dimanche 15 avril 2007

L’imaginaire peut-il inventer ses propres lois?

Nicolas Bourbaki est un mathématicien fictif, un prête-nom inventé en 1935, qui remettait en question l’enseignement des mathématiques. La supercherie a fait parler pendant des décennies. Un beau canular qu’André Weil et son groupe a su parfaitement orchestrer.
Alexandre Bourbaki, le signataire de «Traité de balistique», pourrait être le petit-fils de ce célèbre mathématicien virtuel. Dans les communiqués, on explique qu’Alexandre est né en Gaspésie, en 1973. Une chose est certaine, il est tout aussi fictif que son illustre ancêtre et permet à trois imaginatifs, Nicolas Dickner, Bernard Wright-Laflamme et Sébastien Trahan, de s’en donner à cœur joie et de sauter toutes les clôtures.
Le collectif garde des liens avec l’ancêtre Nicolas en flirtant avec les sciences, des principes et des phénomènes qui échappent aux lois qui orchestrent l’univers et la galaxie. Comment expliquer qu’un grand-père bafoue les lois de la gravité ou qu’une jeune femme provoque un dérèglement des lois physiques par sa seule présence.

Autres univers

Dans cette suite de textes, on ne peut parler de nouvelles, les auteurs ouvrent des portes et passent de l’autre côté de la logique et de la vraisemblance. Tout semble pourtant normal. Les faits respectent une certaine logique, mais il y a toujours un petit quelque chose qui fait que le lecteur bascule dans un univers invraisemblable.
«C’est ainsi que je perdis mon grand-père pour la seconde fois. Il ne pouvait plus être le compagnon de nos jeux, il s’était transformé en un petit oiseau qui se déplaçait en nageant dans l’air comme si celui-ci lui offrait une véritable prise. Un conseil de famille fut convoqué. On décida que Grand-père ne devait plus sortir. Dehors, le vent pourrait l’emporter.» (p.85)

Exigences

Non, tout n’est pas égal dans cette aventure. Certains textes tournent court, comme si les auteurs refusaient de pousser l’équation dans les derniers retranchements. D’autres, les plus élaborés, osent inventer un monde cohérent qui colle à une logique interne. Le genre a des exigences que les auteurs ne respectent pas toujours.
S’il n’y avait que ces plongées dans des univers parallèles, le lecteur se lasserait rapidement. L’aventure repose sur une écriture vigoureuse et efficace, simple, étonnante jusqu’à un certain point. Ce qui importe, ce sont les faits et ce ton pseudo-scientifique. On se laisse prendre.
Et pourquoi bouder son plaisir? Alexandre Bourbaki est encore jeune et il pourrait étonner si le trio garde le goût de l’accompagner sur les chemins de l’inusité et de l’étrange.
Amusant, moqueur et tendre, «Traité de balistique» est une belle manière de secouer certaines certitudes et d’élargir les frontières de l’imaginaire.

«Traité de balistique» d’Alexandre Bourbaki est publié aux Éditions Alto.

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