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lundi 6 août 2007

Yolande Villemaire se perd en futilité

J’appartiens à cette génération pour qui le voyage était un mode de vie. Il fallait partir, quitter pays et amis pour voir le monde, vivre autrement, se plonger dans d’autres univers que celui que nous considérions comme trop douillet ou trop axé sur la consommation.
L’Inde, les pays de l’Asie, étaient et restent une destination appréciée et recherchée par ceux qui ressentent le besoin de vivre simplement, d’échapper à la quincaillerie qui est la nôtre. Certains y ont découvert l’amour, une manière de vivre, de penser et ne demandent qu’à repartir.
Yolande Villemaire a voyagé et revient à l’occasion sur un lieu qui semble l’avoir particulièrement touchée. L’Inde pays des contrastes, des extrêmes, de l’opulence et de la misère dans ce qu’elle a de plus terrible et de plus fascinant.
Dans «India India», elle nous entraîne avec son héroïne Miliana Tremblay, cette métisse de la Côte-Nord, artiste en art contemporain et mère d’une toute petite fille. Elle est en Inde pour exposer des photos et surtout pour participer au Kalachakra, une sorte de grande foire spirituelle où des milliers de personnes se retrouvent pour entendre des sages, des maîtres comme on dit. Miliana est particulièrement attirée par le Dalaï Lama.

Quotidien

Le lecteur pourrait s’attendre à un choc culturel, à des événements qui remettent en question la vie occidentale et nos façons de faire. Après tout, nous participons à une sorte de grande fête du bouddhisme. Il doit bien se produire quelque chose quand on souffre sur son petit coussin pendant des heures, sous un soleil qui vous transforme en fourmi.
Rien de tout cela. Yolande Villemaire se contente de nous raconter le quotidien de Miliana. Nous avons droit à une sorte de récit de voyage qui ne lève jamais. Pendant des pages et des pages, Madame Villemaire nous décrit les difficultés de son personnage à retrouver la tente où elle campe, comment elle se lave les cheveux, quel chauffeur elle va prendre pour se déplacer, ayant toutes les difficultés à se faire comprendre par des gens qui ne parlent pas anglais.
Le tout se complique quand Miliana devient toute chose devant le beau Khayal Khan, le propriétaire de l’agence qui s’occupe de son séjour. On croirait retrouver une adolescente qui soupire devant les beaux yeux d’un étranger.

Lecture

À vrai dire, je me suis demandé tout au long de ma lecture si je devais continuer. L’espoir peut-être d’être frappé par l’éclair qui changerait ma vie n’est jamais venu. Un récit d’une platitude incroyable. Peut-être parce que ce roman prend la facture d’un journal intime et que je craque pour les journaux d’écrivains.
Je m’efforce de lire Yolande Villemaire à l’occasion. J’ai assez apprécié «La déferlante d’Amsterdam», un récit qui raconte son séjour dans une maison d’écrivain. Cela m’avait fait oublier «Vava», le roman le plus désolant peut-être que j’ai lu.

«India India» de Yolande Villemaire est édité chez XYZ Éditeur.

jeudi 12 juillet 2007

La mémoire reste le fondement d’une société

Les humains croient souvent qu’ils marqueront leur époque, laisseront des encoches sur les siècles et qu’on évoquera leurs noms bien longtemps après leur mort. Pour ce faire, ils s’obstinent à édifier des villes, des empires et des machines indispensables à «la progression de l’humanité». Et puis, après quelques décennies, la trouvaille du siècle dernier fait sourire et semble futile. Même les plus grandes civilisations ont plié devant la marche implacable du temps.
Les continents sont devenus des immenses jardins de vestiges. Tous les paysages, de la plaine à la montagne, portent les cicatrices des activités humaines. Même les océans n’ont pas été épargnés. Tous les pays sont de vastes palimpsestes que très peu de gens savent lire et interpréter.
Heureusement, des individus font oeuvre de mémoire. Les archéologues, les anthropologues et les historiens agissent en détrousseurs de vies. Les artistes, à leur manière, secouent la poussière de l’oubli et se faufilent dans la durée. Un effort, peut-être dérisoire pour contrer l'amnésie collective. Biographies, sagas historiques et certains romans tentent de réactualiser des exploits et des aventures qui ont constitué l’esprit les nations.

