jeudi 15 décembre 2005

Sergio Kokis force le lecteur à choisir

La gare est réédité chez Lévesque Éditeur
«La gare» de Sergio Kokis nous plonge dans une fable qui aspire le lecteur. Impossible de s'échapper après en avoir amorcé la lecture. Un véritable thriller. L'étau se resserre autour d'Adrian Traum, le personnage qui nous plonge dans un monde peu rassurant. Du très bon Sergio Kokis.
Dans un milieu souvent hostile, les héros de Sergio Kokis doivent se questionner. Toute tricherie est impossible. Plus rien ne tient et les masques tombent.
Adrian Traum n'a guère le choix. Le fait qu'il soit ingénieur, cadre dans l'usine de son beau-père n'aide en rien. Distraitement, peut-être poussé par un désir inavoué, il descend dans une gare perdue au milieu de la steppe et oublie de repartir. À Vokzal, les trains ne viennent plus. Traum se retrouve au milieu du monde avec un chef de gare qui n'aime pas être perturbé. Il lui faut marcher jusqu'au prochain village où quelques familles vivent de l'élevage du mouton. Ils n'attendent aucun visiteur et jamais personne ne quitte le village. Une société scellée, méfiante devant l'étranger et tout ce qui perturbe l'ordre.
«Adrian se sentait bien mal à l'aise puisqu'il percevait distinctement les regards que les gens alentour jetaient à la sauvette dans sa direction, comme s'ils surveillaient ses réactions.» (p.62)

Justification

Adrian doit répéter son histoire. Les villageois se méfient. Personne ne croit à sa version des faits. Constamment, il est forcé de se justifier face à Otto, le chef de police, ou Mathias l'aubergiste et maire de la commune.
Il attend, répète que sa famille va venir le chercher mais la fameuse voiture ne surgit jamais. Que faire? S'abandonner aux charmes de Maria et aux attentions de la vieille Mila? Se réfugier en marge du monde...
Peu à peu, il abandonne les habits du citadin qu'il est, se glisse dans les vêtements du fils Joseph, le fils idolâtré de Mila.
«Adrian se résigna ainsi à porter les godillots militaires que Maria avait gardés du temps du soldat déserteur. Même s'ils étaient beaucoup plus confortables et convenables pour la campagne, ils provoquaient chez lui un sentiment désagréable, comme s'ils représentaient la perte définitive de son identité citadine.» (p.133)

La réalité

Peu à peu, avec Maria que tous les mâles possèdent au village, selon des règles immuables, Adrian Traum ouvre les yeux. À Vokzal, tous sont capables de tuer pour préserver leur tranquillité et protéger des secrets. Ils ont tué Joseph, le fils de Mila qui devenait dangereux et le soldat déserteur.
Maria est la femme que tous les mâles se partagent selon la loi du troupeau.
«Tu ne peux pas t'imaginer ce qui se passe derrière les portes des maisons de ce village isolé du monde. C'est une vie sauvage, qui ressemble à celle des étables et des enclos. Le jour, tout a l'air paisible, mais les nuits sont remplies de violence et de gémissements. De cris de plaisir aussi, pourquoi pas?» (p. 201)
Restera-t-il à Vokzal comme Théodor, le passionné d'échec, qui n'est jamais reparti?

Les choix

Adrian retrouve ses instincts, son assurance et choisira de partir après avoir discuté avec le chef de gare, le vieux Cyrille, un sage à sa manière.
Une histoire banale mais ce qui importe, c'est la quête, les questions qui forcent Adrian à faire le tri dans sa vie. Est-il ce qu'il est ou seulement le prisonnier de certaines conventions? Peu à peu il assume sa vie, la liberté, la vérité en tournant le dos au monde ancien.
«Pour la première fois depuis très longtemps, Adrian se sentit entièrement libre et confiant, car il allait seul vers une véritable aventure, au risque de sa vie et sans devoir en rendre compte à qui que ce soit.» (p. 210)

«La gare» de Sergio Kokis est paru chez XYZ Éditeur.

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