Hervé Bouchard raflait le Grand Prix du livre de Montréal la semaine dernière avec «Parents et amis sont invités à y assister». Quelques mentions ici et là, trois petits tours et puis le silence. Les médias du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne semblent pas avoir réalisé l’importance de cet événement et l’exploit que vient de réaliser Hervé Bouchard. Remporter ce prix en étant «citoyen de Jonquière» s’avère un tour de force. N’importe quel médaillé sur patin aurait fait la Une. Il a pourtant été choisi parmi 200 ouvrages soumis par près de 50 maisons d’édition.
«Pour son audace, la magie à la fois lumineuse et ténébreuse de sa langue- pure invention, mêlant langue parlée et écriture forgée solide, ce roman-théâtre-poème, à la fois livre du jour le jour et construction mythique, a conquis le jury», lançait Robert Lalonde en commentant ce livre. Bien plus, il le comparaît à Réjean Ducharme, l’auteur de «L’avalée des avalés» qui ébranlait les années soixante en jonglant avec la langue française comme personne ne l’avait fait auparavant.
Il faut applaudir Hervé Bouchard, lui faire une fête et lui offrir les clefs de la ville. L’exploit de ce magicien de la langue «vivant en région», et non «écrivain régional», nous insuffle une belle dose de fierté.
Lise Tremblay, Pierre Gobeil, des écrivains de la région qui ont migré à Montréal, ont déjà remporté ce prix prestigieux. Nicole Houde, Jean-Rock Gaudreault, Gérard Bouchard et Daniel Danis ont aussi raflé un prix du Gouverneur général. Cinq écrivains de la région ont remporté le prix Robert-Cliche. Signe que les auteurs d’ici font preuve d’originalité et se distinguent dans une production nationale de plus en plus diversifiée. Plus de 4000 titres par année.
Hervé Bouchard remporte ce prix prestigieux en publiant dans une toute petite maison d’édition, Le Quartanier qui mise sur la qualité et l’originalité. Autre signe qui démontre les qualités exceptionnelles de «Parents et amis sont invités à y assister». Il reste à souhaiter qu’une troupe de théâtre ait l’audace de s’attaquer à ce texte et le fasse vivre sur scène.
Indifférence
Si on se pète volontiers les bretelles avec les chanteurs et les comédiens qui font carrière à Montréal, on accorde peu d’importance à ceux qui ont choisi de vivre dans la région. Combien de fois, j’ai dû faire face à des journalistes qui me qualifiaient d’«écrivain régional». De quoi avaler sa prose de travers. Comment réagiraient ces journalistes, les médecins et les gens d’affaires si on les qualifiait de locaux ou de «travailleurs de région»…
Les créateurs, qu’importe leur lieu de résidence, sont des Québécois à part entière et ceux qui vivent hors de Montréal ne sont pas affligés d’une déficience quelconque. Ils sont «assez bons» pour s’imposer à Montréal et partout dans le monde.
Heureusement, certains n’attendent pas que la «reconnaissance» arrive de l’autre côté du parc des Laurentides pour apprécier le travail des créateurs d’ici. Le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean attribuait son prix du roman à Hervé Bouchard, en septembre.
Grande fierté
Larry Tremblay, Michel Marc Bouchard et Daniel Danis échappent au «ratatinement» en sillonnant le monde. Ce sont de grands créateurs qui fascinent à juste titre. Des écrivains d’ici, Élisabeth Vonarburg entre autres, sont traduits en plusieurs langues et portent une vision du monde qui captive Français, Anglais, Allemands, Italiens et autres.
Il faut développer un sentiment d’appartenance et une fierté en s’intéressant aux créateurs d’ici dans les quatre cégeps et à l’université. Qu’attendons-nous pour imiter l’Abitibi qui a cru bon de mettre «ses écrivains» au programme au cégep. D’autant plus que le nombre d’écrivains au Saguenay-Lac-Saint-Jean est plus grand et plus diversifié qu’au pays de Suzanne Jacob.
Pour mousser nos lauréats qui raflent des prix un peu partout, une sélection des ouvrages primés pourrait remplacer avantageusement ces «cadeaux fades» offerts par nos institutions, les villes et les villages lors de certains événements.
On pourrait aussi faire un petit effort d’achat chez-nous. Si seulement deux pour cent des résidants du Saguenay-Lac-Saint-Jean collectionnait les œuvres des écrivains d’ici, nous donnerions un souffle formidable à notre vie littéraire.
Les livres cultivent l’appartenance, décrivent des modèles et explorent des mythes nécessaires à toute collectivité. «Parents et amis sont invités» à lire les écrivains d’ici, à les promouvoir dans les institutions d’enseignement et toutes les bibliothèques. La région ne s’en portera que mieux.
«Parents et amis sont invités à y assister» d’Hervé Bouchard est paru aux Éditions Le Quartanier.
http://www.lequartanier.com/catalogue/parents.htm
http://www.lequartanier.com/catalogue/parents.htm