Grands distraits

Pourtant, les humains sont terriblement distraits. Ils oublient souvent de regarder l’environnement, de saluer les «témoins» qui ont été les architectes de leur monde. Une clôture affaissée, une maison ouverte aux vents et à la pluie, des champs abandonnés à la végétation sont les pages d’un livre qui s’efface peu à peu. Il suffit de circuler dans le parc de Pointe-Taillon, par exemple, pour buter sur des vestiges qui rappellent les humains qui ont défriché cette partie de territoire, il y a un siècle. Ce peut être les fondations d’une maison ou un massif de roses qui semble s’être égaré au milieu d’une pinière.
Dans «Les rescapés du Styx», Jane Urquhart, une romancière canadienne anglaise, entraîne le lecteur dans une fresque à la fois contemporaine et historique. Jérome, artiste, se passionne pour les ruines qui balafrent le paysage et sa propre vie, Sylvia reconstitue son environnement en fabriquant des cartes tactiles pour une amie aveugle. Andrew, une sorte de géographe, explore la saga de sa famille, remonte jusqu’à l’arrivée du premier Woodman en Amérique, l’époque des grandes entreprises forestières qui coupaient tout autour des Grands lacs, du flottage du bois sur le Saint-Laurent et des immenses radeaux qui flottaient jusqu’à Québec. À la fin de sa vie, il est aspiré par la maladie d’Alzheimer qui grignote peu à peu sa mémoire pour ne laisser qu’une immense page blanche. Il est à l’image des sociétés qui s’effacent et se reconstruisent sur des ruines.
«La convergence de la vie. Je pense que ça peut vouloir dire que, pendant que tu restes stable, tu dois aussi accepter que le monde va changer autour de toi, et que tu dois demeurer ouvert et conscient de ces changements bien que ça suggère aussi que ta vie converge avec celle de Dieu, ou quelque chose de cet ordre.» (p.164)

Écrire le paysage

Madame Urquhart fait renaître des figures oubliées, des hommes et des femmes fascinants. Elle permet de voir vraiment et de comprendre l’écriture du paysage. Sans quoi, nous marchons comme des aveugles qui effleurent les objets, trébuchent sur des signes sans savoir d’où ils viennent. Parce que le présent n’est que la couche la plus récente du passé. Une société ne peut demeurer vivante sans avoir conscience de ses grandes époques.
«C’est étrange, maintenant que j’y pense, qu’on accorde toujours autant d’attention à la construction, alors qu’en réalité le processus de désintégration est omniprésent, inévitable.» (p.336)
En ce siècle où l’on néglige d’enseigner l’histoire, où l’on confie à peu près tout aux ordinateurs, le roman de Jane Urquhart dévoile un siècle, ses folies commerciales, ses soifs de profits et de richesses. Une vision qui a mené à l’épuisement des ressources, à une pollution de plus en plus terrifiante et au réchauffement accéléré de la planète.
De quoi tirer des leçons et cesser de se comporter en ignorant. L’avenir n’est possible qu’en tenant compte de ceux qui nous ont précédés. Le pire fléau qui menace l’humanité est de croire que tout commence et se termine avec sa génération.

«Les rescapés du Styx» de Jane Urquhart est paru en traduction française aux Éditions Fides.
http://www.fides.qc.ca/livre.php?id=10

dimanche 8 juillet 2007

L’éolien: un véritable scandale au Québec

Lire «L’Éolien, pour qui souffle le vent», un collectif dirigé par Roméo Bouchard, nous fait retourner à l’époque de Duplessis. Le gouvernement Charest, il s’agit bien de lui, a improvisé des normes faites sur mesure pour céder l’énergie éolienne à des multinationales sans que cela ne fasse sourciller les partis d’opposition. Même qu’ils se font complices de cette aventure qui tourne à la tragédie. André Boisclair, pendant son court mandat comme chef du Parti québécois, a même refusé d’appliquer une résolution du conseil national de sa formation qui exigeait la nationalisation de cette ressource.

