Que voilà des récits étonnants et séduisants! William S. Messier, dans «Townships, récits d'origine» nous entraîne dans les Cantons-de-l’Est pour y faire des découvertes étonnantes.
Le narrateur s’égare dans un puzzle inextricable de chemins et de routes. Une manière de surprendre des villages discrets, des hommes et des femmes qui vivent en marge du monde.
«Sainte-Cécile-de-Milton doit être la ville la moins bien définie des Cantons-de-l’Est. Le genre de village qu’on traverse d’une limite à l’autre avant d’avoir fini de prononcer le nom au complet. Comme Saint-Cyrille-de-Wendover ou n’importe quel autre Saint-Quelque-chose-de-Quelque-chose-d’autre ; des noms de villages qui ne deviendront jamais des noms de grandes métropoles.» (p.12)
Il suffit pourtant de s’arrêter à un relais et l’étrangeté s’approche le sourire aux lèvres. Dans «Cantine 12, Sainte-Cécile-de-Milton», le narrateur fige devant des serveuses siamoises.
«Puis, je les ai vues passer de l’autre côté du comptoir, toujours collées. Les deux sont allées à la cafetière. Une a ramassé une tasse sur l’étagère, l’autre y a versé du café. Et les deux avaient la main dans la même poche du tablier de celle qui versait le café – je ne sais plus si c’était Lina ou Diane. Une des deux a remarqué que je les fixais.» (p.14)
Elles sont soudées par le petit doigt et semblent s’accommoder parfaitement de leur situation.
Art
Le merveilleux accompagne souvent les gens qui vivent simplement et qui n’apparaissent jamais aux nouvelles télévisées. Le fabuleux se niche là où on ne l’attend jamais.
«Il avait une bosse en dessous du bras qu’il cachait avec une espèce de linceul. C’était le fœtus semi-vivant de son frère jumeau François-Claude Bouchard. Il lui mettait toujours un linceul ou une nappe ou un foulard ou une napkin ou un drap ou quelque chose, parce que sa peau était très sensible au soleil. Il le nourrissait avec du beurre de pinottes qu’il ramassait autour de son pouce. Quand tu voyais Charles-Arthur Bouchard se promener avec une main en dessous du linceul, dans l’aisselle, accotée sur la bosse, tu pouvais être certain qu’il y avait au bout de cette main-là une bouche de fœtus semi-vivant qui se tétait un snack.» (p.70)
Des souvenirs d’enfance, des découvertes, des initiations à l’amour, des pertes aussi quand il se souvient du jour où il a appris la mort de Gerry Boulet. Une belle flânerie qui permet d’écouter une émission de radio en parcourant un rang d’un bout à l’autre ou encore un match de hockey qui ressemble à un combat extrême.
Des surprises qui se cachent dans la vie de tous les jours et surtout une écriture qui frappe à grands coups de marteau. Un écrivain attentif aux gens, sensible à la géographie qui forge peut-être les individus. Un humour incomparable.
«Townships, récits d’origine» de William S. Messier est paru aux Éditions Marchand de feuilles.
http://www.marchanddefeuilles.com/marchanddefeuilles_038.htm