Qu’est-ce qui pousse un homme
ou une femme à partir au bout du monde pour plonger dans des guerres, des
conflits qui précipitent les humains dans le plus terrible des drames?
Danielle Laurin, dans «Promets-moi que tu reviendras
vivant», a questionné ces guerriers
de l’information qui mettent souvent leur vie en danger pour être sur place, là
où ça se passe.
Frédérick Lavoie raconte ses déplacements dans l’ex-empire de l’URSS,
refusant tous les privilèges que peut lui accorder le statut de journaliste. Il
préfère vivre avec les victimes, les déportés, des réfugiés qui subissent les
révolutions ou qui s’accommodent de la dictature et de la répression.
Avec le démantèlement de l’URSS en 1991, une foule de républiques, après
l’occupation russe qui a marqué profondément les mentalités, se sont retrouvées
désorientées. L’occasion était trop belle pour les mégalomanes, tous issus de
l’ancien appareil communiste étatique, de s’approprier le pouvoir et d’imposer
une dictature aveugle. Il n’y a que les pays baltes, la Lettonie, l’Estonie et
la Lituanie qui ont tourné le dos aux régimes totalitaires pour adopter le
modèle européen.
Voyages
Frédérick Lavoie, après avoir étudié le russe à Moscou, voyage pendant
quelques années dans un monde qui n’arrive pas à trouver la direction de la
liberté. Il a dû repousser ses craintes et ses angoisses pour aller au-delà de
soi et témoigner. De l’Europe jusqu’en Asie, partout sur ces territoires immenses,
il a vu des potentats prendre leurs fantasmes pour la réalité, la misère et la soumission.
Le journaliste s’est attardé auprès des étudiants, des
révolutionnaires, des chauffeurs de taxi et parfois des militaires. Rarement
des représentants de l’appareil étatique. Il préfère les gens ordinaires, ceux
qui luttent pour un morceau de pain tous les jours.
Voyage en Biélorussie, en Tchétchénie qui a connue une révolution et
une répression sanglante, en Ossétie et jusqu’à la frontière de la Chine, à Vladivostok,
où Russes et Chinois se côtoient pour le meilleur et le pire. Que dire de ce
séjour au Kazakhstan, chez des martyrs radiés par les expériences nucléaires
qui ont duré des années. Toute une population tenue dans l’ignorance. Une
situation horrible et révoltante.
Le pire ennemi dans ces dictatures? Les fonctionnaires bêtes, têtus,
ignorants, intransigeants, bornés et imbus de leur pouvoir. Heureusement,
partout il y a des femmes et des hommes qui luttent pour la liberté, un certain
répit dans leur quotidien. De quoi bousculer toutes les certitudes.
Délire
Le président du Turkménistan a fait ériger des statues en or le
représentant partout sur le territoire qu’il contrôle pour faire de lui un
héros national. Un mégalomane qui a écrit un livre que le peuple doit apprendre
par cœur pour travailler, se procurer un permis de conduire ou un passeport. Le
seul livre que l’on offre dans les librairies du pays. Le rêve de tout écrivain
en mal de succès?
Tous ne sont pas aussi détraqués, heureusement, mais tous pourchassent
l’opposition, truquent les élections, jouent le jeu de la démocratie pour
soutirer de l’aide financière aux Occidentaux.
Vladimir Poutine et tous les potentats de son espèce se partagent les
richesses d’un empire qui n’arrive pas à retrouver sa cohésion depuis une vingtaine
d’années. D’autres dangers pointent avec la multiplication des croyances qui
remplace les diktats du communisme. L’intégrisme islamiste surtout.
Frédérick Lavoie est un aventurier moderne qui montre la face cachée du
monde. Un récit fascinant, vivant et dérangeant. J’ai lu cela comme un roman
d’aventures. L’auteur se trouve une petite place dans des taxis, les trains
pour de longues excursions dans des pays abandonnés à des illuminés, faisant
face à des policiers qui ne répondent à aucune loi. Une façon nouvelle
d’échapper aux formatages des médias pour nous montrer des gens qui vivent,
souffrent, rêvent, se débattent pour un avenir meilleur même quand tous les
horizons sont cousus de barbelés. Des récits touchants, souvent émouvants et
fascinants.
Un style direct, alerte, parsemé de petites réflexions sur la vie, la
liberté, le goût du risque qui le fait courir au-devant de tous les dangers. J’en
suis sorti secoué et un peu troublé. Frédérick Lavoie m’a fait comprendre que
je connais bien mal cette planète même si j’ai toujours le nez dans les
journaux.
«Allers simples, aventures journalistiques en
Post-Soviétie» de Frédéric Lavoie est paru aux Éditions La Peuplade.