Improvisation

Roméo Bouchard et ses collaborateurs Jean-Louis Chaumel, Pierre Dubuc, Steeve Gendron, Paul Gipe, Gabriel Ste-Marie, Gaétan Ruest et Isabelle Thériaul cernent bien la question. À chaque page, on se demande pourquoi un gouvernement responsable, ayant à cœur les intérêts des Québécois, improvise des lois qui tiennent à l’écart et dans l’ignorance les petits producteurs et des populations qui s’intéressent à cette forme d’énergie. Pourquoi tout est fait pour favoriser les pétrolières qui ne savent quoi faire des milliards qu’elles engrangent depuis le début de la guerre en Irak. Le Québec se comporte encore comme un pays du Tiers-monde qui donne ses ressources naturelles.
Les gens de Cap-Chat, Baie-des-Sables, Saint-Léandre et Murdochville, en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent, ont été laissés sans informations et sans ressources devant «des spécialistes» en communications venus vendre leurs projets. Ils ont fait naître l’espoir.
Quelques mois plus tard, ces mêmes citoyens sont cernés par des forêts d’éoliennes. Ils subiront bruit, pollution visuelle et autres inconvénients pendant vingt-cinq ans. Les MRC, avec les propriétaires des terrains, recevront des pinottes pour ces projets. Malgré les promesses, peu d’emplois ont été créés sinon une petite usine de montage. Les éoliennes sont fabriquées à l’étranger et les emplois se font attendre. Un scandale que la télévision de Radio-Canada a révélé.
Au Lac-Saint-Jean, dans la zone d’Hébertville, des gens tentent de se faufiler dans cette industrie, mais les obstacles sont difficiles à surmonter.
«Les municipalités, les groupes communautaires et les groupes autochtones peuvent y participer, mais ils ne sont guère avantagés dans la course par les règles établies. Les groupes locaux ne disposent toujours pas de quotas, ni de mesures de soutien technique et financier qui auraient pu compenser pour les moyens dont disposent de puissants promoteurs privés comme Trans-Canada ou SkyPower.»  (p.93)

Développement

L’éolien soulevait beaucoup d’espoir chez les régionaux. Ils ont maintenant le sentiment de s’être fait flouer par les grandes entreprises et le gouvernement.
Bien sûr, il est encore temps de proclamer un moratoire pour établir une véritable politique éolienne qui profitera à l’ensemble des Québécois. Cette ressource rapportera des milliards par année. Pourquoi l’offrir à des entreprises qui drainent les profits à l’extérieur?
«Il ne faut pas répéter avec l’éolien les erreurs passées qui  ont abouti au pillage et à la destruction de nos forêts, de nos réserves de poissons de fond, de nos mines, de nos sols et de nos rivières au profit d’entreprises étrangères, conduisant nos régions périphériques au bord de la ruine.» (p.12)
Le gouvernement de Jean Charest a démontré une incompétence et une insouciance révoltantes dans le secteur de l’éolien. Peut-on tolérer pareil aveuglement en 2007? 

Nationalisation

Hydro-Québec demeure l’entreprise idéale pour planifier l’exploitation de l’éolien. Québec peut devenir une puissance «du vent» comme elle l’est dans le domaine de l’énergie électrique.
 Il faudra cependant que les partis d’opposition demandent de nouvelles règles. Que les Trottier, Bédard, Côté et Gaudreault revendiquent une vraie politique pour les Québécois et la région. Il est plus que temps d’exiger du gouvernement qu’il respecte l’intérêt du Québec.
«Bernard Généreux exhortait le gouvernement à «ouvrir le débat sur la nationalisation» de l’énergie du vent. Avant que l’éolien ne se transforme en «filière rhodésienne» qui engraisse le «parc immobilier de Toronto», le gouvernement doit corriger le tir… «L’hydroélectricité est publique, pourquoi l’éolien nous échapperait?» (p.66)
Québec accordera de nouveaux contrats à l’automne. Les multinationales seront-elles les seules à profiter de cette manne à profits garantis? René Lévesque doit se retourner dans sa tombe.

