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dimanche 26 août 2012

Claude Le Bouthillier s'inspire de son histoire


Tout au long de ma lecture de «Caraquet, la grande» de Claude Le Bouthillier, j’ai été ému, touché. Cet écrivain, au cours des ans, n’a cessé de parler de son coin de pays et de son histoire. Une fidélité, doublée d’une lucidité, quant à l’avenir des Acadiens du Nouveau-Brunswick qui nous laisse sans voix.

L’oeuvre de Claude Le Bouthillier oscille entre le roman, le récit et la poésie. «L’Acadien reprend son pays», publié en 1977, a été adapté pour la scène par Laval Goupil.
Une œuvre qu’il présente ici par de courts extraits qui touchent l’histoire, l’amour, l’air et l’eau. Il s’attarde aussi aux fêtes, à la nourriture et aux saisons.
Le tout commence avec l’arrivée de son ancêtre Joseph, vers 1740, qui épouse Angélique, une métisse micmaque. On connaît les luttes pour la survie, la présence menaçante des Anglais, la tragédie de la déportation de 1755 et après, la longue et terrible résistance de ce peuple qui a survécu par entêtement et par miracle.
«Au Ruisseau 1784. La classe de Mathilde avait diminué malgré toutes les énergies qu’elle y avait consacrées.
— Les Robin, se plaignait-elle, découragent tous les efforts des parents qui veulent faire instruire leurs enfants, argumentant que cela ne leur fera pas prendre davantage de morues. Et pour empêcher le développement de l’agriculture, ils achètent les meilleures terres. On n’a pas davantage de droits sur la mer depuis qu’ils tiennent les pêcheurs dans leurs griffes.» (p.74)
Une épopée qu’il rend vivante en explorant le grand territoire de Caraquet qui a la réputation d’être le plus long village du monde avec sa rue principale qui s’étire sur 35 kilomètres. Un lieu où ses ancêtres se sont installés il y a près de 300 ans et où il a vécu son enfance dans la grande maison ancestrale des Le Bouthillier construite en 1836. Son père, après avoir été pêcheur, a été garde-pêche. Il avait comme tâche de déjouer les manœuvres des braconniers. Le romancier en a long à raconter sur les astuces de ces hommes qui tentaient ainsi de nourrir leurs familles.

Combat

Quel courage il a fallu à ces hommes et ces femmes pour survivre et faire respecter leurs droits! L’affaire Louis Mailloux, un jeune Acadien militant pour les écoles françaises, abattu par les militaires anglophones, est un moment fort de cette résistance.
L’écrivain se transforme en historien, en ethnologue aussi où il décrit les différents métiers de la mer et de la terre, la navigation, les fêtes et les repas fabuleux qu’ils tiraient de la mer. Il présente aussi, avec une précision remarquable, certains travaux et les outils utilisés.
Il se sent responsable envers son peuple et est habité par un amour de son coin de pays exemplaire. Cela ne l’empêche pas d’être lucide quant à l’avenir de ces francophones qui s’exilent dans l’Ouest canadien pour travailler. L’Ouest fait vivre l’Est maintenant comme il l’affirme dans une formule heureuse.
«Quand la Péninsule deviendra un tiers monde branché sur la galaxie/ Avec une soucoupe plus grosse que la cabane/ Il ne restera plus de l’Acadie que le folklore et une grande déchirure.» (p.151)
«La survie du peuple acadien, sans véritables pouvoirs de gérer son territoire et sa destinée, m’apparaît précaire. Aucun peuple n’y est arrivé. Pour ne prendre qu’un seul exemple: les Acadiens des États de la Nouvelle-Angleterre, à quelques exceptions près, ont été assimilés. Le système est plus fort que les hommes.» (p.227)

L’œuvre de Claude Le Bouthillier est admirable de fidélité, d’amour et de constance. «Le feu du Mauvais Temps», «Les marées du Grand Dérangement» ou «Le borgo de l’Écumeuse» plongent le lecteur dans l’histoire. Il était peut-être aussi nécessaire d’imaginer l’Acadie dans des temps futurs. «Babel ressuscitée» répond à ce désir de survie.
Un conteur né qui possède le sens du détail, invente des personnages attachants.
«Caraquet, la grande» témoigne d’un peuple qui lutte pour sa langue de plus en plus fragilisée. Un exemple pour les Québécois qui n’arrivent pas à se décider quant à leur avenir. La campagne électorale actuelle fourmille de propos désolants face à cette éventualité. L’idée de se donner un pays est rabattue au rang de simple «chicane». Comme si discuter de son avenir était une perte de temps. De quoi envisager des jours sombres au pays du Québec après le 4 septembre.

«Caraquet, la grande» de Claude Le Bouthiliier est paru chez La Grande Marée.

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