu entendre. Sa mère se transforme. Enfin de la tendresse, de l’amour et de la chaleur humaine.
«Je prends la décision de ressurgir. Ce sera bien la première fois, voilà que je me sauve moi-même. Cruelle ironie. Je veux voir cette voix.» (p.113)
La voix la ramène à la vie comme un pêcheur le fait avec sa prise. Pourra-t-elle aimer ou être aimée?
Le Dr. Cournachond, ou Cornichon comme le nomme Fugue, ne l'entend pas ainsi. Il repousse la fiction de l’infirmière Janson. Il ne croit qu’à la logique même quand elle est tordue. Les fables ou les histoires, peut-être la littérature en fait, ne sauront jamais guérir.
Marie-Chantale Gariépy défait les noeuds, fracasse toutes les certitudes et à la fin, au dernier mot, dans un dernier souffle, elle abandonne son lecteur. Un texte qui broie le coeur et l'esprit. Un renversement comme un coup de massue.
Dans de très courts chapitres, elle parvient à nous ramener l'enfance de Fugue, à esquisser l’institution et le personnel où elle enferme le lecteur. Peut-être pour découvrir le malaise d’une génération.
Marie-Chantale Gariépy s'en tient à une écriture simple et efficace. C’est fort heureux! L’histoire parle d’elle-même et n’a besoin d’aucun artifice.
«Mourir ne s'apprend pas, c'est un savoir qui vous est donné à la naissance, un départ depuis toujours amorcé.» (p.106)
«Sparadrap» de Marie-Chantale Gariépy est paru aux Éditions Marchand de feuilles.
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