«L’éolien, pour qui souffle le vent?», sous la direction de Roméo Bouchard a été  publié chez Écosociété.

jeudi 28 juin 2007

Carol Lebel se fait chercheur de lumière


Carol Lebel vient de lancer un dixième ouvrage, un recueil de haïku intitulé «Tout peut recommencer» aux éditions Le Loup de Gouttière. L'ouvrage est accompagné de sept toiles du peintre Jean-Guy Barbeau.
Carol Lebel, au cours des dernières années, est devenu un peu malgré lui un spécialiste de ce petit poème japonais qui connaît une popularité de plus en plus grande au Québec. Il est régulièrement sollicité pour donner des ateliers et sensibiliser les amateurs à un genre exigeant quand on veut respecter les règles de l'art. Carol Lebel aime ce défi.
«Parfois c'est une image ou une scène. Je regarde et le déclic se fait. Le haïku doit être rond, avoir une forme parfaite, être enrobé par une sorte de musique. Parfois, ça tombe comme un fruit mur mais souvent c'est plus difficile.»
Parce que le haïku, dans l'esprit de Carol Lebel, c'est la lumière, l'éclair qui illumine le ciel pendant quelques secondes. «Le haïku est un instant qui s'illumine ou une lumière qui brûle comme une fusée. C'est ce que je recherche. Pour ce recueil, j'avais à peu près 150 kaïkus et j'en ai gardé 82 exactement. Je voulais une certaine unité, un questionnement. Un recueil est aussi une construction», tient-il à préciser.
Certains lecteurs croient qu'il invente des situations ou qu'il construit dans sa tête. «Mes sujets de haïkus sont toujours réels. Je pars toujours d'une personne, de quelque chose que je vois. Toujours. Je n'invente rien. Je témoigne. Je regarde et quand le flash se produit, c'est parfait.»

Illumination

Dans ce dixième ouvrage, on retrouve sa manière, le questionnement qui est le sien depuis son entrée en poésie. Un univers toujours en évolution et en ébullition. Une thématique étonnamment urbaine. Des errances, des marches et des arrêts. Les haïkus figent comme si le temps s'arrêtait. Un ou deux haïkus seulement suivent un mouvement. Toujours le regard, la poussée vers le monde et la découverte.
Carol Lebel, dans ses ouvrages, cherche une forme de certitude. Cette fois, il effectue un pas. On trouve une fissure dans la dureté de l'univers, une possibilité de s'infiltrer au coeur du temps et de l'espace pour plonger au-delà, dans l'éclair qui fait appréhender le monde et la vie. C'est peut-être le philosophe qui a fini par s'imposer. «Je ne sais pas mais j'écris, je tourne autour du haïku pour le soupeser. Il y a mon jardin, les étoiles aussi. Je parle de ce qui est près de moi. Je suis comme cela. Je veux être un témoin.»

Démarche

Carol Lebel a du mal avec l'étiquette du poète noir et pessimiste qu'on lui  a collée. «Je sens maintenant qu'il y a plus de gens qui s'intéressent à ce que je fais. Comme si avec le haïku je venais de toucher un peu plus de lecteurs. Cela reste très relatif parce qu'en poésie, il n'y a pas beaucoup de lecteurs. Je questionne. Les étiquettes, on n'y peut rien.»
Et puis il faut se tourner vers ses petits poèmes pour les apprivoiser.

depuis sa maladie
il arrose plus souvent
la seule plante qu'il possède

Le heurt du questionnement et la forme poétique font les haïkus qui tombent comme une pierre dans un étang. C'est aussi le gong qui résonne longtemps et fait vibrer tout l'univers. Un recueil que l'on doit déguster avec parcimonie. Il suffit de prendre son temps et se laisser imprégner. La magie opère à chaque fois.

