Alain Gagnon a toujours été fasciné par les phénomènes paranormaux. Tout au long de sa vie d’écrivain, il n’a jamais su dire non à la tentation de glisser, ici et là, dans ses ouvrages, des phénomènes inexplicables, des énigmes difficiles à cerner.
Que ce soit dans «Thomas K» ou dans «Le gardien des glaces», le lecteur se heurte à un événement qui le désarçonne. Particulièrement dans «Le gardien des glaces». Les fantasmes se bousculent entre les murs du relais qui accueille les voyageurs qui s’aventurent sur le lac Saint-Jean, entre Péribonka et Roberval, quand les glaces font un pont sur la grande étendue d’eau.
Louis Hémon y fait une apparition, un moine hirsute et des bêtes qui n’agissent guère comme des bêtes. Un incroyable roman de neige, de froidure et d’hallucinations qui subjugue le lecteur. Je le relis régulièrement et éprouve toujours le même plaisir. Un livre étonnant que l’on a oublié beaucoup trop tôt. Il serait temps de le redonner au public lecteur. Pourquoi on ne le rééditerait pas en format de poche, dans la collection BQ?
Il a poussé loin cette fascination dans «La langue des abeilles», un roman qui montre l’envers et l’endroit du monde.
Lieux connus
Alain Gagnon vient de publier «Le truc de l’oncle Henry». Je ne compte plus les titres depuis longtemps. Deux douzaines au moins. Il écrit sans prendre de répit, oscille depuis quelques années entre le Saguenay et Notre-Dame-du-Portage qu’il fréquente en été.
Ce nouvel ouvrage secoue les grandes certitudes qui assoient l’évolution du monde et la naissance de l’humanité.
Le familier d’Alain Gagnon reconnaîtra son «pays d’écriture». Saint-Euxème, la rivière la Louve, le lac Bleu et la Calouna. Cet écrivain natif de Saint-Félicien s’est forgé un pays littéraire, à la manière de William Faulkner. Un monde qui a ses ancrages au Lac-Saint-Jean, pas très loin de l’Ashuapmushuan et de la rivière aux Saumons. Le familier des lieux y trouvera plein de clins d’œil.
«Bien au chaud dans sa fourgonnette, Olaf longe la Calouna qui, féline, s’étire avant de s’endormir dans cette fin d’après-midi de septembre. En aval, la masse sombre des îles. Lacouture et lui y ont chassé le canard dans leur jeunesse. Siteu en possède une, de ces îles. Comme si, déjà, il n’avait pas assez de terrain, songe Bégon.» (p.39)
Nous ne retrouvons peut-être pas la magie de «Sud» ou de «Thomas K» avec «Le truc de l’oncle Henry» mais quel ouvrage captivant. L’écrivain s’amuse et le lecteur y trouve son compte. On reconnaît le ton, la musique interne et la couleur de l’écrivain.
Alain Gagnon ajoute ici une page à son monde étrange, souvent cruel et explore d’autres méandres de la pensée. Il faut juste lui faire confiance et accepter de le suivre.
Enquête
Des phénomènes étranges inquiètent la population de Saint-Euxème. Des disparitions, des morts, des attaques sauvages et inexplicables se succèdent depuis que des travailleurs construisent un barrage dans la gorge des Conscrits. Des êtres étranges et d’une force peu commune terrorisent les habitants.
Le chef de police, Olaf Bégon, enquête, mais par quel bout empoigner ces phénomènes qui échappent à toutes les explications. Bien sûr, Alain Gagnon noue les ficelles, place les éléments du puzzle, multiplie les points de vue, pousse le lecteur tout doucement dans un monde fantastique.
Un véritable thriller, un roman policier qui emprunte des sentiers peu connus. Bien sûr le chef Bégon réussira à déjouer tout le monde, à percer tous les secrets en plus de trouver l’amour.
Alain Gagnon échafaude une œuvre qui sort de l’ordinaire depuis plus de trente ans même s’il se fait fort discret. Ce travailleur acharné croit surtout au travail bien fait et que l’écrivain doit, avant tout, écrire.
Une œuvre impressionnante qui prend la couleur de la poésie et du conte à l’occasion. Je me promets de le parcourir en une seule et grande course un de ces jours, histoire de goûter à la quintessence de cette entreprise originale qui fait en sorte que la littérature au Québec existe.
Le Salon du livre du Saguenay-Lac-Saint-Jean reconnaît, une fois de plus son immense talent, fin septembre. Il s’affirme cette fois en poésie avec «L’espace de la musique» après avoir remporté le prix fiction-roman à deux reprises avec «Sud» et «Thomas K».
«Le truc de l’oncle Henry» d’Alain Gagnon est publié aux Éditions Triptyque.
http://www.triptyque.qc.ca/auteurs/aut6.html
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