«Ma vie avec ces animaux qui guérissent» de Victor-Lévy Beaulieu traînait dans la maison. C’est ainsi. Les livres que je lis suivent mes déplacements.
Alexis, mon petit-fils est arrivé et il a commencé à feuilleter le très beau volume. Papier glacé, photos couleurs des animaux qui hantent la vie du célèbre écrivain de Trois-Pistoles. Oies, canards, chiens, chats, chèvres, moutons et chevaux miniatures. Il a regardé les photos, voyageant d’un couvert à l’autre, demandant ce que « ça racontait ». Comme j’avais un bon bout de chemin de fait dans le récit de l’écrivain, il m’a été facile de piger quelques anecdotes. Le premier chien caché dans la grange et la bête frappée par le tonnerre lors d’un orage terrible, de ceux qui hantent l’enfance des enfants qui grandissent à la campagne. Tout en est resté là jusqu’à l’heure du coucher.
Alors Alexis m’a demandé de lui lire des extraits du «livre des animaux». Je n’étais pas certain. Peut-on imaginer lire du Victor-Lévy Beaulieu à un petit garçon qui vient d’avoir ses sept ans. Et puis je me suis fait un chemin entre les textes et les illustrations.,
«Tous les jours, je me rendais à l’étang que j’avais fait creuser au bout de mon lopin de terre, y emmenant ma dizaine d’oies afin qu’elles puissent s’esbaudir plus librement que dans une barboteuse !» (p. 94)
Alexis a sourcillé devant le mot « esbaudir ». J’ai dû fouiller dans ma boîte de synonymes. J’ai lu l’extrait jusqu’à ce que les oies se prennent pour les gardiennes des lieux et chassent tous les intrus qui approchent la grande maison de Trois-Pistoles. «C’est vrai ça, grand-papa?» Je lui ai raconté nos démêlés avec les dindons que nous élevions sur la ferme familiale de La Doré. Ils avaient la fâcheuse habitude de vouloir régenter notre territoire.
Fasciné, il en a redemandé, aimant particulièrement la petite chienne à la queue coupée qui préférait la société des chats et se prenait pour la mère de tous les chatons orphelins. Il a glissé dans le sommeil, sourire aux lèvres. Alors j’ai continué ma lecture.
Enfance
Dans « Ma vie avec ces animaux qui guérissent » l’écrivain revient sur son enfance à Saint-Jean-de-Dieu, au bout du rang Rallonge.
«Mon grand-père paternel était forgeron et maréchal-ferrant ; mon grand-père maternel cultivait la terre à cette époque où l’on croyait à l’autosuffisance : on y trouvait toutes les sortes d’animaux, des oiseaux de basse-cour aux gros taureaux qui couraient après nous autres dès qu’on mettait les pieds sur leur territoire.» (p.12)
Des jours de bonheur avant le départ pour Montréal, l’abandon des bêtes familières. Cet exil le marquera.
«Mais que je détestai le rang Rallonge ce jour-là ! Et mes parents aussi ! Malgré moi, ils me forçaient à me sortir de mon enfance, ils détruisaient ce que j’aimais le plus au monde : ma passion pour les bêtes.» (p.49)
Tout cela prélude au grand retour au pays des origines. Alors l’écrivain peut renouer avec son enfance. La vaste maison de la paroisse de Notre-Dame-des-Neiges, en plus de recevoir tous les livres, devient une arche de Noé pour les chats et les chiens.
Étude
Victor-Lévy Beaulieu ne se contente pas de vivre avec les bêtes. Il les étudie, tente des expériences et montre envers elles une patience qu’il n’éprouve peut-être pas envers les humains. Nous apprenons beaucoup sur leurs comportements, les notions de territoire, leur esprit grégaire, leur instinct de domination et les hiérarchies qui s’établissent entre elles. Les bêtes ne cessent de le surprendre et de nous étonner.
Toujours elles font preuve de reconnaissance et manifestent leur affection. Parce que les bêtes ne trichent pas, n’hésitent jamais avec celui qui les aime et en prend soin.
Les bêtes l’ont guéri ? Du moins elles l’ont protégé de certains démons, de sa passion pour le scotch les soirs de grisailles. Juste par leur présence, elles ont su l’éloigner de tous les excès. Elles lui ont enseigné la patience et le partage, réussissant aussi à se faufiler dans sa littérature.
Un livre étonnant qui nous montre le côté sensible et humain de l’écrivain polémiste. On y découvre un art de vivre, une manière de s’ancrer à la Terre, à la vie et au cosmos. Les animaux ont peut-être aussi apporté à Victor-Lévy Beaulieu un grand apaisement face à la vie et une belle forme de sagesse.
« Ma vie avec ces animaux qui guérissent » de Victor-Lévy Beaulieu est publié aux Éditions Trois-Pistoles.
http://www.editiontrois-pistoles.com/viewAuteur.php?id=6
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