«Tout peut commencer» de Carol Lebel est paru aux Éditions Le Loup de Gouttière.

mardi 12 juin 2007

Hélène Rioux nous convie au restaurant

Malgré tout ce que l’on peut dire, malgré toutes les modes et les chapelles, le genre romanesque a très peu évolué. Roman traditionnel avec une intrigue et dénouement dans l’extase, roman contre le roman, roman anti-roman où toutes les expériences sont à peu près permises n’y change rien.
Il faut parfois s’y prendre à deux mains pour réussir à suivre certains romanciers dans les méandres de leur écriture. Je songe à Marie-Claire Blais. Ses derniers ouvrages, même s’ils sont époustouflants, demandent des efforts terribles au lecteur. Une sorte de lave qui emporte tous les personnages, abolit les lieux, fait voyager dans une fresque à la vitesse de l’éclair.
Hélène Rioux dans «Mercredi soir au Bout du monde» nous entraîne dans une aventure particulière. Le roman s’amorce dans un restaurant où les habitués se retrouvent à peu près tous les jours. Marjolaine la serveuse, Doris, Denise et Laura. On retrouve aussi Raoul, Boris et Diderot Toussaint. Le «Bout du monde», c’est ce restaurant ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre qui est en quelque sorte le siège social des chauffeurs de taxi. Chacun de ces personnages nous embarque dans sa vie et nous mène dans son intimité, nous fait voyager dans ses obsessions et ses désirs.
Le lecteur se retrouve ainsi à faire son tour du monde, à passer par les Caraïbes et à faire escale en Europe en suivant chacun des personnages.

Fragments

Le processus est assez connu depuis la parution de Mrs Dalloway de Virginia Woolf qui a fait recette. Hélène Rioux sans plagier Madame Woolf emprunte un peu à cette formule et nous fait suivre les personnages indistinctement. Une sorte de lien se noue et se défait selon les chapitres qui sont autant de fragments du monde comme on l’écrit en surtitre de la page couverture. Des fragments ou des morceaux de vie qui nous désarçonne parce que nous ne comprenons pas tout de suite qui est qui dans cette histoire.
J’avoue que par moment, je me demandais bien à qui j’avais affaire et il m’a fallu revenir au début pour comprendre les liens de certains personnages entre eux.
La modernité veut cela. Au lecteur d’inventer son intrigue, de travailler et de construire si on veut la trame narrative du roman.
Hélène Rioux exige beaucoup de son lecteur. Je songe à ce chapitre sur le musicien qui a signé la trame sonore d’un film à succès et qui vient éclairer un peu le réalisateur. Parce que c’est aussi cela le roman de Rioux. Chacun des fragments nous permet de mettre l’éclairage sur un personnage et de faire progresser l’histoire.

Problèmes

Nous embarquons dans la vie d’un personnage et Rioux nous laisse en plan, sans tirer les fils. Je songe à cette jeune Fanny qui se sauve de sa famille sur un coup de tête et nous ne saurons jamais rien de ce qui lui arrive. A nous encore une fois d’imaginer le pire comme le meilleur. On la retrouvera dans la suite, j’imagine, parce qu’il y aura plusieurs volumes.
À la toute fin, quand on doit faire le point en quelque sorte, nous demeurons un peu perplexe. Une suite de personnage a fait son tour de piste sans trop en révéler, sans trop nous en dire. Une manière de nous attacher pour suivre Hélène Rioux au bout du monde.

«Mercredi soir au Bout du monde» d’Hélène Roux est paru chez XYZ-Éditeur.

jeudi 7 juin 2007

Simon Philippe Turcot invente un monde

Plonger dans l’univers d’un nouvel écrivain s’avère une aventure. Et quand il y a un regard, un ton et une musique, la lecture devient un plaisir.
Simon Philippe Turcot vient de publier «Le désordre des beaux jours», un titre qui évoque le monde de Boris Vian ou de Samuel Beckett. En plus, «Le paysage est un atelier», une suite poétique, vient de sortir quasi simultanément aux Éditions Heures bleues.
Un court roman qui entraîne le lecteur dans une auberge située à la limite de la forêt boréale. Un endroit où l’on échoue quand le monde devient intolérable et qu’il ne reste qu’à marcher jusqu’au bout de sa vie.
«C’est en faisant mille détours, en défrichant des kilomètres de sentiers, jusqu’à se perdre soi-même, que l’on arrive au Désordre des beaux jours. L’endroit n’est indiqué ni dans les livres, n’a pignon que sur l’étendue et se cache bien loin des routes.» (p.9)
Nathan tombe sur cette auberge quand il touche la limite de ses forces, de la vie presque. Il a marché vers le Nord dans une sorte de transe qui lui a fait tout oublier. Ce refuge semblait l’attendre. Madame et Monsieur D accueillent les éclopés. Tout y est fourni. Tabac, vin et lectures. Un lieu pour créateurs en perte de sens, pour se refaire une santé de l’âme peut-être.
«La solitude s’infiltre dans les inspirations, se loge dans la gorge, enserre le cou et fait paniquer. On sent la mort de soi, la mort des idées folles, la fin des grands trajets, des voyages. Vient l’anxiété puis l’angoisse, l’impression d’être coincé entre deux eaux froides, qu’il faut nager vite, se débattre pour atteindre la berge et crier pour que viennent les secours.» (p.30)
La vie s’installe dans la petite communauté. Chacun trouve ses habitudes. Nathan écrit et dessine, garde un attrait pour les longues promenades où il a l’impression d’échapper à l’attraction terrestre. Filipov effectue des traductions et Madame colmate les fuites de l’être. Une forme d’harmonie marque les jours, une complicité belle de respect.

Le pays

En lisant ce roman, j’ai souvent eu l’impression de me retrouver dans les steppes de Gogol ou «La gare» de Sergio Kokis. Un univers où la vie devient une quête, une recherche où le superflu s’efface. 
«Imaginer son corps devant soi. Du paysage, derrière, ne conserver que l’essentiel. Retirer l’horizon délicatement. Enfreindre quelques lois physiques. Du corps, retenir les contours. Soustraire les peaux, les muscles puis les organes. Les os. Et peindre, dessiner ce qu’il reste de nous, là, dans l’exemplaire simplicité de l’étendue, à ce moment précis de l’histoire.» (p.36)
Turcot a le don de faire ressentir la solitude, le froid et la neige. Quelques couleurs et un pays vibre. De la même manière, dans «Le paysage est un atelier», il décrit l’ailleurs et le fjord du Saguenay avec juste un minimum de teintes. C’est suffisant pour faire surgir un monde singulier.

Dépouillement

Simon Philippe Turcot aime les espaces où le haut et le bas se confondent. L’horizon alors s’ouvre comme un gouffre, sur «un ailleurs» où l’on peut à la fois se perdre et se retrouver. C’est le risque de la création et de la vie peut-être, le défi du peintre qui crée un monde avec un crayon et un peu de couleur.
«Dehors le monde ne va pas bien/ des contrées à relever/ à construire/ il faut peindre/ encore/ jardiner peut-être», affirme-t-il dans «Le paysage est un atelier».
L’écrivain croit changer le monde par l’écriture et la poésie. Il a raison. Le monde prend les teintes et les dimensions que l’on veut lui donner. Il faut juste de la patience et pas mal de persévérance.
Une lecture qui donne envie de fréquenter «Un désordre des beaux jours» pour les soirées de poésie et les lectures, pour écrire et prendre un verre de vin quand le soleil couchant fait craquer la croûte terrestre et plonge dans toute la gamme des rouges.
C’est peut-être ce que Mylène Bouchard et Simon Philippe Turcot cherchent à inventer à Saint-Henri-de-Taillon en ouvrant une librairie-buvette qui jouxtera la maison d’édition «La Peuplade».

«Le désordre des beaux jours» de Simon Philippe Turcot est paru à La Peuplade.